Critique : Gangster Squad

 

Un film de Ruben Fleischer. Avec James Brolin, Ryan Gosling, Sean Penn. Sortie le 6 février 2013.

 

James Brolin et Ryan Gosling sortent l’artillerie lourde pour le gros nez d’un Sean Penn très très méchant. Incorruptibles ou Truands ?

 

 

Note : 2,5/5

 

En matière de lutte contre la pègre, le cinéma n’a pas manqué de figures iconiques arborant Borsalino et flingues avec la classe inhérente aux grands hommes. Les années 30 avaient leurs G-Men, les années 80 leurs Incorruptibles tandis que le 20ème siècle se cloturait ( presque) sur un gout de souffre et de sang avec l’immense L.A. Confidential. L’année 2013 verrait elle l’émergence d’une nouvelle race de justiciers faisant la loi mitraillettes à la main ? Oui et non. Car s’il se revendique clairement de ses illustres ainés, Gangster Squad n’en a malheureusement ni la consistance et portée dramatique. Et pourtant, ce n’est pas faute à Ruben Fleischer d’user – souvent jusqu’à la lie – des codes inhérents au genre avec tout ce que cela implique de figures imposées (les flics incorruptibles, le Parrain impitoyable, les hommes de mains aux gueules cassées…). Seulement voilà : à trop singer ses ainés sans jamais prendre de recul, le film finit par créer une distanciation certaine et paradoxale. Trop premier degré pour être parodique, trop caricatural pour être totalement pris au sérieux, Gangster Squad se situe dans une sorte d’entre deux qu’il faut d’emblée accepter sous peine de le rejeter complétement.  Dans ce Los Angeles policé bien loin du cratère fumeux et incandescent décrit par James Elroy, les bons flics sont des héros de guerre nourris au blé, les méchants grimacent comme s’ils étaient dans un vieux serial des années 30 et les femmes ferrent leurs hommes comme d’autres leurs chevaux mais les brossent suffisamment dans le sens du poil pour leur laisser affirmer leur virilité.  Adeptes de la rigueur à la Boardwalk Empire passez votre chemin : le monde merveilleux de Gangster Squad tient ici davantage du pur fantasme de cinéphile que de l’environnement savamment étudié où le danger guette à chaque coin de rue.

 

© Warner Bros France
© Warner Bros France

 

Pour autant, ce coté désuet et parfois un peu naif renvoyant directement aux premières incursions de la Warner dans le film de gangster n’est pas désagréable et participe pendant une bonne moitié au charme de l’entreprise. Alors oui, Sean Penn en fait des caisses en mafieux impitoyable (il faut dire que le maquillage façon Al Pacino dans Dick Tracy n’aide pas), la love story Ryan Gosling/Emma Stone apparaît comme un succédané de Crazy, Stupid, Love (jusque dans la caractérisation de leurs personnages) et certains dialogues à la limite du nanardesque sont débités avec un tel aplomb qu’on en reste coi, mais il faut bien avouer que pendant presque deux heures Gangster Squad remplit honorablement son contrat, dusse t il se prendre les pieds dans le tapis plusieurs fois. Et ce, en grande partie grâce à une poignée de scènes d’action efficaces faisant parler la poudre pour le plus grand plaisir des aficionados. Un écran de fumée certes mais parfois suffisamment épais pour faire oublier le temps de quelques balles qui fusent, la vacuité de l’entreprise. La première partie, rigolote, joue sur un savoureux décalage entre tradition et modernité. Malheureusement, la mécanique, trop voyante finit par agacer et ce qui démarrait comme une amusante parenthèse récréative se transforme en enfilade de poncifs embarassant où le spectateur a plusieurs coups d’avance sur le reste de l’intrigue. Dès lors, les défauts du début prennent tellement de place qu’ils deviennent difficilement pardonnables que ce soit dans sa mise en images usant des ralentis superflus et du sang numérique que dans ses personnages manquant singulièrement de consistance (Robert Patrick, Anthony Mackie , Michael Pena n’existent pour ainsi dire pas ) là où cette seconde partie leur donnait justement l’opportunité d’en acquérir plus. Au final, Gangster Squad apparaît plus comme un produit que comme un réel hommage . D’autant plus dommageable que tous les ingrédients étaient réunis pour en faire une vraie réussite. Mais peut être aurait il fallu pour cela un réalisateur plus mature ou gérant un peu mieux ce délicat équilibre entre tradition et modernité évoqué plus haut. Au final, on retiendra un divertissement agréable mais bien trop gentil pour se hisser à la hauteur de ses illustres ainés.

 

Pas forcément désagréable, Gangster Squad se suit sans réel déplaisir… mais s’oublie aussitôt le générique de fin terminé.