Critique : Crazy Bear

Un film d’Elizabeth Banks. Avec Keri Russell, Alden Ehrenreich et Ray Liotta. Sortie le 15 mars 2023.

Hargneux et la truffe dans la poudreuse, l’ours de Crazy Bear n’a pas grand chose à voir avec celui de Jean-Jacques Annaud !

Note:3 out of 5 stars (3,0 / 5)
Réalisation:3.5 out of 5 stars (3,5 / 5)
Scénario:2.5 out of 5 stars (2,5 / 5)
Montage:3 out of 5 stars (3,0 / 5)

Razzia sur la schnouff
11 septembre 1985 : un ancien flic devenu trafiquant de drogue, débarque de son avion privé, quarante kilos de cocaïne avant de s’écraser.  La cargaison atterrie entre les pattes d’un ours brun en pleine forêt nationale de Chattahoochee, dans le nord de la Géorgie tandis que le corps du dealer est retrouvé à Knoxville, Tennessee. Quelques jours plus tard, la police découvre le corps inanimé de l’ours, visiblement mort d’une overdose après avoir ingurgité de la cocaïne. C’est cette histoire folle mais vraie qui sert de base à Crazy Bear, traduction « franglaise » (et un peu bêbête il faut l’admettre) de Cocaïne Bear. Face à ce postulat aussi rocambolesque que casse-gueule deux choix étaient possible : la parodie ou le monster movie, deux sous-genres très en vogue entre les années 80 et 90, période charnière qui sert justement d’ancrage à l’action du film. Et pour autant, la réalisatrice Elizabeth Banks a opté pour une 3ème voie médiane, celle de la farce gore. Un choix à la fois judicieux et périlleux tant il peut être prétexte aux pires excès. Et le palmarès d’Elizabeth Banks en tant que réalisatrice n’était pas fait pour nous rassurer, loin de là entre Middleschool Date, embarrassant sketch sur les périodes menstruelles issu du très mauvais My Movie Project ou encore Charlie’s Angels, reboot creux et vain suintant la haine de tout ce qui est masculin, il y avait de quoi redouter un film aussi subtil qu’une émission de Cyril Hanouna. Contre toute attente, le résultat s’avère plutôt honnête au regard des craintes suscitées et pourrait même être qualifié de plaisant. Elizabeth Banks a l’intelligence de ne pas trop prendre son sujet au sérieux et si l’on peut regretter un message un peu lourdingue sur l’instinct maternel, on saura gré à la cinéaste de ne pas en avoir fait le fil rouge de son film et de se concentrer principalement sur l’aspect fun. Totalement consciente qu’un tel sujet ne pouvait que sous-tendre une maitrise totale du ton à aborder (premier ou second degré), la réalisatrice a parfaitement digéré les leçons apprises durant ses expériences d’actrice.

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Sœur des ours
En pleine possession de ses moyens et sans jamais en faire trop, elle parvient à traiter son sujet de manière totalement décomplexée et lui confère une vraie dimension cinématographique à travers une mise en scène soignée et punchy. De celle-ci on retiendra surtout une séquence de poursuite délirante dans une ambulance chassée par un ours plus déchainée que jamais. Un vrai morceau de bravoure où l’on sent totalement les influences de Sam Raimi et James Gunn, cinéastes pour lesquels elle a joué par le passé. De là à dire que l’élève a dépassé les maitres, il y a encore du chemin à faire mais force est de constater que la cinéaste s’est totalement donné les moyens de ses ambitions là où ses précédents films trahissaient une certaine médiocrité. Si le film est une belle surprise en soi, il n’est pas exempt de défauts pour autant et pêche notamment dans son ton trop à cheval entre comédie potache et farce gore, un peu comme si Crazy Bear ne parvenait pas toujours à assumer la noirceur de son propos. Il faut dire que l’intrigue nous donne à voir plusieurs parcours croisés comme autant de sous-genres différents entre la mère prête à tout pour sauver son enfant d’un animal enragé, référence directe à Cujo de Lewis Teague (cinéaste auquel Crazy Bear semble rendre hommage), les gangsters pieds-nickelés cherchant désespérément leur marchandise quitte à s’engager dans un infernale cycle de violence (hello les frères Coen), le film ne sait pas toujours à quel saint cinéphilique se vouer. En fait, c’est quand il s’encanaille un peu que le film demeure le plus jouissif que ce soit dans ses exactions gore avec démembrements à gogo ou dans sa peinture crasse d’une certaine bêtise humaine. On aime Crazy Bear quand il assume pleinement sans zéderie, moins qu’il cherche à ratisser plus large. Enfin, c’est l’occasion de voir le regretté Ray Liotta, dans l’un de ses derniers rôles. Parfait en gangster hargneux, il incarne à lui seul le cœur du film, dusse-t-il interpréter un immonde salopard. C’est le moindre des talents de ce grand comédien qui manque terriblement au cinéma.

À la fois comédie potache et farce gore, Crazy Bear est un joyeux bordel aussi inégal que sympathique.