Un film de David Cronenberg. Avec Robert Pattinson, Juliette Binoche, Paul Giamatti. Sortie le 25 mai 2012.
Avant de clore la saga vampirique qui l’a hissé au rang d’idole mondialement connue et adulée des adolescentes, Robert Pattinson s’essaye à un nouveau registre… Avec brio !
Note : 3,5/5
Robert Pattinson ou l’homme qui valait des milliards. Du vampire taciturne au loup de la finance il n’y a qu’un pas et c’est David Cronenberg qui lui a permis de le franchir, le menant séance tenante aux prestigieuses marches cannoises. Dans le très attendu Cosmopolis, présenté en Sélection Officielle sur la Croisette et dans les salles obscures aujourd’hui même, le cinéaste canadien place le ténébreux suceur de sang dans la peau d’Eric Packer, golden boy pompeur de blé malheureux aux jeux et en amour, se débattant avec un mariage aussi bancal que le cours du yuan sur lequel il avait parié, en plein déclin et qui va le mener à sa perte. Le réalisateur du déroutant Crash dépeint ainsi une journée (la dernière ?) de ce magnat, utilisant sa limousine high-tech suréquipée – dotée de toilettes, s’il vous plaît ! – en guise de décor, sillonnant les rues newyorkaises paralysées par la venue du Président américain. Et à mesure que notre (anti)héros s’engouffre sur les voies paisibles en apparence, la quiétude laisse progressivement place à l’atmosphère chaotique qui va l’entrainer aux confins d’une spirale infernale et vertigineuse.

Ce véritable huis-clos voit ainsi défiler bon nombre de personnages sur la banquette bling-bling de la limo, à commencer par la frenchie Juliette Binoche sous les traits de la maîtresse quadra venue vider les bourses de Packer avant de céder sa place à une tradeuse appelée en renfort pour parler crise monétaire avec ce dernier pendant son check up prostatique. Elle est loin l’époque où Edward Cullen s’adonnait aux joies du mariage entre deux parties d’échecs avec sa Bella dans un décor paradisiaque. À l’instar de sa partenaire à la vie comme l’écran – également présente sur la Croisette pour y défendre Sur la route, nouveau long-métrage de Walter Salles –, l’acteur a pris du galon et entame un virage à 180 degrés en livrant une performance mémorable avec une facilité désarçonnante. Le jeune British de 26 ans se mue en un requin spéculateur capitaliste en chute libre, cloitré dans un silence de plomb alors que règne le tumulte dans les rues de Manhattan. On retiendra d’ailleurs la séquence où Cronenberg dépeint une conversation entre le héros et une illuminée des théories temporelles (campée par Samantha Morton) sirotant un verre dans la limousine assaillie par les émeutiers, une scène qui pourrait presque confiner à un film de Romero. Le réalisateur parvient à transcrire ce contraste social avec subtilité et habileté, une manière de rappeler qu’à 69 ans, ses talents de metteur en scène sont toujours intacts comme l’atteste ce vingtième long-métrage, tiré d’un roman éponyme signé Don Delillo. Si l’ouvrage date du début des années 2000, sa trame n’est pas sans rappeler les événements relativement récents qui ont bousculé les États-Unis, tels que la crise financière amorcée en automne 2008 et le mouvement de contestation Occupy Wall Street. En portant sur grand écran la descente aux enfers de son personnage multimilliardaire, le cinéaste a autant de chances de rafler la mise que Pattinson d’ôter son image d’éternel vampire puceau.
Robert Pattinson excelle dans la peau d’un vampire de la finance autodestructeur dépouillé jusqu’à la moelle.