Critique : Captain America, le soldat de l’hiver

 

Un film d’Anthony et Joe Russo. Avec Chris Evans, Scarlett Johansson, Anthony Mackie. Sortie le 26 mars 2014.

 

Autres temps, autres mœurs, Captain America se met à la page dans une nouvelle aventure solo aussi frustrante que pleine de promesses.

 

 Note : 2,5/5

 

Deux ans après Avengers, le plus patriotique des super héros de l’écurie Marvel revient (presque) en solo pour une nouvelle aventure placée sous le signe de la conspiration. Dans Captain America, le soldat de l’hiver, notre cher capitaine accompagné de la vénéneuse Black Widow et du newbie le Faucon doit affronter des ennemis sévissant au cœur même du S.H.I.E.L.D. et faire face à une nouvelle menace en la personne du redoutable soldat de l’hiver. Ironie du sort : pour ce nouvel opus, Disney a décidé de chercher ses troupes du coté du cinéma indépendant. A commencer par la réalisation qui échoue ici aux frangins Anthony et Joe Russo à qui l’on doit le sympathique Bienvenue à Collinwood ainsi que quelques épisodes de séries cultes comme Arrested Development et Community. Niveau casting aussi puisque dans la peau d’Alexander Pierce, chef du S.H.I.E.L.D. on retrouve Robert Redford, LE pape du cinéma indépendant. Autant de choix audacieux laissant augurer que non ce capitaine là ne se laisserait pas bouffer par la centrifugeuse Marvel. A l’image du S.H.I.E.LD, l’usine à super héros allait-elle être contaminée de l’intérieur ? Malheureusement non car comme se plait à le rappeler ce nouvel opus : les apparences sont trompeuses et la grande opération séduction ici entreprise tend davantage à camoufler un cynisme de plus en plus voyant. Paradoxalement, le bilan n’est pas totalement négatif.

 

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© 2014 Marvel.

 

Captain America, le soldat de l’hiver commence sur les chapeaux de roue par une longue exposition durant laquelle le capitaine sauve avec la classe qu’on lui connaît les passagers d’un bateau pris en otage par de méchants terroristes. Les nombreuses scènes d’action émaillant le film seront à l’image de cette séquence : pêchues et fort bien gérées, la plupart étant d’une lisibilité rares dans le paysage cinématographique actuel. Pour leur baptême du feu hollywoodien, les frères Russo surprennent en montrant qu’ils en ont sacrément dans le ventre ! Lorsqu’il fait pleuvoir les coups et parler la poudre, le film se révèle grisant et procure un plaisir qu’on avait plus ressenti depuis Avengers. Chris Evans se révèle toujours aussi convaincant dans le rôle titre tandis que la belle Scarlett Johansson apporte quelques jolies nuances supplémentaires à son personnage d’agent trouble. Mais si le duo fonctionne à la perfection, on retiendra surtout l’arrivée en fanfare d’un Anthony Mackie monstrueux de charisme en Faucon. Si on peut regretter que le personnage soit sous exploité, ses rares morceaux de bravoure laissent entrevoir le meilleur quant à un éventuel spin off qui lui serait entièrement dédié. C’est bien simple : si Marvel ne décide pas de se pencher un plus sur son cas, on fait la grève ! Mais alors qu’est ce qui ne tourne pas rond dans ce Soldat de l’Hiver aux aires de Trois jours du Condor (référence incontournable de cet opus) ? Plusieurs choses à vrai dire. Si comme énoncé précédemment un souffle indie semblait souffler sur ce nouvel opus c’est malheureusement au prix d’une assimilation presque inévitable au gourou Marvel, celle-là même que l’intrigue semble dénoncer à grands renforts de théories conspirationnistes. Mise en abime quand tu nous tiens !

 

© 2014 Marvel.
© 2014 Marvel.

 

Arrêtons là toutefois les théories fumeuses pour aller plus dans le détail. Sous ses dehors de blockbuster innovant, Captain America, le soldat de l’hiver trahit une structure narrative propre à Marvel depuis plusieurs films déjà et composée des mêmes effets de manche. A l’image d’Iron Man 3 ou de Thor 2, Marvel semble prendre ici un malin plaisir à désamorcer tout enjeu dramatique avec un même aplomb. Si la thématique exploitée ici se révèle fascinante et bénéficie d’une narration plus ténue, rigoureuse que celles de ses prédécesseurs, l’apparat ne dure qu’un temps laissant exploser dans sa seconde partie un sacré bordel. Comprendre par là que le film explore trop de pistes pour raconter une intrigue inutilement complexifiée. Et Captain America de passer alors totalement à coté de son sujet : l’affrontement entre le cap et le soldat de l’hiver faisant ainsi l’impasse sur le nœud dramatique autour de cet antagonisme. Malheureusement Captain America, le soldat de l’hiver porte très mal son titre réduisant les apparitions de ce dernier à une poignée de séquences et sa psychologie torturée à peau de chagrin. Personnage maudit par excellence, quasi faustien malgré lui, il est ici réduit au rang de gimmick, sorte de pantin scénaristique que l’on sort de temps en temps. Ses combats avec le cap auraient du être d’une intensité folle tant sur le plan de l’action que de l’émotion. Ils seront ici tout juste bien chorégraphiés à la manière d’un combat de catch trop bien orchestré. Dommage, car il y avait là matière à créer un vrai antagonisme de cinéma, de ceux dont on se souvient longtemps de par leurs portées émotionnelle. Il faut dire que si le film se déguste comme un honnête divertissement (et sur ce plan il remplit très honorablement son contrat), il souffre d’une forme de schizophrénie peu commune qui le voit vaciller constamment entre thriller d’espionnage plutôt bien ficelé et film de super héros aux ficelles « made in Marvel » un peu trop épaisses. Il en résulte un long métrage  malade, remplissant partiellement ses promesses malgré de fort bonnes intentions de départ.

 

 

Coup de bouclier dans l’eau pour ce second volet bien emballé mais ne trouvant jamais de véritable équilibre entre une approche frontale digne de la saga la Bourne et un second degré à la Avengers.

 
 



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