Critique : Edge of Tomorrow

 

Un film de Doug Liman. Avec Tom Cruise, Emily Blunt, Bill Paxton. Sortie le 5 juin 2014.

 
Tom Cruise se bat pour des lendemains qui chantent dans ce blockbuster S.F. flirtant avec le conceptuel.

 

Note : 3,5/5

 

Tom Cruise qui sauve le monde face à des extraterrestres, on nous avait déjà fait le coup dans La Guerre des Mondes. Sauf qu’ici l’acteur troque le costume de prolo héros pour celui de William Cage, expert en communication pour l’armée propulsé en plein de champ de bataille face à des aliens belliqueux alors qu’il n’a jamais combattu de sa vie. Au cours de sa 1ère bataille, le soldat malgré lui est tué par une créature tentaculaire. L’histoire aurait du s’arrêter là. Mais non. Au lieu de mourir docilement comme n’importe quel trouffion inexpérimenté, Cage est condamné à revivre le même jour encore et encore… jusqu’à ce qu’il puisse changer le funeste destin de l’espèce humaine. Un pitch casse gueule, propice aux redondances les plus insupportables mais qui se trouve ici particulièrement bien exploité. Il faut dire qu’à la réalisation, on retrouve Doug Lima, transfuge du cinéma indie capable du meilleur (La Mémoire dans la peau) comme du pire (Jumper) et qui revient ici aux affaires sérieuses quatre ans après le sous estimé Fair Game. Toujours aussi à l’aise pour filmer des scènes d’action, le cinéaste nous plonge en plein futur apocalyptique et emprunte autant à l’imagerie propagandiste de Starship Troopers qu’au sombre désespoir d’Il faut sauver le soldat Ryan (toutes proportions gardées) à qui il fait ostensiblement de l’œil au cours d’une séquence de Débarquement renvoyant forcément au D_Day. L’occasion pour le cinéaste de laisser libre cours à son imagination lors de séquences de batailles fort bien orchestrées et d’une efficacité rare. Mais là où Edge of Tomorrow interpelle c’est par l’utilisation éminemment ludique de son concept. Ne cédant jamais à la facilité, il le triture, le retourne, l’examine sous tous les angles possibles et inimaginable pour mieux nous offrir à chaque fois une relecture différente. Et quand il joue la carte de la répétition à outrance c’est pour mieux nous enfermer dans le cauchemar éveillé de son héros, condamné à revivre les mêmes événements tragiques malgré des efforts toujours plus poussés. Via un montage syncopé (on imagine aisément le nombre de fois où le monteur James Hebert a du s’arracher les cheveux), Liman nous plonge dans une forme de répétition chaotique un peu comme un disque rayé qui ne sauterait pas toujours aux mêmes endroits.

 

© Warner Bros Pictures
© Warner Bros Pictures

 

Conférant parfois à l’abstraction mais de manière toujours cohérente, Edge of Tomorrow transcende littéralement son pitch de départ quitte parfois à faire du surplace dans sa volonté d’offrir un film de S.F. différent. Cette exigence, on la retrouve jusque dans le scénario signé Christopher McQuarrie qu’on imagine trop content de verser dans la science-fiction conceptuelle tout en offrant à son nouveau pote Tom Cruise (qu’il a dirigé dans Jack Reacher et bientôt dans Mission : Impossible 5), une belle façon de briller sans toutefois tirer la couverture à lui. Difficile en effet de monopoliser les projecteurs quand on a à ses cotés une Emily Blunt iconisée à mort, sorte d’Ellen Ripley matinée de Sarah Connors parfaite en « Full Metal Bitch » en ayant autant dans le pantalon que dans la tête. Si on regrette que sa relation avec Tom Cruise manque quelque peu de profondeur, chacune de ses apparitions reste un plaisir pour les yeux et force est de reconnaître que son personnage pourrait devenir un nouveau maitre étalon de la S.F. guerrière. Dommage toutefois que le film se délite dans son dernier quart comme trop conscient de ses propres limites comme en témoigne un final assez abracadabrant mettant ainsi en lumière toutes les failles que peuvent impliquer les paradoxes temporelles, chose que le métrage avait réussi à soigneusement éviter tout du long. S’il ne révolutionnera pas le genre et aurait gagné à être parfois moins mécanique, Edge of Tomorrow reste une belle proposition de S.F guerrière, quelque part entre Un jour sans fin et Aliens.

 

Un bel exemple de divertissement intelligent et ludique qui apporte un peu de fraicheur dans un genre trop amené à se répéter. Un joli paradoxe en soi !