Critique : Contagion

 

Un film de Steven Soderbergh. Avec Matt Damon, Kate Winslet, Laurence Fishburne. Sortie le 9 novembre 2011.

 

Le dernier Soderbergh a un casting de rêve, mais le sujet pourrait donner la nausée à plus d’un. Faux blockbuster ou vraie bonne idée ?

 

Note : 4,5/5

 

Sous la lumière blafarde des néons d’un aéroport,  le premier plan de Contagion s’ouvre sur une Gwyneth Paltrow filmée en contre-plongée, un téléphone vissé sur l’oreille. Elle interrompt brièvement sa conversation pour apaiser une légère toux, qu’elle attribue faussement à la fatigue du jet-lag causé par le décalage avec Hong-Kong. Mais ce que son personnage ignore, c’est qu’elle est la patiente zéro d’une nouvelle épidémie inconnue dont le processus d’infection  a déjà commencé…Après les Ocean’s Twelve et compagnie, ou plus récemment The Informant, Steven Soderbergh revient sur nos écrans avec une un film duquel on ressort avec l’envie de s’enduire de gel antibactérien : une fresque polyphonique au casting impressionnant qui s’articule, comme son nom l’indique, autour du phénomène de contagion d’une épidémie. Un phénomène dont les effets à notre époque se voient extrêmement accentués par la promiscuité entre les humains sur une planète surpeuplée et par le développement des moyens de déplacement à travers le monde.C’est ainsi que Beth Emhoff (Paltrow) en rentrant auprès de son époux (Matt Damon), ramène sans le savoir dans ses bagages bien plus que des souvenirs de Chine, mais aussi un virus mystérieux qui en l’espace de quelques semaines va provoquer une hécatombe non seulement dans son entourage mais également aux quatre coins du glob, et va affecter l’existence de nombreux acteurs liés de près ou de loin à cette maladie mortelle.

 

© Warner Bros France

 

Des praticiens et autres grandes instances de la médecine (Lawrence Fishburne, Elliott Gould) aux spécialistes en enquête médicale (Kate Winslet) en passant par les gens de la presse relayant les informations ou exploitant le système médiatique (Jude Law) sans oublier bien sûr les employés de l’Organisme Mondial de la Santé envoyés en Chine pour enquêter sur le phénomène (Marion Cotillard), Soderbergh organise son thème principal autour de plusieurs axes narratifs dans lesquels il distille la tension telle les gouttes d’un vaccin antibiotique perlant à la surface de l’aiguille d’une seringue. De la lumière crue et froide des néons d’un hôpital à celle, moite et jaunâtre, des casinos de Hong-Kong, la mise en scène hachée et nerveuse de Soderbergh tient efficacement  le spectateur en haleine du début à la fin, articulée tout le long de cet œil froid de la caméra décomptant les jours qui progressent au fil que la contagion avance et avale des vies humaines. Si l’effet est tellement réussi, c’est que le réalisateur n’en est pas à son coup d’essai ; la manière dont la tension naît de cette mise en scène « froide » et nerveuse évoque parfois certaines ambiances de ses précédents films, notamment Traffic. Cela dit, si à certaines scènes vous avez pensé à Drive , vous avez raison : le responsable de la B.O. de Contagion est Cliff Martinez, qui a également réalisé celle du film de Nicholas Winding Refn.

 

© Warner Bros France

 

Le résultat est un long-métrage abordant l’évolution d’un phénomène certes fictif, mais qui en vient à dépasser la fiction en ce sens que le thème de la maladie contagieuse est très ancré dans une réalité sociale récente, donc encore fraîche dans la mémoire du spectateur lambda. Et si la part de fiction est rondement menée, l’on en vient à regretter parfois que le film de Soderbergh n’aille pas jusqu’au bout des problématiques sociales, voire médicales, qu’il soulève. De la corruption des médias à la désinformation du public quant aux vaccins rappelant une période que d’aucuns avaient qualifié parfois de « pandémie », les questionnements abordés par le film restent suspendus quelque part dans l’air lorsque le générique de fin apparaît à l’écran ; et de ce fait pourrait laisser le spectateur avec un sentiment d’inachevé au niveau de la réflexion sur les conséquences de cette contagion appliquées à la vie réelle. Contagion reste malgré tout un très bon film de fiction – après tout, c’est sa principale vocation –, et un bel exemple dans la carrière de Steven Soderbergh,  dont le cinéma négocie  de façon astucieuse et plutôt réussie un aspect  ‘grand public’ (surpeuplé de pointures du cinéma anglophone, plus gros moyens de production) et un aspect auteuriste – à savoir dans lequel on sait reconnaître la « patte » d’une ambiance et d’une esthétique typiquement « soderberghiennes ».

 

Réalisé d’une main de fer dans un gant de velours,  pour un film à voir sans gants de protection : « Contagion » est une fausse maladie mais une vraie réussite.