Un film de Dominik Moll. Avec Vincent Cassel, Déborah François, Joséphine Japy. Sortie le 13 juillet 2011.
Vincent Cassel enfile la défroque d’un moine pas très catholique devant la caméra de Dominik Moll. Satan, un ami qui vous veut du bien ?
Note : 3,5/5
Dominik Moll est un homme qui aime prendre son temps : six ans après l’inquiétant mais soporifique Lemming (qui n’est pas une adaptation du célèbre jeu vidéo !), il nous revient avec Le Moine, adaptation d’un classique de la littérature gothique. Situé dans le Madrid du XVIIème siècle, le film met en scène Ambrosio (Vincent Cassel), moine capucin aussi craint que respecté, en pleine crise de foi depuis l’apparition d’un mystérieux jeune novice se cachant derrière un masque de cire. Plus troublé que jamais, l’autoproclamé meilleur poto du Christ ne sait plus trop à quel saint se vouer. Si les voies du Seigneur sont impénétrables, quid de celles du Malin ? C’est peu ou prou la question posée par ce moine au doux parfum de dépravation. Difficile d’en dévoiler plus de peur de déflorer la surprise générale, sachez seulement que ce moine là n’a rien d’un enfant de chœur mais se situerait plutôt à la croisée des chemins entre l’allégorie et le pur film d’horreur auquel il rend un vibrant hommage.

A l’image des précédents films de Moll, Le Moine s’axe avant tout sur la prolifération du Mal au sein d’un quotidien morne et phagocyté par les non dits . Ici, tout n’y est que désirs refoulés et frustrations en tous genres tandis qu’un malaise sourd s’installe lentement mais surement jusqu’au climax final. Sur un canevas proche de Thirst, le film sonde la culpabilité -somme toute chrétienne- liée à la tentation et au péché de la chair. Gothique, Le Moine l’est assurément, tant par son ambiance délétère que par une cruauté très sadienne dispensée sous le masque de la religion. Le plaisir sous toutes ses formes y est châtié de la manière la plus cruelle possible. Si bien qu’elle ne fait que renforcer une certaine attraction vers le coté obscur de la foi. Un difficile paradoxe élevée ici au rang de philosophie au point de soulever d’intéressantes questions. D’une noirceur absolue, le film se réapproprie les codes esthétiques inhérents au genre pour mieux lier intimement religion et débauche. Pêcheur ou croyant, ton abnégation risque ici d’être mise à rude épreuve !

Dans la peau du moine torturé, Cassel se montre étonnamment convaincant. Tour à tour divin et diabolique, doux et dur, il interprète un personnage tout en nuances pétri de contradictions mais néanmoins humain de par la somme de défauts qui le caractérisent. Face à lui, les troublantes Déborah François et Joséphine Japy, respectivement ange noir et objet de tentation, irradient l’écran de manière très différente. Fortement sexuée et ambivalente, la première attire autant qu’elle intrigue tandis que la seconde offre une touche de pureté bienvenue dans un ensemble bien anxiogène. On regrettera juste la relative absence de Sergi Lopez dans un rôle pourtant pas si éloigné de Harry, un ami qui vous veut du bien mais qui aurait toutefois gagné à être plus développé. Un peu lent au démarrage, Le Moine prend naturellement son temps pour distiller le malaise n’hésitant pas à perdre le spectateur au sein de deux intrigues amenées à se lier tragiquement. Sorte de version déviante de l’œcuménique Des hommes et des dieux, Le Moine est certainement le meilleur film en date de la courte –mais néanmoins intéressante- carrière de Dominik Moll qui synthétise là de bien belle manière toutes ses obsessions. Capuche basse !
Fable morale assez fucked up, Le Moine est une proposition de cinéma assez singulière. Une belle curiosité.