Antoine Blossier, réalisateur de La Traque, est à l’image de son film : tranchant et frontal ! A l’image d’un sanglier enragé qui aurait décidé de se frayer un chemin dans le champ du cinéma de genre français, il nous livre son point de vue… forcément direct !
Confirmes tu qu’aucun sanglier n’ a été blessé durant le tournage ?
Je confirme surtout qu’aucun sanglier n’a été utilisé durant le tournage. Mais on aurait bien aimé qu’un personnage casse la gueule à un vrai sanglier (Rires).
Combien de temps de préparation pour les acteurs ?
Environ deux minutes ! On a peu de temps pour tout ce qui est préparation à la chasse, l’armurier, qui connaît très bien son métier, a familiarisé les acteurs avec leurs armes. Dans le cas de François Levantal y’avait pas besoin, plus il avait de cartouches à tirer plus il était content ! Grégoire Colin lui avait besoin de se familiariser avec les armes parce qu’il devait paraître maladroit avec. Pour Fred Ulysse c’était plus intéressant car il avait besoin de la sentir.
Le film a mis du temps à arriver en salles. Pourquoi ?
Le film correspond à une fenêtre bien précise du cinéma de genre français. Celle-ci est perçue de manière très compliquée par les spectateurs, les financiers. On est sur le même créneau que Mutants, Humains alors qu’on a essayé à tout prix d’en sortir, de faire un film plus populaire, ludique, pop corn. Ce qui a été très difficile à faire accepter auprès des financeurs et des distributeurs qui n’arrivaient pas à nous voir autrement. Ils se sont basé sur l’échec du dernier film de genre français. Il faut savoir qu’on a quand même perdu 2 millions d’euros – soit la moitié du budget- parce que Humains s’est planté ! Qualitativement le film est une bouse et il s’est planté à juste titre. Une partie des financiers a cru qu’on allait faire pareil parce qu’il s’agissait d’un survival en forêt !

Comment explique tu cette appréhension vis à vis du film de genre français ?
Je pense que tout le monde est responsable, notamment nous auteurs, réalisateurs. Il y a un problème de culture : nous ne sommes pas dans une culture anglo saxonne vis à vis du film de genre, les spectateurs ont besoin d’exotisme dans les films de genre qu’ils soient américains ou espagnols parce qu’ils ont besoin de se dire que ce qu’ils voient d’horrible dans ces films là ne se passera pas en France. Ils ont besoin de cet exotisme qui va servir de filtre. Ce qui en soi pose déjà un pose si tu veux faire un film de genre en France. Partant de ça, en tant que spectateurs de film de genre, nous réalisateurs, avons besoin de nous rassurer en cherchant des références dans le cinéma américain par exemple. Sauf que nous ne parvenons pas à l’intégrer dans une histoire typiquement française. J’ai essayé de me libérer de ça… Je ne suis pas sur d’y être arrivé. Il y en a un qui y arrive très bien c’est Fred Cavayé. Dans A Bout Portant, son scénariste Guillaume Lemans et lui ont essayé d’apporter quelque chose de très fort notamment lors d’une séquence de torture à la Jack Bauer. Et pourtant le film n’est pas interdit aux mineurs. Il n’y a qu’en montrant que film de genre ne rime pas forcément avec porno gore qu’on y arrivera. C’est comme si tu disais que Le Seigneur des Anneaux c’est un film de genre sous prétexte que Peter Jackson a fait Bad Taste ! C’est pour ça que je dis que tout le monde est coupable, il y a un vrai manque de curiosité !
Tu penses qu’un festival comme Gérardmer peut permettre à des films de genre de se faire une réputation ?
Ecoute, je ne sais pas. Ca s’est très bien passé à Gérardmer, on était vraiment très content d’y être. On a eu un super accueil… mais en même temps on a été pris hors compétition, nous n’avons jamais su pourquoi. Alors oui et non car être à Gérardmer parce qu’on est un film de genre français ok mais le fait d’être hors compétition déjà nous a isolé des médias locaux.
Parles-nous de ta collaboration avec ton scénariste Erich Vogel. Comment vous êtes vous connus ?
Erich et moi on se connaît depuis plus de dix ans, on étaient à la fac ensemble. La première année on se détestait. Par la suite on s’est beaucoup apprécié. Et quand mon producteur Olivier Oursel m’a demandé si ça m’intéressait d’écrire un film de genre j’ai pensé à Erich. On travaille énormément pendant pas mal de temps puis on commence à coucher des idées qu’on retravaille progressivement. C’est un très bon pote et là on est en train d’en écrire un autre.
Vous avez vu beaucoup d’émissions de Chasse & Pêche ?
Pour le coté technique oui on s’est vu ça avec la grosse déprime qui va avec. On a aussi revu plein de films comme Massacre à la Tronçonneuse ou encore Razorback qu’on aime pas ! A un moment donné on essayait de voir les images qu’on avait envie de voir, c’est à dire qu’on rassemble un peu tout et on en parle. Le problème entre Erich et moi c’est que nous sommes souvent d’accord donc il n’y a pas de contradiction !

