Un film de Neil Marshall. Avec David Harbour, Milla Jovovich, Ian McShane. Sortie le 8 mai 2019.
Plus de dix ans après son majestueux Les légions d’or maudites, Guillermo Del Toro livre enfin la conclusion tant attendue de sa trilogie consacrée à Hellboy. Enfin ça c’est ce qu’on aurait aimé. Dans la réalité c’est une toute autre histoire…
Note : 1/5
Qu’on ne vienne pas nous accuser d’être des groupies de l’ami Guillermo Del Toro, incapables de gérer leur frustration quant à l’échec de ce dernier à réussir à faire naître le troisième opus de sa trilogie Hellboy – destinée à demeurer dans les limbes de la liste fantasmagorique des « meilleurs films qu’on ne verra jamais ». Certes l’auteur de L’échine du diable et Le labyrinthe de Pan jouit d’un certain prestige en cette enceinte. Certes la déception de ne pas voir ce même auteur conclure dignement la trajectoire du cornu rouge laisse un sentiment d’inachevé dans notre petit cœur de cinéphile. Mais cela ne veut pas dire qu’à aucun moment nous ne montrâmes la moindre curiosité vis à vis de ce reboot. Bien au contraire. Déjà parce que le personnage de Hellboy n’est pas la création de Del Toro mais celle de l’artiste Mike Mignola qui a toujours respectueusement (du moins officiellement et du temps de la production des précédentes adaptations), accepté que le réalisateur mexicain s’approprie sa créature pour la faire évoluer dans un imaginaire qui lui est propre. Du coup l’idée d’une réinterprétation (censée plus fidèle au matériau d’origine), ne résonne pas du tout comme une hérésie mais plutôt comme une opportunité de profiter d’un regard neuf sur une figure propre à être transfigurée selon le bon vouloir d’un créateur et de sa sensibilité artistique. Secundo, parce que ce reboot a été confié au britannique Neil Marshall qui, si sa filmographie ne peut rivaliser quantitativement et qualitativement avec celle de Guillermo Del Toro, a ses défenseurs ici. Le monsieur a tout de même réalisé l’un des plus suffocants thriller horrifique de ce siècle (The Descent) et l’un des plus irrésistibles péché mignon nostalgico-geek (Doomsday). Sans compter son apport notable à la série Game of Thrones (les batailles de la saison 2 et 3 c’est lui). Alors oui, l’homme avait achevé la première partie de filmographie avec le décevant et un peu mal fichu Centurion mais l’erreur est humaine. Même chez les gros geeks qui s’assument. Tout ça pour dire qu’on l’attendait le pied ferme ce film espérant que le résultat final se montre un peu plus exaltant que sa première bande-annonce rédhibitoire. Hélas, ô combien hélas, ce Hellboy version 2019 confirme dès ces premières minutes qu’il y avait matière à s’inquiéter. N’y allons pas par quatre chemin, la version « supposée » de Neil Marshall une catastrophe avec un grand C majuscule. Par où commencer ? Évoquons directement l’interprétation calamiteuse du comédien David Harbour (Stranger Things) singeant sur un mode gueulard (et parfois hystérique) l’interprétation beaucoup plus subtile et touchante de Ron Perlman.

L’acteur fétiche de Del Toro qui doit continuer à l’avoir bien mauvaise qu’on lui ait retiré le rôle de sa vie au profit d’un comédien échouant à chaque scène à s’approprier le personnage derrière un maquillage tout simplement dégueulasse (voir la scène du taillage de corne révélant le latex des prothèses : ahurissant !). Mais David Harbour est loin d’être le seul fautif d’une production semble-t-il des plus agitée : à peine la critique US a-t-elle assassinée le film que des sources évoquaient de sévères frictions entre Marshall, les producteurs et une partie du casting : Neil Marshall n’aurait eu de cesse de batailler pour faire exister sa vision contre des exécutifs et des comédiens (dont David Harbour et Ian McShane) s’étant ligué contre lui, n’hésitant pas à réécrire des scènes entières derrière son dos pour finalement l’éjecter de la salle de montage. Dans l’éventualité où tout ceci serait vrai, impossible de ne pas y voir l’origine de l’incohérence artistique, de la piètre ambition et de la laideur du résultat final de cette version bruyante et inconséquente du comic de Mignola. Version trash peut-être généreusement gore (quoique puant le numérique par tous les pores), peut-être voulue punk sur les bords mais véritablement Z et cheap (c’est une production Millenium Films à n’en point douter), dont la médiocrité générale ne fait qu’insulter la version de Del Toro (habitué des affronts cinématographique depuis l’innommable Pacific Rim 2). On pourra toujours sauver quelques monstres et designs intéressants (Baba yaga), sauf que rien dans ce Hellboy ne donne envie d’excuser une telle entreprise de destruction massive du bon goût. Là on où était en droit d’attendre la reconstruction d’une icône du fantastique nous n’avons droit qu’à un parterre de personnages inexistants (ou horripilants selon les cas), perdu dans une mythologie foireuse aux maigres moments de bravoures perpétuellement noyés sous une bande-son rock inappropriée en guise de cacophonique auditive. Les fans de Hellboy (comme les autres d’ailleurs) ne méritaient vraiment pas ça !
Rapidement insupportable et confectionné en dépit du bon sens, ce nouveau Hellboy tient davantage d’un sous produit tout juste digne d’une exploitation vidéo que du blockbuster noble. Rendez nous Guillermo Del Toro !