Un film d’Andrew Stanton. Avec Taylor Kitsch, Willem Dafoe, Lynn Collins. Sortie le 7 mars 2012.
Disney joue son va tout dans ce voyage SF aux confins de l’étrange. Aller simple sans retour ?
Note : 3/5
Peu adepte de la prise de risque couillue, Disney nous balance de temps en temps quelques OFNI qui, sous leur dehors de blockbusters formatés, se révèlent bien plus singulier qu’ils n’y paraissent. C’était le cas l’année dernière de Tron : l’héritage qui avait toutefois récolté un beau pactole (400 millions de $ dans le monde) malgré son coté très abstrait, sensoriel. Pas certain que la firme de l’oncle Walt réitère l’exploit avec John Carter. Non pas que le film soit mauvais mais il faut bien reconnaître qu’il se trouve à un confluent qui ne risque pas d’être du gout de tout le monde. Trop abstrait pour les enfants, pas assez frontal pour les adultes, le film d’Andrew Stanton devrait quelque peu ramer dans la conquête de son public. A trop vouloir fédérer geek et kids, John Carter risque bien de diviser. Car contrairement à Tron : l’héritage qui bénéficiait de l’aérienne partition de Daft Punk, cette nouvelle aventure live de Disney n’a pas de réelle identité à laquelle se raccrocher. Cela en fait il un mauvais film pour autant ? Oui et non. Dans la catégorie mauvais points, il faut bien reconnaître que le principal défaut de John Carter réside dans sa narration anarchique et beaucoup trop complexe. En s’adressant directement aux fans du roman d’Edgar Rice Burroughs, John Carter prend le risque de tourner le dos à tout un pan qui aura du mal à saisir les multiples subtilités de ce voyage martien. Comme pris dans les méandres d’une intrigue inutilement complexe, le film patine , engrange beaucoup, au risque de laisser le spectateur sur le carreau, lassé par tant d’histoires se superposant. Plus épuré dans son dénouement, le résultat aurait grandement gagné en rythme et en lisibilité. L’autre point embêtant à défaut d’être réellement préjudiciable est la présence de Taylor Kitsch dans le rôle titre. Si l’ex footballeur rebelle de la série culte Friday Night Lights ne manque pas d’aplomb, force est de reconnaître qu’il demeure un poil trop jeune pour jouer les vétérans meurtris. Pire, le comédien se fend d’une prestation honorable là où on attendait un baroudeur, un véritable héros de guerre capable de drainer les foules. Et s’il s’en sort relativement bien dans son costume très « Musclor approved », force est de reconnaitre qu’on aurait préféré quelqu’un avec plus de bagout et de vécu pour incarner John Carter.

Et pourtant, en dépit de ses défauts, John Carter a ce petit quelque chose qui le rend singulier à défaut d’être unique. Ce quelque chose c’est l’univers incroyablement dense retranscrit par Stanton et son équipe. Si pour son premier film live, le réalisateur de Wall-E livre une mise en scène efficace mais manquant d’audace au regard de ce qu’ont pu faire ses collègues de Pixar (au hasard Brad Bird avec le récent Mission : Impossible – Protocole Fantôme) elle parvient cependant à retranscrire avec une certaine ampleur le monde merveilleux décrit par Burroughs. Lentement, le spectateur se laisse happer par les charmes de Mars : sa faune, sa flore et ses multiples autochtones, au point de se laisser bercer par un sentiment de douce gravité . D’où une certaine fascination devant ce périple parfois sans but, souvent bordelique mais diablement fascinant. Dès lors un torrent de références nous sautent aux yeux et on comprend mieux ce que des auteurs comme George Lucas, Moebius ou encore Frank Hebert doivent à John Carter tant cet univers apparaît aussi riche qu’inventif. Un voyage aussi bien spatial que temporel tant il convoque tout un pan de la science fiction. Un émerveillement renforcé par quelques morceaux de bravoure parmi lesquelles un combat homérique en arène et un assaut solo au déchirant montage parallèle. Autant de petites choses qui rendent cette tentative à moitié réussie plutôt attachante malgré un gros et laborieux ventre mou. A mi chemin entre la SF, la fantasy et le péplum spatial, John Carter a certes les yeux plus gros que le ventre mais a au moins le mérite du dépaysement. Une intention louable à l’heure où la SF garde un peu trop les pieds sur terre !
Inégal, le premier film live d’Andrew Stanton reste un bon divertissement qui a les qualités de ses défauts… à condition de ne pas être trop regardant sur le casting !