Critique : Le Premier homme

 

Un film de Gianni Amelio. Avec Jacques Gamblin, Catherine Sola, Maya Sansa . Sortie le 27 mars 2013.

 

Il est des œuvres qui sont de véritables défis d’adaptation pour les cinéastes. Le roman inachevé d’Albert Camus, Le Premier homme, en fait partie. Le réalisateur italien Gianni Amelio le relève en s’y collant. Plantage ou réussite ?

 

Note : 2,5 / 5

 

Le 4 janvier 1960, Albert Camus meurt dans un accident de la route. On trouve dans le coffre de sa voiture le manuscrit inachevé de son dernier roman : Le Premier homme. C’est grâce à sa fille Catherine qu’il paraît 34 ans après chez Gallimard dans une édition tenant compte des annotations de l’écrivain. L’auteur de L’Étranger y raconte sous la forme d’une fiction autobiographique son enfance en Algérie, sa quête du père qu’il n’a jamais connu et sa relation avec sa mère. Dans le roman, l’écrivain Jacques Cormery, double fictif de Camus, retourne à Alger avec le désir d’enquêter sur ce père mort à la guerre 14-18 quelques mois après sa naissance. Il se trouve alors confronté à l’état de guerre qui divise son pays, l’Algérie. Camus a déjà été adapté au cinéma en 1967 par Luchino Visconti avec L’Etranger et par Luis Puenzo avec La Peste en 1992. Adapter Le Premier homme pouvait être considéré comme un défi réel, voire une entreprise « casse-gueule », compte tenu des circonstances de sa publication et de sa valeur autobiographique. D’ailleurs sa fille mit très longtemps à accepter qu’il devienne un film jusqu’à ce qu’elle soit convaincue par le producteur Bruno Pesery et le réalisateur italien Gianni Amelio (Les Clefs de la maison)…Peut-on dire que l’adaptation cinématographique que celui-ci propose soit à la hauteur de l’œuvre originelle ? La réponse est mitigée.

 

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Le film n’a pas grand chose de plus que les téléfilms qui sont passés à la télévision l’année dernière pour l’anniversaire des accords d’Evian. Bien qu’il soit bien filmé, il ne parvient pas à sortir d’un certain académisme, surtout dans les parties du long-métrage qui montrent l’enfance du héros. La banalité des dialogues et des situations empêche d’y adhérer et le jeune acteur qui joue Jacques enfant n’arrive pas trop à attirer la sympathie. Les moments qui sauvent cette partie sont ceux avec l’instituteur Monsieur Bernard (Denis Podalydès, très bien comme  toujours), double fictif de l’instituteur de Camus qui lui donna l’opportunité de faire des études. Les parties avec Jacques adulte joué par Jacques Gamblin sont beaucoup plus convaincantes. L’acteur fait un très bon double de l’écrivain. Bien qu’on aurait aimé entendre la force du texte de l’auteur du Premier homme au travers d’extraits lus en voix-off, cette force transparaît dans les discours que Cormery tient au cours du film. Camus n’était pas pour l’indépendance de l’Algérie mais pour la coexistence pacifique avec les mêmes droits entre les deux peuples. Gianni Amelio a enrichi le propos du film à travers le personnage d’un camarade d’école Algérien qui demande à Jacques de sauver de la guillotine son fils accusé d’être le complice d’attentats. Cette liberté prise par rapport au livre est un bon atout et montre que peut importe si une adaptation n’est pas entièrement fidèle au matériau originel du moment qu’elle l’est à son esprit. Reste également de beaux plans et une belle lumière dus à la qualité de la photographie et au paysage algérien.

 

L’adaptation du roman de Camus, bien qu’imparfaite, reste honorable et donne envie de se plonger ou de se replonger dans son œuvre pour laquelle il a eu le prix Nobel de la littérature en 1957.