Critique : 40 ans mode d’emploi

 

Un film de Judd Apatow. Avec Paul Rudd, Leslie Mann, Megan Fox. Sortie le 13 mars 2013.

 
Si la cellule familiale est un vaste réseau de miroirs communicants, Apatow invite ses fétiches aspirant à la joie des beaux jours à se regarder dans les yeux. Un régal d’étincelles!
 

Note : 3/5

 
L’as de cœur du renouveau comique américain est un cinéaste aux multiples facettes qui ne semble pas manquer de ressources. Apatow, le producteur, est d’abord connu pour son flair légendaire de vieux renard ( Sans Sarah rien ne va, Mes meilleures amies, American Trip… ). Le réalisateur et scénariste, l’est tout autant pour ses trois précédents films aussi impitoyables que déjantés ( 40 ans, toujours puceau, En cloque, mode d’emploi, Funny people ), rendant son style indissociable de son nom et créant ainsi, une véritable marque de fabrique. Avec 40 ans, mode d’emploi, Judd Apatow nous propose un film personnel, spin-off de sa seconde réalisation, mettant en perspective des thématiques quasi obsessionnelles.  40 ans, l’heure du bilan! Après des années de mariage et deux enfants, Pete et Debbie appréhendent le virage de la quarantaine non sans angoisses. Entre excès de cholestérol et comprimés de viagra, Pete tente de sauver sa maison de disques de la déconfiture en produisant Graham Parker, tout en finançant son propre père fauché qui vient d’avoir des triplés. Debbie qui mène quant à elle son entreprise avec plus de facilité, tente d’être une épouse et une mère parfaite, face à la crise d’adolescence de leur ainée, mais ne parvient pas pour autant à accepter son âge. Partagés entre l’envie de se tuer, de se délaisser ou de s’accepter, les deux époux en crise de nerf tentent le consensus. La famille formée par le couple de Pete et Debbie ( Paul Rudd, Leslie Mann ) et leurs enfants (Maude et Iris Apatow), nous était présentée en 2007 dans En cloque, mode d’emploi. On se souvient des tourments d’ Alison Scott( Katherine Heigl ), accidentellement enceinte et redoutant la vie de couple sous peine de ressembler à sa sœur Debbie, se contentant des faux semblants. Sans être une véritable suite, Judd Apatow nous présente le quotidien du couple cinq ans après notre première rencontre avec lui, tel un ouvrage introspectif. En s’attaquant à la mise à l’épreuve du couple, face à la prise de conscience d’un point de non retour ou face aux certitudes qui s’effritent, le cinéaste relie avec intelligence l’intime à l’universel.  Alors oui, Apatow a prit en maturité et 40 ans mode d’emploi, s’en fait l’écho. Mais que les fans du genre se rassurent, il n’a rien perdu de son panache politiquement incorrect et de son humour potache. Pour nous mettre dans le bain, le film s’ouvre sur un débat ayant pour objet le choix du viagra à défaut de l’érection molle. Ces quarantenaires se cachent pour cloper, luttent contre le cholestérol à coup de cupcake et space-cake, entre deux morceaux de tofu déculpabilisant et tentent de montrer l’exemple aux enfants sur fond d’amour vache, mais total.

 

© Universal Pictures
© Universal Pictures

 

Si Apatow avait pu être taxé de semi conservateur dans le passé, il nous propose avec Pete et Debbie les piliers d’une structure familiale assez classique mais ancrée dans son temps. Cependant, les grands parents sont dans des schémas nettement moins conventionnels et on se délecte de voir Albert Brooks et John Lithgow en grands pères désinvoltes et paumés. Du conflit générationnel entre les parents et les enfants, Apatow dresse un parallèle intéressant avec les séries Mad Men et Lost. On note la remarquable interprétation des deux jeunes comédiennes du clan. Maude Apatow en formidable ado en crise. Le film nous questionne sur l’intégrité de chacun dans la cellule familiale, aussi bien sur le plan physique que spirituel. Comme dans ses précédents films, Apatow nous présente avec un réalisme déconcertant l’évolution des corps, à travers la sexualité, les examens médicaux ingrats, l’entretien par le sport (avec Jason Segel en coach particulier) ou encore, la poitrine surnaturelle de Desi (Megan Fox). Pete et Debbie sont indépendants professionnellement. Ils ont des aspirations éthiques divergentes que leurs désaccords sur le plan musical ne cessent de mettre en exergue. La musique est un axe fort du film et les difficultés que rencontre Pete pour son label sont un clin d’œil évident à la crise qui touche l’industrie du disque. Apatow met en scène Graham Parker dans son propre rôle, ainsi que le véritable concert de retrouvailles de Graham Parker & The Rumour. La promo de leur dernier album dépasse donc la fiction! Pour la B.O., le réalisateur s’est entouré de collaborateurs de renom. Lindsey Buckingham de Fleetwood Mac a composé trois morceaux pour le film tout en s’offrant la voix de Norah Jones sur  » Brother & Sister « . Pour l’occasion, Norah Jones a notamment réenregistré le fameux «  I Got you ( at the end of the century ) «  avec Wilco. Ryan Adams et Fiona Apple sont aussi de la partie pour ce qui est des inédits. Le tout est agrémenté par des tubes allant de Nicki Minaj ft. Eminem (« Roman’s Revenge »), aux Pixies , a-ha’s, Paul McCartney, Van Halen ou Paul Simon entre autres. De quoi pimenter ces 2h14 de bavardages! On pourrait reprocher au film ses longueurs, mais le cinéaste réputé pour prendre son temps ne fait que se jouer de notre attachement croissant pour ses personnages illustres. Le rythme ne laisse jamais place à l’ennui et bien que cette comédie ne soit pas un mastodonte d’humour, elle promet sourires et bonne humeur.

 

Parce qu’on n’est jamais mieux servi que par les siens, Apatow s’est entouré de sa tribu d’initiés pour un résultat maitrisé, transpirant la complicité et laissant libre cours à la réflexion de chacun.