Critique : Balada Triste

 

Un film de Alex de la Iglesia. Avec Carlos Areces, Antonio de la Torre, Carolina Bang. Sortie le 22 juin 2011.

 

Quand un clown pète un plomb, on appelle l’asile. Mais que fait on quand deux d’entre eux mettent la ville à feu et à sang ? Le réalisateur du Crime farpait nous donne la réponse… à sa manière !

 

Note : 2,5/5

 

De mémoire, le dernier clown à nous avoir dégouté des nez rouges avait pris les traits de Tim Curry dans le cultissime Ca (ou Il est revenu pour ceux l’ayant découvert sur M6) de Tommy Lee Wallace. Il faudra désormais compter sur Javier et Sergio, nouveaux personnages excentriques issus de l’esprit totalement frappadingue d’Alex de la Iglesia! D’un coté du ring le gentil couillon, de l’autre, la brute épaisse, et au centre une blonde incendiaire aux tendances masochistes. La guerre des clowns s’annonce… épique ! Avec un pitch pareil, Balada Triste fleurait bon le retour en force du Alex de la Iglesia qu’on aime, ce sacré sale gosse totalement azimuté dont la méchanceté n’a d’égale que la profonde affection qu’il porte à des personnages horriblement attachants. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ça commence sur les chapeaux roues : en une séquence d’exposition et un générique graphiquement génial, papa Alex nous montre qu’il n’a rien perdu de sa verve et qu’il a bien l’intention d’exploser une fois de plus le petit monde pépère du cinéma ibérique. La fascination pour le délicieusement crade de Perdita Durango et Le Jour de la Bête sont là tandis que semble poindre le mordant inhérent à Mes Chers voisins et Le Crime farpait. Balada Triste n’a même pas pleinement dévoilé ses enjeux qu’on jubile déjà à l’idée de voir le cinéaste se lâcher complétement au détour de séquences siphonnées à souhait !

 

© SND

 

Sauf que voilà : passé une première partie marchant sur les plates bandes de Mort de rire (autre comédie du père de la Iglesia dans laquelle deux comiques se menaient une guerre sans merci) Balada Triste semble tourner en rond pour aller… nulle part ! Conte à la lisière du fantastique, brûlot politique, comédie noire ou encore vigilante… le film bouffe à tous les râteliers comme pour mieux palier les carences d’une intrigue qui fait du surplace. Sans garde fou (au hasard son comparse et co scénariste Jorge Guerricaechevarria à ses cotés depuis Le Jour de la Bête et ici étrangement absent), l’ami Alex part dans tous les sens et s’enlise dans l’hystérie exacerbée. Une forme d’exutoire qu’on devine salutaire pour le réalisateur. Malheureusement, elle se fait au détriment de personnages auxquels on aurait aimé s’attacher pour peu qu’ils n’aient pas été les pantins d’un récit qui ne semble avancer qu’au gré des ses exactions visuelles. Sanctifiant à mort la figure du clown, le cinéaste passe totalement à coté de la dimension tragique de son personnage principal, faire valoir clownesque condamné à en prendre toujours plein la gueule !  On se consolera toutefois avec la présence de la très belle Carolina Bang.  Tour à tour fragile et diabolique, pure et impie, elle irradie le film et apporte une touche de « douceur perverse » dans ce monde de brutes. Et si la cohésion scénaristique est aux abonnés absentes, il faut bien reconnaître que la réalisation foutraque de De la Iglesia offre quelques belles envolées poétiques sublimées par la photo de Kiko de la Rica (Lucia et le sexe). Plus décevant que réellement mauvais, le retour tant attendu du trublion de la Iglesia aurait pu être magistral si il n’était pas aussi fourre tout.

 

Fou, nihiliste… Balada Triste marque les limites d’un cinéaste trop talentueux pour ne pas être canalisé. Next time, Alex.