Cannes 2016 : Critique Café Society

 

Un film de Woody Allen. Avec Jesse Eisenberg, Kirsten Stewart, Steve Carell. En salles depuis le 11 mai 2016.

 

Une fois n’est pas coutume : après une dernière escale décevante, Woody Allen revient en force avec un film aussi drôle que charmant.

 

Note : 3,5/5

 

Cela fait un moment que les films de Woody Allen ont une fâcheuse tendance à se répondre autant sur le fond que sur la forme. D’où l’impression chaque année de voir toujours un peu le même film, sorte de ticket d’entrée de l’ami Woody pour fouler le parterre cannois, et chaque année l’on ressort soit séduit (Blue Jasmine) soit radicalement déçu avec la sensation que le cinéaste n’a plus rien à dire (To Rome with Love). Il y a presque quelque chose de l’ordre du rituel dans cette propension à décevoir une fois sur deux de manière très métronomique. De fait, si L’homme irrationnel et son coté très pantouflard ne vous ont pas convaincus, il y a fort à parier que Café Society vous séduise surtout si comme l’auteur de ces lignes vous aimez particulièrement le Woody Allen jazzy et rétro ! Situé dans le Los Angeles des années 30, Café Society raconte l’histoire de Bobby Dorfmann, jeune homme voyant dans la Cité des Anges le moyen d’échapper à une vie monotone et sans surprises à New-York. Très vite, il va tomber amoureux de la belle Vonnie, l’assistante de son oncle, un agent artistique aussi réputé que riche. La vie, l’amour, la mort, les petits bonheurs et les grands malheurs, le tout raconté avec philosophie et humour, telle est la recette quasi immuable du Woody de 2016. A la différence près qu’ici, le réalisateur, particulièrement inspiré, décide de sortir partiellement de sa zone de confort en nous gratifiant d’une mise en scène élégante et élaborée là où, d’ordinaire, elle a plutôt tendance à s’effacer derrière ses personnages. Comme saisi par un soudain électrochoc, Allen décide de filmer sa valse des sentiments avec une conviction formelle qu’on ne lui connaissait plus, comme persuadé que son sujet méritait plus de panache.

 

Mars Films
Mars Films

 

Il faut dire que de Los Angeles à New York, c’est toute la société du showbizz de l’époque que le cinéaste se plait à nous décrire avec une joie non feinte. Et c’est peut-être bien ça aussi qui fait le sel de Café Society : ce plaisir communicatif qu’il prend à nous dépeindre une époque délicieusement superficielle. Car sous ses dehors frivoles, Café Society cache en réalité une fable sur le désenchantement contée ici avec subtilité, finesse à travers les amours contrariés de Bobby et Vonnie, oisillons désarmants de fraicheur et de naïveté qui vont, chacun à leur manière, céder aux chants des sirènes. Si le film ne surprend pas vraiment de par les thèmes qu’il aborde et son ton caustique dissimulant à peine un propos plus grave, il surprend par son art du dosage, son écriture ciselée et surtout son panache. Chaque personnage trouve ici le temps d’exister et d’échapper à son carcan de « featuring allenien ». L’occasion pour Jesse Eisenberg, Kirsten Stewart ou encore la sublime Blake Lively qui irradie chaque scène dans laquelle elle apparait, chacun se libère de l’archétype auquel une carrière trop balisée l’a condamné, mis en valeur par un Woody Allen en pleine possession de ses moyens. Du Woddy Allen qui ne ressemble pas tout à fait à du Woody Allen c’est suffisamment rare pour être signalé.

 

Moins frivole et superficiel qu’il n’en a l’air, Café Society est un Woody Allen inspiré, jamais passéiste mais indéniablement bourré de charme.