Critique : Carnage

 
Un film de Roman Polanski. Avec Jodie Foster, Kate Winslet, Christoph Walz. Sortie le 7 décembre 2011.

 

Roman Polanski arbitre un match cinglant entre parents faux culs. Tous aux abris !


Note : 3,5/5


Sous genre mal souvent mal appréhendé, le huis clos au  cinéma peut donner lieu à des chefs d’œuvre (Le Limier) ou au contraire à de grosses baudruches comme un certain Cravate Club. Et parce que l’adaptation de pièces de théâtre ne se résume pas aux grimaces de Charles Berling et Edouard Baer, Roman Polanski a décidé de lui redonner un bon coup de peps. Un choix loin d’être hasardeux tant le film renoue avec une certaine hargne du cinéaste et un humour qu’on a trop souvent limité au seul Bal des Vampires. Mais alors Carnage c’est quoi ? Tout simplement un plaisant jeu de massacre au cours duquel deux couples s’écharpent verbalement après que leurs fistons se soient exprimés de manière plus physique ! Deux couples, un décor et des dialogues taillés à la serpe… entre d’autres mains Carnage aurait pu se révéler redondant et limité. C’était sans compter la vigueur de Polanski qui, sans paresse aucune, se saisit de la caméra avec l’entrain d’un enfant trop longtemps privé de ses jouets. Il en résulte une œuvre loin d’être statique dynamisée autant par la force de l’écriture que par une mise en scène subtilement travaillée évitant sciemment dans tomber dans l’écueil du champ/contre champ. Les petites mesquineries, phrases à double sens et autres hypocriseries mondaines, Polanski connaît ça et on ne peut s’empêcher de jubiler en voyant sa mécanique prendre place petit à petit comme s’il prenait un malin plaisir à voir la sphère bobo semer les propres graines de son implosion.

 

© Wild Bunch Distribution

 

Car oui, Carnage peut être autant vu comme un cri de rage aux résonnances personnelles que comme une comédie humaine au sens premier du terme. Comprendre par là que l’humour fin, incisif et féroce sert ici d’arme de destruction massive. La tension instillée ici se traduit à grands renforts de petites piques disséminées ici et là et qui ne cesseront de gonfler jusqu’au feu d’artifice final. Mais cela se serait révélé bien faiblard sans l’aide d’un cast oscillant entre outrances et coups de génies. Galanterie oblige c’est du coté des femmes que nous commencerons les présentations. Coté droit du ring : Jodie Foster en épouse bien pensante faussement libérale face à une Kate Winslet déchainée en working girl expansive. Rayon hommes John C. Reilly tient la dragée haute à ses comparses féminines et dévoile un jeu complexe et nuancé. Ce n’est pas pour rien que le monsieur a commencé chez Paul Thomas Anderson ! A ses cotés, Christoph Walz laisse ses mimiques habituelles pour se glisser dans le costume sur mesure du mondain Alan Conwan. Chacun joue sa partition à merveille et surtout semble s’amuser comme un petit fou. Il faut bien le dire : voir des gens si bien sous tous rapports se lancer vacheries sur vacheries a quelque chose de diablement réjouissant. On en vient à regretter alors que Polanski ne soit pas allé encore plus loin surtout au regard de certaines fulgurances (vous ne verrez plus Kate Winslet de la même manière). Tournant quelque peu à court lors de son dernier quart, Carnage s’enferme dans un carcan très théâtral là où l’heure précédente s’en était parfaitement affranchie. Dommage. On se consolera avec l’idée que Polanski a parfaitement saisi l’enjeu de ses joutes verbales où des parents expriment leur mal être à partir du plus petit grain de sable. Quand on vous parlait de mécanique diabolique…

 

Ironique et malin, Carnage prouve par l’image que Polanski n’a rien perdu de sa verve !