Critique : La Planète des singes – les origines

 

Un film de Rupert Wyatt. Avec James Franco, Freida Pinto, Andy Serkis. Sortie le 10 aout 2011.

 

 La prochaine révolution ne sera pas prolo mais primate si on en croit ce retour sur les origines d’une des plus singulières saga S.F. Le singe est l’avenir de l’Homme ?

 

 Note : 4/5

 

 Tous ceux qui ont vu La Planète des singes premier du nom se souviennent forcément du traumatisant plan final et l’horrible découverte faite par l’astronaute Taylor (Charlton Heston). Quatre suites,  trois séries TV- dont une animée- et un piteux remake plus tard, La Planète des singes : les origines remet les compteurs (presque) à zéro et revient aux racines de la révolte simiesque. Et c’est à  l’outsider Rupert Wyatt (Ultime évasion) que revient la lourde tâche d’expliquer le pourquoi du comment ayant conduit aux événements décrits dans le roman de Pierre Boulle en 1963. Pas une mince affaire quand on sait que Jack Lee Thompson s’était quelque peu cassé les dents sur le sujet en 1972 avec La Conquête de la planète des singes. Contre toutes attentes, Wyatt prend son petit monde par surprise et réussit haut la main un exercice à priori casse gueule. Comment ? La réponse tient en deux mots : Weta Digital. A l’heure où la performance capture continue de susciter diverses polémiques, La planète des singes : les origines pourrait bien mettre tout le monde d’accord en creusant un peu plus un sillon déjà bien engagé dans King Kong et Avatar.  Mais là où le gorille de Peter Jackson ne suscitait qu’une empathie polie,  les singes du film de Wyatt eux se montrent réellement touchants via une incroyable palette d’expressions. Des singes avec une âme, voilà le pari fou relevé par Weta Digital qui parvient à insuffler une réelle humanité à son bestiaire. Et c’est peut être là que se situe le cœur de ces singulières origines : dans cette manière de jouer autant sur l’affect que sur la peur via notamment le personnage de César, sujet d’expérimentation de Will, jeune scientifique décidé à vaincre la maladie d’Alzheimer grâce à une drogue miracle.

 

© Twentieth Century Fox 2011

 

Plus qu’une mascotte, César est un véritable personnage de cinéma aux turpitudes très humaines. A la manière d’un Greystoke bercé moins près du mur, le singe par qui la révolte gronda déroule une multitude d’émotions à la fois logiques et contradictoires, tiraillé entre sa nature de primate et une culture d’homme qui lui aura été inculquée à son insu. A travers lui,  c’est toute la question de l’opposition entre inné et acquis qui est mis en lumière par le prisme du lien très particulier noué avec Will. Force motrice de l’intrigue, la relation entre le cobaye et son « géniteur » porte en son sein tous les enjeux du film et le distingue d’emblée du tout venant en matière de blockbusters. Constamment juste, elle prend le temps d’exister et d’évoluer au grès des années sans que les multiples ellipses temporelles nous prennent à défaut. Dès lors, elle ne fait que gagner en intensité au fur et à mesure que les éléments s’imbriquent lentement et de manière très subtile. Ici, un seul regard de César en dit plus que n’importe quel dialogue superflu et ce grâce au mimétisme confondant d’ un Andy Serkis incroyable,  sublimé par les truchements d’une Performance Capture très judicieusement utilisée. C’est bien simple jamais personnages virtuels n’ont eu l’air si réels. S’il n’est pas avare en morceaux de bravoures, La Planète des singes : les origines s’attache davantage à montrer les prémices d’une conquête que la conquête elle-même. Ne vous attendez donc pas  voir des anthropoïdes véners casser de l’humain deux heures durant dans un grand maelstrom pyrotechnique.

 

 

© Twentieth Century Fox 2011

 

A l’instar d’un épisode d’Au-delà du réel, il met en exergue les dérives de la science et distille un malaise qui ira crescendo jusqu’au déchirant dénouement final. Ici, le but ici n’est pas tant de jouer sur le coté spectaculaire que de montrer comment l’homme a semé les germes de sa propre destruction. Une mise en place dans l’action qui induit une peur bien plus insidueuse car jouant  avant tout sur notre force de suggestion. Cet art de la subtilité ,sinon de la sobriété,  y est savamment dosé au détour de plans iconiques  faisant de La Planète des singes : les origines une œuvre à part à cheval entre récit d’anticipation et glaçante réflexion sur la ligne séparant l’homme de l’animal. La segmentation des singes en castes sociales fort bien organisées, le besoin d’émancipation… autant de  fascinantes thématiques directement issues et malicieusement reprises ici comme si ce prequel se faisait fort de condenser toutes les obsessions de ses ainés pour mieux leur rendre hommage. Sauf qu’ici le discours se pare d’une violence sourde et latente dont l’explosion ne peut être que dantesque. D’où une certaine frustration lorsque celle ci vient enfin à maturation tant son manque de radicalité semble consécutive aux desiderata du tout public. Dommage aussi que le personnage interprété par la belle Freida Pinto (Slumdog Millionnaire) ne fasse office que de contre point moral (potiche quoi !) d’autant que sa fonction de vétérinaire en faisait le liant idéal entre l’homme et l’animal.  Des réserves qui n’enlèvent rien à la qualité d’un film beaucoup plus malin qu’il n’en a l’air.

 

Techniquement bluffant La Planète des singes : les origines fait la jonction parfaite entre technique et émotion via des personnages virtuels bluffant d’authenticité. Un regard neuf sur une mythologie maltraitée.

 


 

 
Merci à Julien Munoz pour ses éclaircissements