Critique : la Couleur des Sentiments

 

Un film de Tate Taylor. Avec Emma Stone, Viola Davis, Bryce Dallas Howard. Sortie le 26 octobre 2011.

 

Emma Stone, la nouvelle copine de Spiderman, s’insurge contre l’intolérance dans l’Amérique des 60’s. Aux livres citoyennes !

 

Note : 2/5

 

En 1994, Forrest Gump, simplet de son état, disait : « la vie c’est comme une boite de chocolats… on ne sait jamais sur quoi on va tomber ! », dix sept ans plus tard, Minny Jackson (Octavia Spencer), domestique afro américaine dans l’Amérique profonde des 60’s, affirme que « frire du poulet ça vous redonne goût à la vie ». Outre leurs réflexions sur le caractère gastronomiquement sacré de la vie, Forrest et Minny ont en commun de renvoyer à une certaine image d’Epinal de l’Amérique, une époque où l’on pouvait distinguer les méchants américains des gentils, la candeur ou l’ignominie des gens n’étant jamais cachés par le masque de l’hypocrisie feinte. En d’autres termes : c’était mieux avant ! Mais si la relative naïveté de Forrest Gump pouvait se comprendre par son personnage titre, pas certain qu’il en soit de même pour La Couleur des Sentiments, traduction VF disneyenne et neuneu de The Help. Inspiré du livre de Kathryn Stockett, The Help (c’est quand même plus classe que La Couleur des Sentiments) raconte comment, dans les années 60, une aspirante journaliste et deux gouvernantes noires vont bousculer l’ordre établi dans la petite  ville de Jackson, via un livre remettant en cause les conventions sociales les plus sensibles. Sur le papier, une intention plus que louable : dénoncer la banalisation du racisme de l’époque en donnant une voix à ces femmes méprisées et humiliées. A l’écran, le résultat fleure tellement la guimauve et le politiquement correct qu’on frise l’indigestion un peu comme si on assistait à une pub pour KFC ou Oncle Ben’s accompagné de son cortège de clichés. Ou comment jouer la carte de la subversion dans une ambiance plus proche de Fantasyland que de la moiteur étouffante du Sud des Etats-Unis ! Ici, tout est bien propret et à sa place : le soleil est radieux, les oiseaux gazouillent tandis que la xénophobie ambiante se décline au féminin à l’occasion de tea party délicieusement superficielles. La Couleur des Sentiments c’est un peu un Mississippi Burning ultra light à la sauce Desperate Housewives !

 

© Dreamworks pictures

 

Les enjeux qui en découlent à base d’hérésies sanitaires et de tartes au « chocolat » prennent tellement de place qu’elles en viennent à phagocyter le véritable nœud du film : ce fameux livre supposé marquer le premier pas vers une révolution sociale. Dès lors, les sourires se fissurent, le racisme de bon aloi laisse place à la haine et La Couleur des Sentiments semble marquer des points, prendre enfin son envol.  Un plaisir de courte durée tant les retombées du brulot se voient expédiés vite fait bien fait pour mieux céder à un final en queue de poisson confirmant bien que le film est malheureusement passé à coté de son sujet. D’autant plus dommage qu’il est habité par certains personnages forts : si le numéro de mama grande gueule d’Octavia Spencer lasse rapidement, Viola Davis fait preuve d’une belle retenue et campe une gouvernante d’une dignité absolue. Coté blancs becs : Bryce Dallas Howard agace, Emma Stone est mimi, mais c’est surtout Jessica Chastain qui surprend en bimbo aussi drôle que touchante. C’est bien maigre pour rendre justice au sujet de The Help et au courage de ces femmes qui, face à l’intolérance, ont répondu par l’amour de l’autre et un regard empli d’humour sur les aléas de la vie.

 

Moins gnian-gnian, La Couleur des Sentiments aurait pu se révéler être une belle leçon de courage au féminin. Las, il faudra se contenter ici d’une friandise bienpensante.