Un film de Michael Haneke. Avec Jean Louis Trintignant, Emmanuelle Riva , Isabelle Huppert. En salles depuis le 24 octobre 2012.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire… Aussi pour illustrer notre interview de Michael Haneke, nous vous proposons enfin la critique de son palmé Amour.
Haneke poursuit son autopsie de la psyché-humaine, à décortiquer avec perversité nos failles morales pour nous confronter à notre bassesse animale. C’est froid, méthodique, insupportable. C’est du Haneke tout craché !
Note : 4,5/5
Cet Amour mérite-t-il pour autant sa palme d’or ? Après le surestimé Caché et le poussif Ruban Blanc, Haneke délaisse la farce stylisée pour une mise en scène épurée. Place à l’émotion et non plus à la répulsion face à notre auto-portrait. L’Homme est mauvais. Mais l’Homme a un coeur. Son talon d’Achille. Haneke donne un visage à cette petite mort que nous avons tous vécu. Elle est lente, insidieuse, aveugle. Vous ne sortirez pas indemne de cette déclaration. C’est une véritable torture d’assister aux derniers sacrements de ce dévouement ultime, que d’accompagner sa moitié jusqu’au dernier pas de danse. L’Amour est une arme. Haneke pervertit notre morale et nous fait accepter l’horreur en sacrée. Tout débute comme un reportage à la Strip-Tease. On rentre dans l’intimité de ce couple octogénaire. Anne est précieuse, Georges est ronchon. Leur quotidien est routinier. Haneke accentue cet ennui en usant de plans séquences redondant et de dialogues affligeants de réalisme. Mais le charme opère. Car derrière ce tableau vieillissant, le vernis craque en silence. Il suffit d’un regard, d’une main effleurant l’autre, d’une attention toute particulière pour qu’un amour à fleur de peau se dégage de ce couple. Anne et Georges incarnent l’imagerie collective du mariage à vie, jusqu’à ce qu’un anévrisme brise cette euphorie passive.

Comme à son habitude, Haneke nous piège. Un petit air de déjà-vu qui nous fait penser à la dialectique de Funny Games : aborder notre réalité comme un documentaire pour extrapoler un fait sociétal et forcer le spectateur à l’étudier. La violence pour l’un, la mort pour l’autre. Il était à craindre l’outrance, c’est la subtilité que va privilégier Haneke. Toujours dans ces non-dits. Cette vérité que Georges refuse d’admettre. Que le spectateur s’interdit à réfléchir. Une question simple : quelles sont les limites de l’Amour ? Après une introduction contemplative, place à l’introspection. Finit les larmes, place à la gêne. A l’interdit. Montrer les dégâts de la vieillesse sans tomber dans un patos vulgaire, voilà la magie d’Haneke avec Amour. Il nous terrifie, mais contrairement à Funny Games, nous ne cherchons pas fuir. Nous acceptons cette violence physique et morale, comme un signe de bonne foi. Nous avons été lâche. Nous, la société. Amour nous confronte à l’abandon dont sont victimes les personnes âgées, sans pour autant verser dans une démonstration accusatrice démagogique. Haneke établit un constat. Voilà le sort qui nous attend. Mourir sans dignité. Et pour les plus chanceux, par amour. S’il n’y avait qu’un point négatif à souligner, ce serait la photographie plutôt terne de Darius Khondji. A l’exception d’une séquence graphique teintée d’un bleu cauchemardesque, la lumière reste naturelle. Ce qui accentue certes le propos du film, mais ne sublime pas assez les prestations magnifiques d’Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant.