Critique : Le Hobbit – La Bataille des Cinq Armées

 

Un film de Peter Jackson. Avec Martin Freeman, Ian McKellen, Richard Armitage. Sortie le 10 décembre 2014.

 

Peter Jackson quitte enfin la Terre du Milieu dans cet ultime chapitre qui ne s’imposait pas vraiment mais qui devrait plaire aux fans.

 

 

Note : 2,5/5

 

C’est mercredi prochain que sortira en salles le troisième épisode du Hobbit signant par là même la fin des aventures d’un Bilbon Sacquet encore jeunot ainsi que (on l’espère) celles de Peter Jackson en Terre du Milieu. Car il faut bien avouer que cette nouvelle trilogie aura eu bien du mal à se hisser à la hauteur de ses illustres ainés tant en termes de narration que d’ambition. Alors qu’Un voyage inattendu se complaisait dans une mise en place inutile pour mieux reprendre du poil de la bête, sa suite directe La Désolation de Smaug, elle, parvenait au contraire à créer un véritable engouement en dessinant de véritables enjeux tout en prenant une dimension romanesque inattendue. Un mouvement de balancier qui n’augurait pas forcément du meilleur pour cet ultime volet si l’on se fiait à la logique purement jacksonienne de ce triptyque soufflant constamment le chaud et le froid en se perdant dans d’inlassables chemins de traverse. Et pourtant la fin de La Désolation de Smaug se concluant sur un cliffhanger puissant à défaut d’être dantesque laissait entrevoir une lueur d’espoir quant à la direction prise. En d’autres termes, passé un rodage plaisant laborieux (Un voyage inattendu), les aventures de Bilbon allaient enfin renouer avec le caractère épique et merveilleux du Seigneur des Anneaux comme le laissait sous entendre un sous titre o combien évocateur : La Bataille des Cinq Armées. Et sur ce plan, il est vrai que Peter Jackson ne trompe pas son public. Bourré de morceaux de bravoure, de séquences plus épiques les unes que les autres, La Bataille des Cinq Armées envoie du lourd pendant plus de deux heures embarquant le spectateur pieds et poings liés dans de dantesques combats à ciel ouvert. Seulement voilà : aussi épique soit sa bataille des cinq armées, elle demeure beaucoup trop mécanique et fonctionnelle pour créer une réelle implication chez le spectateur. Là où la bataille finale du Retour du Roi (pour ne citer qu’elle) émerveillait par sa propension à nous transporter au cœur du conflit par l’entremise de personnages forts, celle de ce dernier volet ne suscite qu’un intérêt poli du fait même qu’elle ne charrie aucun enjeux émotionnels.  Installé sur des rails, Le réalisateur de Braindead se fait visiblement plaisir en filmant elfes, nains, orques et autres guerriers se foutrent sur la tronche sans toutefois y apporter une quelconque portée émotionnelle. Aux frissons et autres applaudissements provoqués par les morceaux de bravoure dantesque de la trilogie matricielle, succède ici une espèce d’indifférence qui se ressent jusque dans la mise en scène d’un Peter Jackson toujours efficace mais jamais réellement audacieux. D’où l’impression d’assister à une espèce d’immense beat’em all auquel on aurait pas le droit de tâter, seulement permis que nous sommes de suivre tout cela bien docilement en bouffant notre pop-corn.

 

© Warner Bros Pictures
© Warner Bros Pictures

 

Il faudra attendre les interventions d’un Legolas toujours aussi classe et la toute dernière partie pour qu’apparaisse enfin une réelle notion de plaisir comme si le cinéaste avait finalement accepté de ne pas jouer tout seul. A plus d’une occasion, le cinéaste se plait à nous rappeler qu’il est le maitre d’œuvre derrière cette fantastique trilogie que fut Le Seigneur des Anneaux, et s’il n’a effectivement rien perdu de sa superbe, le fan service assuré ici demeure tellement ostentatoire qu’il finit par sonner faux allant jusqu’à phagocyter la construction du récit. Car oui, La Bataille des Cinq Armées n’est que la version light de ce que Jackson nous prépare en coulisses pour l’année prochaine et cela se ressent jusque dans son enchainement souvent syncopé des combats. A travers l’agencement maladroit de son récit, c’est toute la problématique de l’adaptation unilatérale d’un récit qui est mis en exergue. A trop vouloir surfer sur une tendance passéiste (opportuniste diront certains), ce Hobbit a finit par se transformer en mutant industriel alternant le très bon et le franchement inutile comme en témoigne ce dernier chapitre sacrifiant de très bonnes pistes (les tourments de Thorin, la destinée de Girion…) sur l’autel de l’efficacité pure et dure. Le potentiel est là, parfaitement palpable au détour de très belles séquences et il aurait suffit de quelques coups de ciseaux beaucoup plus avisés, d’une narration plus condensée et moins révérencieuse pour que Le Hobbit se mue en formidable diptyque d’une puissance romanesque et épique rare, une « mini saga » transcendant le simple portage filmique. Difficile dès lors d’être trop sévère à l’encontre de ce que l’on pourrait considérer comme une longue mise en bouche (encore une) tant le montage présenté ici laisse augurer une version longue autrement plus intéressante. Attendons donc la sortie de celle-ci pour avoir une vue d’ensemble sur les ambitions de Peter Jackson et juger dès lors de la pertinence d’un scindement en trois parties incluant tout ce qu’il avait envie de raconter. A la question «  La Bataille des Cinq Armées est-il mauvais ? » la réponse est définitivement non tant il regorge de scènes épiques. Et si les morceaux de bravoure sont légions, leurs enchainements, beaucoup trop métronomique, les délestent de toute portée. Peter Jackson se contente de faire le job et tente tant bien que mal de renouer avec la magie de la première trilogie allant jusqu’à raccrocher maladroitement les wagons. L’intention est louable mais le train est passé depuis bien trop longtemps pour qu’on ait vraiment envie d’une seconde lune de miel.

 

Ni bon ni mauvais, La Bataille des Cinq Armées est un film qui se laisse regarder sans déplaisir… mais sans passion non plus !