Un film de Sam Peckinpah. Avec Warren Oates, Isela Vega, Gig Young. Disponible en DVD & Blu-Ray chez Filmedia depuis le 2 octobre 2012.
Film : 4,5/5
Chef d’œuvre du polar crépusculaire, Apportez moi la tête d’Alfredo Garcia débarque enfin chez nous dans des conditions dignes de son aura culte. Si on aurait pas craché sur une ressortie salles, sa (re)découverte en DVD et Blu-Ray tient du petit miracle tant on pensait le film à jamais perdu dans les limbes des grands films oubliés. Film maudit et massacré par la MGM qui réduisit considérablement sa durée pour son exploitation salles (1h48 contre 2h08 pour le montage original), Apportez moi la tête d’Alfredo Garcia n’en porte pas moins la griffe de son auteur qui a su y apposer malgré tout son inimitable griffe. On y retrouve son gout pour les personnages cassés, fantômes d’un rêve à jamais déchu, irrémédiablement pris dans l’infernal cycle de la violence.
Apre, rugueux mais jamais complaisant, Apportez moi la tête d’Alfredo Garcia a, à l’image de La Horde Sauvage ou Pat Garrett et Billy le Kid, des airs de requiem, à l’immense impact émotionnel. Des comparaisons loin d’être vaines car si le métrage est contemporain, il n’en demeure pas moins intemporel, se rapprochant davantage du western que du polar hard boiled. Porté de bout en bout par cette espèce de tristesse magnifique (cristallisée par un Warren Oates sublime), le film traine son spleen jusqu’à la lie et nous embarque très rapidement dans un voyage sombre comme une œuvre de Conrad. Difficile d’aller plus loin tant il fait davantage appel à un type d’émotions que les mots peuvent peu aisément décrire. S’il n’atteint pas ici le niveau de perfectionnisme de ses autres œuvres, il continue de tutoyer la perfection avec une simplicité désarmante. Et le spectateur de se laisser porter par cette odyssée désespérée où toutes les figures du western made in Peckinpah y sont convoquées comme si le réalisateur faisait ses adieux au genre en l’imprégnant durablement dans notre cortex cinéphilique. C’est peut être bien ça la marque d’un grand film ?
Blu-Ray : 2,5/5

Image et son : 2,5/5
Depuis 2005, les fans attendaient autre chose à se mettre sous la dent que l’édition DVD Zone 1 qui ne se fendait que d’une simple bande annonce en guise de bonus. Ne vous réjouissez pas trop vite car si cette édition HD fait preuve en apparence d’alternative salutaire, pas sûre qu’elle satisfasse les amateurs de restauration fouillée. La faute à une définition faiblarde où bruits et artefacts sont légion tandis que les contrastes peinent à faire preuve d’un réel dynamisme. Dommage car le début du métrage laisser espérer une restauration correcte à défaut d’être correcte. On peut aisément imaginer que l’éditeur, surement flanqué d’un master imparfait, n’a pu réviser sa copie que de manière sommaire. Le résultat n’est pas ignoble, il fait même parfois plaisir à voir sur certaines séquences, mais un réel décapage n’aurait pas été de trop.

Niveau son ne vous attendez pas à des miracles non plus, les pistes française et anglaise DTS-HD Master Audio 2.0. font correctement leur boulot sans jamais être d’un relief bouleversant. Les voix ont toutefois le mérite de rester cristallines et de se détacher parfaitement. C’est déjà ça !
Bonus : 3,5/5
La réelle plu value du disque se situe dans son traitement éditorial via deux bonus passionnants. Pièce centrale de cette interactivité, le long documentaire (75 minutes) « Sam Peckinpah, un portrait » se fait fort de décrire le cinéaste sans complaisance aucune via diverses interventions (James Coburn, Alice McGraw). Peckinpah y est décrit comme un homme difficile mais réellement géniale et qui, entre deux verres d’alcool, dégageait une vraie humanité. Il en résulte un portrait touchant et dense fourmillant d’anecdotes croustillantes. Plus scolaire, l’analyse du film par François Causse n’en demeure pas moins très intéressante notamment dans sa propension à replacer le film dans son contexte.

La bonne vibe : l’occasion de redécouvrir un sommet du nihilisme made in Peckinpah
La mauvaise vibe : une édition techniquement décevante.
Verdict : pour quiconque ne pourrait ou voudrait se tourner vers l’import (deux éditions Blu-Ray sont disponibles en Italie et en Espagne), il s’agit là du meilleur moyen de profiter du film en HD, d’autant que cette édition est la seule à proposer des suppléments. Maigre consolation.