Cannes 2021 : Critique France

Un film de Bruno Dumont. Avec Léa Seydoux, Benjamin Biolay et Blanche Gardin . Sortie le 25 aout 2021.

Bruno Dumont s’attaque à l’info-spectacle dans un OFNI qui ne semble pas trop savoir sur quel pied danser.

 

Les enfants de la télé
Chaque édition du Festival de Cannes se doit d’avoir sa bizarrerie, ce film inclassable dont on ne sait s’il appartient à la catégorie chef d’oeuvre ou nanar, nageant entre deux eaux avec un mélange de dextérité et de maladresse, d’assurance et de honte. France est de ceux-là. Projet totalement improbable marquant la rencontre entre le talentueux Bruno Dumont et une brochette d’acteurs aussi fades qu’un panier de légumes bio en fin de vie, le film se veut une satire du monde des médias doublée d’une critique acerbe de la France d’en haut qui met en scène son empathie comme France de Meurs (à interpréter comme France se meurs ou France demeure ! c’est dire la finesse du propos), le personnage principal, met en scène ses sujets. Sur le papier, on est forcément client, à l’image… c’est malheureusement une autre danse. Multipliant les ruptures de tons, France est un film malade qui ne sait pas sur quel pied danser, oscillant entre lyrisme et comédie paillarde qui aurait oublié d’être drôle, un peu comme si Maurice Pialat rencontrait Jean-Marie Poiré ! C’est ça (la) France : un mélange entre le sublime et le grotesque, la franche réussite et l’embarras, un plan d’une beauté désarmante pouvant tout de suite être suivi d’un autre plan autrement plus terne et kitsch avec supplément de fond vert. Le mélange entre naturalisme et artificialité déconcerte, déboussole et bien malin celui qui saura lire entre les photogrammes imprimés de Dumont.

ARP Selection

France à faux
D’où ce questionnement persistant : France est-il un happening, une opération de sabordage savamment menée pour dénoncer la vacuité de la France d’en haut et d’un certain « cinéma bourgeois » (appellation détestable mais ici hautement appropriée) à travers le regard bovin d’une Léa Seydoux aussi expressive qu’un parpaing laissé sur le trottoir, ou au contraire Dumont a-t-il voulu réaliser une comédie faussement subversive mais réellement consensuel sur l’évolution du monde des médias ? Le cinéaste tend-il dénoncer le star system ou l’a-t-il au contraire embrassé avec l’aisance d’un poisson hors de l’eau ? Très difficile de se faire une idée arrêtée sur le résultat tant les intentions de Dumont semblent troubles tout comme il est difficile de savoir si le cinéaste se sert de son actrice comme d’une muse ou comme d’un sujet de railleries visant à mettre en exergue justement cette vacuité. En réalité, on pourrait dire que cette fable très acerbe et cruel sur la rencontre entre la France d’en haut et celle d’en bas, chacun se servant de l’autre à sa manière aurait grandement gagné en impact si elle avait servie par des comédiens plus expressifs ou tout du moins impliqué . A commencer par le médiéviste Emanuele Arioli particulièrement mauvais en amant fourbe. A ce stade de non-jeu difficile de ne pas y voir ici une démarche totalement consciente de Dumont. Seule Blanche Gardin semble se tirer de ce naufrage. En faisant justement du Blanche Gardin – quitte à en faire trop -, la comédienne semble totalement assumer le décalage de l’ensemble, contrastant totalement avec une distribution bien trop sérieuse. Beaucoup trop long pour son propre bien (134 minutes !), France se cherche, fait des tentatives, se perd et nous perd mais ne semble jamais totalement sûr de lui au point de faire douter le spectateur. Grossièrement allégorique, peu finaud dans son propos, Dumont joue constamment sur l’ambiguïté, au point de perdre le spectateur et peut être au final de se perdre aussi.

Note:2.5 out of 5 stars (2,5 / 5)
Réalisation:2.5 out of 5 stars (2,5 / 5)
Scénario:2 out of 5 stars (2,0 / 5)
Montage:3 out of 5 stars (3,0 / 5)

Objet étrange multipliant les ruptures de tons, France déconcerte, mise un peu trop sur l’artificiel au point de ne pouvoir s’en dépêtrer quand il veut verser dans l’émotion sincère.