Séance de rattrapage : Les Chiens errants

 
Un film de Tsai Ming-Liang. Avec Lee Kang-Sheng, Lee Yi-Cheng, Lee Yi-Chieh. En salles depuis le 12 mars 2014.

 

Tsai Ming-Liang, comme son confrère Hou Hsia Hsien (I wish I know, Three times) est exigeant. Peut-être trop parfois. Mais une certitude persiste : il fait de vraies propositions de cinéma !

 

Note : 3,5/5

 

Arrêtons-nous sur la forme (ou les formes !) que le cinéaste utilise pour nous raconter l’errance de ce père de famille avec ses 2 enfants à Tapei (Taiwan), entre repas sur le trottoir sous la pluie, lavage expresse dans les toilettes publiques ou ce grand matelas qui sert de lit à nos 3 protagonistes dans une pièce délabrée. Dans son dix-neuvième film (courts-métrages compris), qui a reçu le grand prix à Venise, le réalisateur retourne à ses plans fixes, quasi tous plans-séquences, d’abord en très courtes focales (donc assez larges), ce qui donne une impression de tableaux, dressant un état de misère sociale sans aucun pathos mais d’une densité implacable. Puis sa caméra se rapproche un peu de ses personnages, comme pour les montrer évoluer, tels des animaux, dans leur état non naturel ! Finie la fantaisie musicale ou sexuelle que l’on pouvait entr’apercevoir dans La saveur de la pastèque  ou I don’t want to sleep alone . C’est plutôt la radicalité qui prédomine ici. Elle semble même poussée parfois à l’ extrême, comme dans cette séquence finale où, pendant 15 minutes et, devant une caméra immobile, un homme reste prostré derrière une femme qui pleure face à une fresque dans un hangar abandonné. Il semble symboliser ici le non- espoir du sentiment amoureux.

 

© Tous droits réservés
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Ses propos passent d’abord par l’image, et plus précisément des décors bien choisis : tout est lézardé, en friche, comme si une bombe avait explosé des années auparavant dans un endroit et que rien n’avait bougé. Mais le son a une place presque aussi importante, alternant  vrombissements de voitures incessants, poursuivant nos héros,  et pluies battantes et fuites d’eau, résultante d’un marasme dans lequel évoluent les personnages. Enfin, comme dans beaucoup de ses films, il fait jouer un rôle important à l’abstraction du temps de multiples manières. Par exemple, en faisant interpréter par différentes comédiennes le rôle de la mère (ou plutôt, l’image de la mère), ou encore, en mélangeant les nombreux décors sans logique chronologique et par ce montage, il nous perd comme il perd ses héros dans une ville ravagée par le capitalisme qui laisse peu de place à ceux qui ne la trouvent pas. Alors, avouons qu’il demeure recevable que certains restent imperméables ou s’ennuient fermement devant ce cinéma à qui l’on peut parfois reprocher d’être maniéré ou trop plastique.

 

Tsai Ming-Lang sait créer, en utilisant tous les outils cinématographiques, une œuvre propre a lui qui parle intelligemment du monde d’aujourd’hui.

 
 



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