Un film de Xavier Durringer. Avec Denis Podalydès, Bernard Le Coq, Samuel Labarthe. Sortie le 18 mai 2011.
Quand le réalisateur de J’irais au paradis car l’enfer est ici s’attaque au paysage politique français, ça donne quoi ? Réponse ci dessous.
Note : 3,5/5
Il y a trois ans, Oliver Stone nous prouvait avec son semi raté W. qu’il ne suffisait pas de jouer la carte du mimétisme primaire pour dénoncer efficacement l’échec d’une administration. Quelques années et un continent plus tard, Xavier Durringer allait-il réussir là où Stone avait plus ou moins échoué ? Pas vraiment. Car au risque de décevoir les militants cinéphages, La Conquête n’est pas tant une peinture au vitriol de notre actuel Président qu’une comédie mordante sur les rouages de la machine politique française. Une sorte d’immense bûcher des vanités où s’entremêlent coups bas et hypocrisies à une vitesse métronomique. Tel une meute de loups prêts à s’entredéchirer au moindre faux pas, les pions de cet immense échiquier avancent avec un sens du timing et de la stratégie dument réfléchis. Ce réjouissant jeu de massacre, Durringer la filme non pas avec un sérieux papal mais nanti de cette ironie inhérente aux grandes satires. Sous ses dehors de success story acerbe, La Conquête montre de manière drôle et ludique comment une campagne se mène et surtout… se gagne !

Une réussite due en grande partie à Patrick Rotman, historien à qui l’on devait déjà le scénario de L’Ennemi intime et qui s’était déjà attaqué à d’autres figures politiques comme Chirac et Mitterrand. Sa plume, d’une parfaite rigueur, cerne à merveille les psychés de ses personnages à travers des dialogues parfaitement ciselés. Tout du long, La Conquête témoigne d’un amour véritable du mot, tour à tour délectable et véritable arme de destruction massive. Snipers verbaux de haute volée, le faux triumvirat Chirac/ De Villepin/ Sarkozy se tire dans les pattes avec une joie que peinent à dissimuler leurs sourires crispés. Soit des constants jeux de ping pong oraux assenés avec une violence inouie où chaque intonation, chaque adjectif utilisé se révèle plus efficace qu’une balle en plein cœur. Plus coutumier des ambiances intimistes, Durringer s’efface derrière une réalisation un poil académique même si son apport au scénario (et plus particulièrement à cet amour de la langue évoqué précédemment) se fait souvent ressentir. On aurait aimé toutefois qu’il y injecte plus de malice tant l’ensemble fait parfois preuve de statisme malgré l’évident dynamisme apporté par les dialogues. De fait, le traitement accordé à l’implosion du couple Nicolas/Cecilia paraît bien faiblard. Si le refrain bien connu selon lequel derrière chaque grand homme se cache une femme trouve ici un drôle d’écho (quand on vous disait que l’ironie était reine !) on en vient à se demander pourquoi il sert de fil rouge tant le film veut s’éloigner de l’intime.

Et alors que la bande annonce laissait augurer une version live des Guignols de l’Info via sa galerie de sosies aux tics irritants, le film prend une direction quasi opposée grâce à un cast totalement investi. Génial en Chirac contri, Bernard Le Coq bouffe l’écran et donne ainsi une certaine densité à ses affrontements avec un Sarkozy/Podalydès lui tenant la dragée haute. Aux cotés de l’ex Président, Samuel Labarthe, tout simplement méconnaissable en Dominique de Villepin, offre l’une des compositions les plus intéressantes car la moins soumise au jeu de la comparaison physique avec son alter ego. Mais bien sûr le tour de force du métrage est à mettre au crédit de Denis Podalydès bluffant d’authenticité en Sarkozy aux furieux airs de Joe Pesci. Plus que sa façon de s’être fondu totalement dans son personnage au point d’en adopter tous les tics avec un mimétisme troublant, c’est avant tout l’interprétation qu’il donne a de Sarkozy, l’homme, le personnage médiatique, qui est intéressant. Loin de tout manichéisme, il semble aborder ce dernier comme n’importe quel autre personnage rongé par l’ivresse du pouvoir. Une désacralisation qui évite à l’acteur de tomber dans l’écueil de la caricature facile. Car en définitive, La Conquête est aussi une radiographie du pouvoir qui, contrairement d’autres brûlots soi disant subversifs et enfonçant des portes ouvertes, à l’intelligence de rester à échelle humaine au détriment de tout réel discours militant et superflu. Nicolas Sarkozy, un homme comme les autres ? Et si c’était ça la meilleure des attaques ?