Beaucoup de choses passent par le dialogue, en quelques répliques les enjeux sont donnés. C’était important pour vous de faire passer les choses par l’écrit ?
La volonté était surtout de ne jamais faire de superflu. A un moment donné on a repris le scénario et on a enlevé tout ce qui nous paraissait inutile. Il y a des choses qu’on aurait bien voulu faire passer par l’image mais c’était impossible pour des raisons diverses et variées, on a donc décidé de passer par les dialogues. Cependant on ne voulait pas être trop explicatif. L’idée c’était que chaque étape, que ce soit une phrase ou un plan fasse avancer l’action, tout le temps comme une sorte de fuit en avant volontaire.
Tu cites Resident Evil 4 parmi tes références. Pourquoi ?
Pour le coup on y a beaucoup joué avec Erich. Il y a une vraie atmosphère surtout quand t’es dans le cabanon. C’est un jeu qui est à la fois dans l’action et dans le film d’horreur. Ca a été une grosse référence !
Les jeux vidéos t’influencent beaucoup ?
Je dirais que je le serais surtout pour mon prochain film dans lequel on voit des jeunes jouant beaucoup aux jeux vidéo essayer de reproduire la même chose dans la réalité/ Evidemment ça ne marche pas ! En ce qui concerne La Traque, on rejoint cette idée d’adopter le point de vue du personnage principal. Quand on compare avec ce qu’est le jeu vidéo maintenant on se rend compte que le cinéma est à la masse !

Quizz sales bêtes : quelques mots pour définir les films suivants. Prêt ?
Les dents de la mer
Parfait !
Razorback
Aaaahhhh !!!
Arachnophobie
Alors je ne me souviens plus de ce film mais je crois que c’est très sympa. Je ne suis pas du tout arachnophobe !
Anaconda
Je me souviens avoir emballé une meuf devant !
Mimic
Alors là je vais m’attirer des problèmes mais mis à part Le Labyrinthe de Pan, je trouve que les films de Guillermo Del Toro sont extrêmement lents et chiants !
Quel animal te fait peur ?
J’ai pas ce genre phobies ou sinon ce serait la bestiole microscopique qui vient s’immiscer dans ton corps pour y déposer des germes atroces !
Quel film t’a dégouté des balades en forêt ?
Eden Lake. J’aimerais bien dire Délivrance mais depuis il y a eu Eden Lake qui m’a poussé dans mes extrêmes ! Je me suis dit que je n’irais plus jamais en forêt ! J’aime cette séquence en forêt où ça dégénère juste avant la course poursuite. Il y a cette montée de violence qu’on retrouve justement dans Delivrance quand ils rencontrent les deux rednecks et qui me fait horriblement peur.

Quel film t’a dégouté des retombées nucléaires ?
Je dirais La Colline a des yeux. Sinon il y a Le jour d’après, un documentaire anglais crado des années 80 qui m’a bien dégouté !
Quel film t’a dégouté de la famille ?
Un air de famille. Tout ce qui y est montré les petites humiliations etc… doit être surement vrai. J’ y ai reconnu des trucs !
Merci à Michel Burstein de Bossa Nova et longue vie à La Traque !