Critique : les Gardiens de la Galaxie

 

Un film de James Gunn. Avec Chris Pratt, Zoe Saldana, Dave Bautista. Sortie le 13 aout 2014.

 

Un western spatial avec une bande de bras cassés vous en rêviez ? Marvel l’a fait !

 

Note : 4/5

 

Avec Les Gardiens de la Galaxie, Marvel prend le pari de délaisser l’univers des super héros en s’attaquant à une licence peu connue (voire pas connue du tout) du grand public et ainsi peu encline à faire l’objet d’un crossover avec Captain America et ses potes. Une première pour un studio qui s’est fait fort de rapidement dresser des ponts entre ses différentes mythologies au détour de clins d’œil savamment appuyés. Dès lors était-on en droit de se dire que le temps du changement était enfin arrivé et que malgré le rachat par Disney, Marvel pouvait encore se permettre de prendre des risques. Un doux rêve qui a soudainement été mis à mal par le départ d’Edgar Wright d’Ant-Man faisant ainsi vaciller nos espoirs de voir un jour le navire Marvel piraté. Dès lors une chose était sûre : Les Gardiens de la Galaxie ne pourrait être qu’une parenthèse, un soubresaut vital mais rare au sein d’une filmographie en voie d’homogénéisation. La pression est alors d’autant plus forte, les espoirs d’autant plus grands. Et au terme de deux heures de métrage bien secoués on peut vous le confirmer : Les Gardiens de la Galaxie s’impose bel et bien comme la brise de fraicheur tant espérée. Ici, point de milliardaire à l’armure dorée ou de patriote génétiquement modifié mais une bande de bras cassés intersidéraux qu’un globe à la fois convoité et redouté va amener à s’unir pour une aventure forcément extraordinaire. Rien de bien original en soi si ce n’est qu’ici le film repose essentiellement sur ses personnages atypiques à l’aura pas forcément positif, leurs motivations n’étant pas des plus altruistes. Une équipe pas comme les autre emportée par Star-Lord (Chris Pratt), sorte d’émule de Han Solo et grande gueule devant l’Éternel galactique. Monstre de charisme à la langue bien pendue, ce leader malgré lui biberonné aux mixtapes forcément «awesome», apporte une humanité supplémentaire à un film qui n’en manque pourtant pas. Sorte de monsieur tout le monde auquel on ne peut s’empêcher de s’identifier, il est aussi à l’origine de quelques unes des plus belles scènes du film et forme avec la vénéneuse Gamora un couple atypique, bien loin des sentiers battus, tandis que le peu avenant Drax en impose sévèrement. Mais les stars du métrage ce sont bien entendu Rocket et Groot. Doublés respectivement par Bradley Cooper et Vin Diesel, ils bouffent littéralement l’écran, rendant chacune de leurs interventions délicieusement savoureuses. Grognon mais touchant, le premier s’impose comme le protagoniste le plus mal léché de l’univers Marvel, tandis que le second arrive à faire transparaitre une réelle personnalité malgré une seule phrase répétée inlassablement mais toujours avec une tonalité différente. Face à eux, Lee Pace se révèle très convaincant en bad guy au look improbable malheureusement trop peu exploité.

 

 

©Marvel Studios
©Marvel Studios

 

Des personnages singuliers au service d’un récit linéaire mais efficace mis en images par un réalisateur qui s’est visiblement pris d’affection pour eux et ne rate pas une occasion de les iconiser à mort. Singulier… en voilà un terme qui sied fort bien à ces Gardiens de la Galaxie qui cultivent ici leur différence avec un panache et une bonne humeur communicative, boosté qu’il est par une B.O. délicieusement vintage et des protagonistes badass mais terriblement attachants. Old school jusqu’à la moelle, il fait effectivement office d’anomalie tant il semble s’assumer pour ce qu’il est et non ce qu’il pourrait représenter totalement dilué dans l’univers Marvel. Ainsi, Les Gardiens de la Galaxie (GOTG pour les intimes) n’est pas un film de super héros, ni même un film de héros tout court mais un pur space opera avec ce que ça implique de figures imposées, une alternative culottée mais pas toujours bien élevée aux standards imposés par un certain Star Wars. Ici, scènes de batailles spatiales et punchlines savoureuses s’enchainent à une vitesse métronomique (mais étonnamment jamais trop mécaniques) pour notre plus grand plaisir. Alors oui, l’intrigue aurait gagné à être un peu plus ambitieuse et certains personnages secondaires mieux exploités, mais parfaitement conscient de ses défauts, GOTG préfère s’appuyer sur ses atouts (en l’occurrence ses protagonistes) pour mieux offrir au public un divertissement fun et décomplexé à l’identité résolument pop. Pour son premier blockbuster, James Gunn (Super), transfuge de Troma, s’en tire avec les honneurs, faisant la jonction parfaite entre sa personnalité iconoclaste et rock n’roll et un cahier des charges forcément fonctionnel. Alors non, l’univers deLloyd Kaufman n’a malheureusement pas infiltré celui de Stan Lee, mais force est de reconnaître que Gunn a su fort bien s’adapter sans jamais se trahir Ni trop violent, ni trop aseptisé, son film fait office de dosage parfait, une sorte d’entre deux savoureux où le versant canaille prend souvent le dessus. C’est peut être bien ça qui fait le charme du film : sa décomplexion quasi naturelle qui rend l’expérience extrêmement réjouissante. Oui, Les Gardiens de la Galaxie est tout ce que ses bandes annonces passées en boucle sur l’air d’Hooked on a feeling laissaient présager  à savoir un blockbuster estival cool et atypique, une douce anomalie d’autant plus précieuse qu’elle pourrait n’être qu’un one shot en cas d’échec. En refusant catégoriquement de s’effacer, James Gunn a prouvé que l’alternative existe au sein de Marvel et que pour peu que la maison mère accepte de prendre des risques en faisant appel à des auteurs passionnés et habités, elle pourrait bien faire la différence. La marge, l’avenir du blockbuster ? On l’espère !

 

 

Pas forcément très subversif, Les Gardiens de la Galaxie n’en demeure pas moins un excellent space opera groovy au cœur gros comme ça !