Critique: Fighter

Un film de  David O. Russell. Avec Mark Wahlberg, Christian Bale , Amy Adams. Sortie le 9 mars 2011.

Mark Wahlberg et Christian Bale se livrent à un superbe combat de coqs sous l’œil d’un David O. Russell en état de grâce. L’uppercut du moment !

 

Note : 4/5


Quiconque aura versé sa petite larme devant les errances de Mickey Rourke dans The Wrestler ne pourra que comprendre pourquoi Fighter fut un temps dévolu à Darren Aronofsky. Il y a dans ces deux films cette même volonté de dresser le portrait de personnages trouvant dans le sport la force de supporter un quotidien fait de grandes chutes et de minuscules victoires. A la différence près qu’ici cette thématique est déclinée au masculin pluriel via cette histoire de frangins que tout sépare hormis un même amour pour la boxe. Grandeur, décadence, rédemption… Fighter a tout du chemin de croix balisé pour boxeur fatigué. Sauf que contrairement à un Rocky Balboa, le film de David O. Russell laisse de coté toute représentation iconique de la boxe pour  mieux se  recentrer sur l’humain.

 

Mark Wahlberg dans Fighter
Mark Wahlberg dans Fighter

 

Faces d’une même pièce, Micky Ward (Mark Wahlberg) et son demi frère Diky Eklund (Christian Bale) s’affrontent régulièrement sur les terrains sportifs et familiaux pour mieux dissimuler une admiration (teintée de jalousie) réciproque. Cette électricité constante, Russell la traduit à merveille via une mise en scène en totale osmose avec les turpitudes de ses personnages à cheval entre sentiments d’urgence et rage refoulée. Toujours fluide, jamais linéaire, la caméra nous transporte littéralement au cœur de ce bouillonnant cyclone où s’entremêlent rivalités, conflits familiaux et difficiles introspections. Epicentre de ce trop plein d’énergie, le ring prend dès lors une toute nouvelle dimension et devient le terreau d’enjeux terriblement proches de nous. Débordant de vie, Fighter pulse comme un cœur aux incessantes vibrations ! A l’image des productions HBO (auquel il fait ostensiblement de l’œil via une side story fort bien amenée), le film transpire l’authenticité de tous ses pores. On en vient dès lors à fantasmer à ce qu’aurait pu pondre David Simon (créateur de l’immense série Sur écoute) si d’aventure il avait eu à décliner  ce diamant brut sur petit écran. Au regard de son  récent travail sur  Treme, nul doute qu’il aurait su donner vie à la petite ville de Lowell avec la même rigueur documentaire (d’aucuns diraient pudeur) dont David O. Russell  fait preuve ici.

 

 

Christian Bale et Mark Walhberg dans Fighter
Christian Bale et Mark Wahlberg dans Fighter

 

Parfaitement conscient que la substantifique moelle du film réside dans cette peinture sans fard de la réalité, Mark Wahlberg (qui a porté ce projet depuis le début au point de renoncer à son salaire) a demandé à plusieurs personnes issues de l’entourage de Micky Ward-dont son entraineur Mickey O’Keefe- de jouer leurs propres rôles. Sobre, d’une incroyable puissance intérieure, Wahlberg est un peu l’âme du film, son versant tendre et instinctif. Cependant, aussi forte soit sa prestation, elle se voit très (trop ?) souvent éclipsée par un Christian Bale totalement habité. D’une intensité à faire froid dans le dos, l’acteur bouffe l’écran via un jeu tout en nuances . A la fois pathétique et magnifique, il se fond dans son personnage de sublime looser dont les yeux trahissent une certaine forme de grandeur. Et c’est bien là que se situe le cœur de ce biopic faussement lacrymal:  son duo d’acteurs entièrement dévoué à la cause de la fratrie Ward/Eklund, reflets jamais déformants d’une Amérique méconnue et méprisée. Réceptacle de toute cette frustration, la sacro sainte entité familiale y est montrée dans toute sa contradiction : toxique, étouffante mais néanmoins vitale.

 

Paradoxal, comme peut l’être l’homme dans ses plus grands moments de doute, Fighter nous apprend que la plus grande victoire passe d’abord par l’acceptation de ses échecs. Un douloureux constat subtilement amené jusqu’au round final, pépite d’émotions qui nous met tout de suite K.O. !

 

Entièrement porté par son incroyable duo d’acteurs, Fighter est une belle leçon de vie tant devant que derrière la caméra. Respect !