Séance de rattrapage : 3 Billboards, les panneaux de la vengeance

 
Un film de Martin McDonagh. Avec Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell. En salles depuis le 17 janvier 2018.

 

Grand favori des Oscars, 3 Billboards mérite amplement l’ultra hype dont il fait l’objet depuis plusieurs semaines. Explications.
 

Note : 4/5

 
Pour son 3ème film, Martin McDonagh s’intéresse au combat de Mildred (Frances McDormand), mère courage prête à tout pour relancer l’enquête sur le meurtre de sa fille quitte à pointer ouvertement du doigt la responsabilité du shérif local (Woody Harrelson) et à s’attirer les foudres de son adjoint (Sam Rockwell) voire de la ville toute entière. Le réalisateur irlandais renoue ainsi avec l’humour noir teintée de mélancolie de son excellent Bons Baisers de Bruges tout en allégeant la narration qui avait fortement handicapé son moyen 7 psychopathes. Le résultat, à la lisière entre son cinéma et celui des frères Coen, interpelle par sa mise en scène délicate et son écriture au cordeau d’une redoutable efficacité. D’une tristesse infinie, 3 Billboards maintient constamment en alerte malgré une violence sourde pesant sur le film comme une chape de plomb mais surtout parvient à ce délicat équilibre entre relative légèreté et évidente gravité. Car au travers de son sujet morbide, 3 Billboards ne parle de rien d’autre que la vie, ses petites victoires, ses grandes défaites et inversement…ou comment la résilience peut se révéler être la plus grande des forces. L’autre grande qualité du film réside dans sa peinture sans fard d’une Amérique engoncée dans des « valeurs » patriarcales et racistes, viciée de l’intérieur par une violence jamais sourde mais au détour pointe quelque part une certaine forme de rédemption.

20th Century Fox

Paradoxalement, il y a quelque chose de profondément solaire dans la manière dont le film pose un dans regard à la fois déterministe et plein d’espoir sur la nature humaine et cela est en grande partie dû à l’évidente bienveillance que McDonagh porte sur ses personnages. De Frances McDormand absolument géniale en matriarche grande gueule (si elle n’obtient l’Oscar on vous prévient on crie au scandale !) à Woody Harrelson qui trouve ici le rôle de sa vie dans la peau du shérif local traversant les épreuves avec une dignité absolue, en passant par un Sam Rockwell particulièrement inspiré, c’est toute une galerie de personnages tour à tour attachants et repoussants, dignes ou odieux mais tous terriblement humains, que le réalisateur irlandais nous dépeint avec une empathie déconcertante, comme si quelqu’un part la violence qui gronde puis finit par exploser chez chacun d’eux répondait à une souffrance à laquelle il nous demande de nous rattacher d’une manière ou d’une autre. Oui, 3 Billboards est un film profondément humain, humaniste même qui de par toutes les qualités évoquées plus haut n’aura aucun mal à rejoindre des œuvres comme Fargo ou Comancheria au panthéon des grands films sur l’Americana, voire des grands films tout courts.
 

Magnifique drame sur la culpabilité, 3 Billboards touche par sa finesse d’écriture et la justesse de son superbe casting. Beau et terriblement humain !