Critique : Army of the Dead

Un film de Zack Snyder. Avec Dave Bautista, Ana de la Reguera et Nora Arnezeder . Disponible depuis le 21 mai 2021 sur Netflix.

Zack Snyder revient avec un divertissement qui ne va pas nécessairement réveiller les morts !

Mange tes morts
La carrière de Zack Snyder est à l’image de sa filmographie : chaotique, pleine de bruit et de fureur, composée d’autant d’égarements que de moments de grâce. Après le turbulent et brouillon Sucker Punch, on ne s’attendait certainement pas à voir le cinéaste (re)venir à une certaine sobriété avec Man of Steel, peut-être à ce jour son meilleur film, beaucoup moins nolanien qu’escompté. Snyder est un auteur (oui, oui vous avez bien lu) avec ses tics, ses marottes, ses obsessions, qui le rendent si ce n’est fascinant en tout cas extrêmement intéressant et tout de suite identifiable. Capable du pire comme du meilleur, le cinéaste détonne dans le paysage hollywoodien qui n’a jamais vraiment su dans quelle case le mettre. Néo beauf se donnant des velléités d’auteur ou cinéphile sincère n’assumant pas toujours ses déviances bourrines, il y a chez Snyder quelque chose de l’ordre de l’anomalie, voire de la schizophrénie, capable de convoquer aussi bien Joseph Campbell, Helmut Newton que Star Wars et Metal Hurlant. Si son style est immédiatement identifiable, l’homme l’est moins, tout juste pourra-t-on dire que sa fascination pour des auteurs aussi antinomiques qu’Alan Moore et Frank Miller définit assez bien le carrefour artistique auquel il semble se retrouver à chaque fois. Derrière les ralentis, l’emphase, les moments de grâce qui succèdent aux explosions bourrines, les instants poétiques précédées ou suivies de métaphores peu finaudes (ah cet orgasme final à bord du vaisseau du Hibou dans Watchmen…) se cache un cinéaste singulier qui a toujours su questionner de manière assez pertinente la portée mythique de ses personnages par le prisme de la déification, comme si quelqu’un part la fiction, la légende ne suffisaient plus et avaient besoin d’être encore plus sublimés. Après le chemin de croix (dans tous les sens du terme) que fut Justice League, amenant in fine à la sortie d’un nouveau montage de 4 heures (!!!) certes imparfait, parfois brouillon mais d’une démesure exaltante, on comprend aisément pourquoi Snyder a accepté Army of the Dead qui sur le papier avait tout l’air d’un retour aux sources. Avec son pitch à base de mercenaires faisant un casse dans un Las Vegas infesté de zombies à mi-chemin entre Ocean’s Eleven et les films de Romero, Army of the Dead sonnait comme une promesse, celle d’un divertissement ne prenant comme autre excuse que celle de l’efficacité bourrine, décérébrée mais peut-être également empreinte d’une légèreté aussi salutaire que salvateur à la fois pour Snyder et le spectateur.

Copyright : Netflix

Very Bad Trip
Dès la séquence d’ouverture le ton semble donné : un convoi militaire transportant un zombie d’un genre particulier est percuté de plein fouet par la voiture de deux jeunes mariés un peu trop fougueux. Qui aurait cru que l’invasion zombie tiendrait à une fellation mal négociée ? Un massacre plus tard, le zombie en question et sa mini armée s’avancent vers Las Vegas. Le massacre peut commencer. Army of the Dead s’annonce décadent, violent, vulgaire, un enfer à ciel ouvert prenant la ville du péché comme terrain de jeu. Honnêtement qu’est-ce qui pourrait mal tourner… surtout avec Snyder aux commandes ? Et pourtant dès son générique à mi-chemin entre une version live du jeu vidéo Dead Rising et un clip électoral, le film déconcerte. En quelques minutes seulement Snyder semble avoir déjà tout donné, nous livrant non pas un aperçu mais un condensé de ce qui pourrait nous attendre. Petit problème : les deux longues heures et des brouettes qui suivront ne se révéleront jamais à la hauteur des minutes qui les ont précédées, comme si avec son générique Snyder s’était contenté de nous livrer une version condensée, fantasmée de son Las Vegas Parano zombiesque avant de livrer les manettes à un assistant totalement dépassé par les évènements. Difficile en effet de déceler la patte de Snyder tant la suite se révèle pataude, paresseuse, neurasthénique même au regard de ce qui l’a précédé.  Beaucoup trop sérieux pour son propre bien, ne prenant jamais de distance avec son sujet en dépit de quelques fulgurances nanardesques bienvenues (le tigre de Siegfried et Roy zombifié), Army of the Dead passe de la version live de Dead Rising à une très longue pub pour le mode zombies de Call of Duty saupoudré de quelques poussives références à Aliens !

Copyright : Netflix

Las, le film de Snyder n’assume jamais son côté fun ou nanar ne se permettant que de très rares moments d’ironies. Un manque de folie et d’audace qui se retrouve également dans son casting au charisme proche du néant et mené par un Dave Bautista aussi expressif qu’une bouche d’incendie après le passage d’un chien à la vessie capricieuse ! Difficile dès lors de se prendre d’empathie pour des personnages fantomatiques, sans d’autre personnalité que celle qui leur aurait été dictée par un algorithme (le hacker rigolo et trouillard, l’homme de main fourbe, la française aux allures de garçon manqué… n’en jetez plus !).A l’image d’un Robert Rodriguez embourgeoisé et en mode mercenaire, Snyder non content d’occuper le poste de réalisateur signe également la photographie mais sans jamais s’en servir comme moyen d’y apposer une quelconque identité. Enfin, difficile de faire l’impasse sur la playlist, élément ô combien problématique des films de Snyder qui grossit ici le train de manière encore plus grossière à l’image de ce final se concluant sur… Zombie des Cranberries ! Une manière comme une autre de surligner l’évident je-m’en-foutisme de l’entreprise.

Note:2 out of 5 stars (2,0 / 5)
Réalisation:2 out of 5 stars (2,0 / 5)
Scénario:2 out of 5 stars (2,0 / 5)
Montage:3 out of 5 stars (3,0 / 5)

Expurgé de toute cette démesure inhérente aux films de Snyder , Army of the Dead se contente d’être, de se trainer de manière aussi linéaire que poussive de son point de départ vers son point d’acheminement.