Critique : Equalizer 2

 
Un film d’Antoine Fuqua. Avec Denzel Washington, Pedro Pascal et Melissa Leo. Sortie le 15 aout 2018.

 

Denzel Washington (re)joue les redresseurs de torts dans une suite anecdotique pleine de belles promesses gâchées.
 

Note : 2/5

 
Même si aujourd’hui la frontière est de plus en plus poreuse, la TV et le cinéma sont deux médias différents qui répondent à des mécaniques bien distinctes, une série TV pouvant se permettre davantage qu’un film et vice versa. Une différence « parfaitement » mise en exergue par Equalizer 2 qui nous rappelle à sa manière qu’un best-of ne fait pas un long métrage. Pour rappel, le premier opus réalisé en 2014 était une adaptation de la célèbre série éponyme mettant en scène un ex agent secret mettant ses « talents bien particuliers » au service des plus démunis. Assez bavard et long, l’adaptation signée Antoine Fuqua pouvait toutefois compter sur une intrigue assez rigoureuse, le charisme monstre de Denzel Washington parfait dans le rôle-titre, et surtout un final en mode « Assaut chez Monsieur Bricolage » aussi bête que jouissif et inventif. Pour cette suite, Fuqua délaisse le sérieux parfois plombant du 1er opus et son intrigue inutilement tortueuse tout en y injectant un second degré salutaire. Fini les pimps russes et place aux méchants mercenaires venus chercher des poux dans la tête du plus hargneux des monsieur bricolo ! Nous retrouvons donc Robert McCall reconverti en chauffeur de VTC et qui, entre deux courses, va péter des bras tout en enquêtant accessoirement sur le meurtre de sa meilleure amie. Voilà pour le pitch de cette suite dont les écueils ne se retrouvent pas tant au niveau de sa mise en scène plutôt efficace que de sa narration poussive. Un problème récurrent chez Fuqua qui décidément aime faire trainer les choses. Pour un Training Day réussi, combien de Rage au ventre ou de 7 mercenaires jouant inutilement les prolongations pour mieux insister sur le caractère christique de ses protagonistes à grands coups de violence rédemptrice ? Même cas de figure ici ou presque tant la mise en scène alerte et visiblement appliquée de Fuqua atténue partiellement cette tendance au symbolisme lourdingue pour mieux la faire revenir au galop. Et si nous parlions de mécanique un petit plus haut c’est parce que celle d’Equalizer 2 est particulièrement problématique dans le sens où elle multiplie les sous-intrigues  (McCall retrouve une petite fille kidnappée par son père, aide un petit vieux dans sa recherche d’un tableau disparu, remet son jeune voisin dans le droit chemin…) comme autant de bouche-trous visant à combler les lacunes d’une trame principale désolante de pauvreté et de paresse.
 

Sony Pictures

 

Et pourtant il y avait dans cette dernière suffisamment de nœuds dramatiques pour faire de cet Equalizer 2 un efficace film d’action sur la rédemption et la résilience.  En confrontant directement McCall à son passé, Fuqua avait l’occasion de donner à son héros une nouvelle dimension tout en créant d’intéressants antagonismes. Las, il ne fait ici que creuser le même sillon, se contentant d’accompagner le personnage-titre dans ses tâches pour mieux l’ériger en « héros du quotidien ». Ce qui aurait pu faire office de solide introduction, s’étale ici sur deux longues heures avec pour seule ambition d’iconiser Denzel telle une figure providentielle venue réparer les torts dans une Babylone moderne.  Et le film de multiplier les allégories peu finaudes comme cette radio qui rappelle au spectateur toutes les trente minutes qu’une tempête gronde et qu’elle va faire de gros dégâts ou ce personnage de justicier surnommé « La main de Dieu » dessiné par un jeune garçon que McCall va remettre sur le droit chemin. Mais aussi paresseux soit-il sur le fond, Equalizer 2 n’en demeure pas moins très efficace sur le terrain de l’action, déroulant une violence sèche et brute assez étonnante.  A l’image d’un certain Steven Seagal en plus svelte et charismatique, Denzel se pose en mec à qui on ne la raconte pas, capable d’abattre un arbre à mains nues pour faire descendre le chat de la voisine ou de foutre dawa dans un squat pour te ramener à la maison faire tes devoirs ! Regarder Equalizer c’est suivre le quotidien de cette figure tutélaire qu’on rêverait tous d’avoir, le croisement entre un maçon du cœur qui clouerait littéralement ta tronche sur une planche de bois fraichement poncée, et Pascal le grand frère flingueur ! Au rang des bonnes surprises,  on retiendra notamment un savoureux gunfight en voiture ainsi qu’un final en pleine tempête jouissif et d’une frontalité glaçante. Voilà pour les ajouts significatifs de cette suite qui pour un bon virage négocié, en prend deux autres à contre-sens au risque de se prendre le mur. Equalizer 2 n’est pas un mauvais film en soi mais sans la présence de Denzel Washington et les rares fulgurances stylistiques de Fuqua, son manque d’ambition sur tous les plans l’aurait clairement fait passer directement par la case DTV.

 

Une suite qui gagne en simplicité ce qu’elle perd en ludisme, délaissant la relative inventivité du premier opus pour un parcours beaucoup plus balisé et prévisible. Dommage.