Cannes 2014 : Critique Maps to the stars

 

Un film de David Cronenberg. Avec Mia Wasikowska, Julianne Moore, Robert Pattinson. Sortie le 21 mai 2014.

 

Le réalisateur de Scanners nous livre son propre Boulevard du Crépuscule dans ce vrai/faux film choral dont la tortueuse genèse se fait parfois ressentir.

 

Note : 3,5/5

 

Huit ans… c’est le temps qu’il aura fallu à David Cronenberg pour adapter ce scénario de Bruce Wagner à qui l’on doit notamment l’OFNI télévisuel Wild Palms mais surtout le sulfureux roman Toujours L.A. dont Maps to the stars pourrait représenter la version dégrossie.. On retrouve dans l’ouvrage cette même peinture d’un Hollywood décadent, sorte de Babylone moderne où se croisait une multitude de destins venant s’y perdre. Une radiographie de l’usine à rêves sous son angle le plus sombre. Mais avant de s’attaquer à ce sujet trop beau pour lui, David Cronenberg sera passé par de multiples chemins de traverses explorant aussi bien la psychanalyse que le capitalisme. Deux ans après avoir enfermé Robert Pattinson dans une limousine avec le suffocant Cosmopolis, le réalisateur confine de nouveau le comédien dans un simili corbillard. Sauf que cette fois, l’ex vampire de Twilight n’est pas le personnage principal mais seulement l’un des nombreux portraits dans ce vrai/faux film choral sur la décadence morale. Ici, le personnage principal serait plutôt Agatha, jeune fille mystérieuse dont l’arrivée dans la cité des Anges va bousculer le destin de quatre êtres enfermés dans le purgatoire hollywoodien. Difficile d’en dire plus sans dévoiler les enjeux de Maps to the stars même si le film abat très rapidement ses cartes. Dans cette peinture au vitriol du star system il y est question de sexe (pas mal), d’inceste (beaucoup) mais surtout de comment Hollywood devient le reflet de l’individualisme dans ce qu’il a de plus repoussant. A l’image de Cosmopolis, le film narre la lente déliquescence d’une ère sur un ton apocalyptique, Hollywood servant ici de catalyseur aux pulsions les plus inavouables. Un enfer à ciel ouvert que Cronenberg filme sans la moindre fascination préférant s’attarder sur ses protagonistes plutôt que de verser dans la complaisance pure malgré un sujet hautement anxiogène. S’il reste assez prévisible dans son déroulement ET son dénouement, Maps to the stars a toutefois le mérite d’aller jusqu’au bout de sa logique destructrice ne ménageant ni le spectateur ni les acteurs qu’il sort de leurs zones de confort avec un plaisir non feint.

 

© Le Pacte
© Le Pacte

 

A commencer par une Julianne Moore excellente en actrice totalement névrosée. Tour à tour pathétique et insupportable, elle cristallise à elle seule les multiples contradictions d’un Hollywood engoncé dans le politiquement correct et l’hypocrisie la plus absolue. Tout aussi terrifiant, John Cusack étonne dans la peau d’un gourou new age obnubilé par l’image qu’il reflète et casse durablement son image de gendre idéal. Enfin, impossible de passer sous silence la performance du jeune Evan Bird, exceptionnel en enfant star constamment sur le fil du rasoir entre arrogance et folie. Car c’est bien de ça que parle Maps to the stars : l’aliénation générée par le star system à travers la lente déflagration d’une famille. A l’image d’un certain Mulholland Drive ou de Boulevard du Crépuscule, Maps to the stars est un film hanté. A la différence près que les fantômes ici présents sont ceux d’enfants, comme représentations de l’innocence broyée par la machine hollywoodienne. L’occasion pour le réalisateur de tutoyer le genre fantastique au travers de séquences d’un troublant onirisme où la frontière entre réalité et fiction se fait tenue. Si on peut regretter que le cinéaste s’autocite au travers d’un fétichisme parfois ostentatoire (les brulures d’Agatha faisant irrémédiablement référence aux accidentés de Crash), une chose est certaine : il aura su une fois de allier la frontalité à une certaine forme d’élégance. Avec Maps to the stars, le papa de La Mouche érige son propre bucher des vanités et souffle sur les braises avec l’ardeur d’un témoin de la fin des temps. Pas toujours très subtil mais suffisamment impactant pour ne pas laisser indifférent.

Sulfureux et dérangeant, Maps to the stars dénonce la toute puissance du dieu image sans jamais verser dans le moralisme primaire. Glaçant !

 

 



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