Critique : Hanna

 

Un film de Joe Wright. Avec Saoirse Ronan, Eric Bana, Cate Blanchett. Sortie le 6 juillet 2011

 

La jeune héroïne de Lovely Bones joue les apprenties espionnes dans un thriller sur vitaminé. La surprise de l’été ?

 

Note : 3,5/5

Hanna n’est pas une ado comme les autres : tandis que les autres jeunes filles partagent leur temps entre flirts et shopping, elle, joue les tueuses apprivoisées sous la tutelle de son espion de papa ! Cool, hein ? Sauf qu’Hanna ne se prépare ni à intégrer les Navy Seals ni à jouer dans un remake de Hitman mais se verrait plutôt terminer une mission commencée par ses parents il y a longtemps. Et s’il y a bien un truc que les films de Reese Witherspoon nous ont appris c’est que les blondes, faut pas les faire chier ! Pour son quatrième film, le réalisateur Joe Wright (Reviens-moi) délaisse romances contrariées et bons sentiments de rigueur pour un univers aux antipodes de son cinéma. Un  changement de cap qui se ressent jusque dans sa mise en scène, libérée de la facture classique – mais néanmoins efficace- dans lequel il s’était engoncé jusqu’ici. Visiblement lâché, il s’essaye à toutes sortes d’expérimentations visuelles et nous transporte au gré des pérégrinations de son héroïne. Un chemin loin d’être idyllique un peu comme si la route de brique jaune parcourue par cette Dorothée des temps modernes se voyait soudain entaché de sang.

 

© Sony Pictures France

 

Au delà de l’arc en ciel que peut trouver Hanna hormis la violence ? Ce sentiment de doux malaise, le réalisateur la cultive sciemment via l’aérienne musique des Chemical Brothers. Faisant véritablement corps avec le film, elle lui donne un cachet délicieusement atypique pris entre urgence frénétique et sombre poésie. D’où l’impression d’assister à un joyeux bordel maitrisé de bout en bout et témoignant d’une certaine folie. Sorte de version teen de La Mémoire dans la peau, Hanna se situe à la lisière entre le film d’espionnage et le conte de fées moderne empruntant au premier son ambiance de douce paranoïa et au second ses sempiternels figures à base de jeune princesse, mentor protecteur, méchante reine et vil méchant loup. Des allégories qui auraient pu se révéler lourdingues si le film avait opté pour le premier degré froid et clinique. Or, la pelloche bariolée de Wright assume totalement son statut d’OFNI grâce notamment à un casting s’en sortant à merveille en représentations contemporaines des figures sus-citées. Jeune princesse aux airs d’enfant sauvage (à moins que ce ne soit l’inverse !), Saoirse Ronan surprend et dévoile une très large palette d’émotions allant de la tueuse de sang froid à l’enfant effrayée en passant par la jeune femme consciente de sa sexualité. A ses cotés, le protecteur Eric Bana se révèle tout aussi touchant et apporte une vraie substance à sa relation avec Hanna tandis que Cate Blanchett en fait gentiment des caisses dans le rôle ingrat de la sorcière.

 

© Sony Pictures France

 

Tour à tour perverse et calculatrice, cette méchante reine, est une glaçante représentation de la maternité refoulée, sacrifiée sur l’autel de la sacro sainte réussite. Une métaphore un peu lourdingue mais plutôt bien représentée par une Cate Blanchett ne tombant jamais dans la caricature. Comprendre par là qu’on est loin de sa prestation grimaçante d’Indiana Jones 4 ! Mais ce qui rend Hanna si spécial c’est sa propension à jouer avec les codes du genre en insufflant à l’ensemble un supplément de malice à la limite de la perversité.  Une spécificité peut trop appuyée et qui pourra en désarçonner plus d’un. A trop jouer la carte du décalage, le film risque bien de s’aliéner une partie du public ne s’attendant certainement pas à ça. Ainsi, pour pleinement apprécier Hanna, mieux vaut faire fi de ses nombreuses invraisemblances (une ado qui s’évade d’un centre de Haute sécurité en tabassant une pelleté d’agents de la CIA surentrainés même dans un film d’espionnage ça la fout mal !) et accepter d’emblée son caractère singulier et totalement fantasmé. Sous le vernis du tabassage cramé, Hanna n’est rien de plus qu’une jolie fable sur la transmission et la perte de l’innocence. Un divertissement estival un peu spécial mais un divertissement quand même.

 

Plus proche d’une adaptation sous acides d’un conte de Charles Perrault que de la trilogie Bourne, Hanna est un OFNI intéressant car ne rentrant dans aucune case prédéfinie.