Critique : L’Hypnotiseur

 

Un film de Lasse Hallstrom. Avec Tobias Zilliacus, Mikael Persbrandt, Lena Olin. Sortie le 8 mai 2013.

 

Avec son lot de personnages inquiétés et inquiétants, L’Hypnotiseur devrait jeter un froid bienvenu dans les salles obscures. Pour la séance d’UV, on repassera !

 

 

Note : 3,5/5

 

Que ce soit en librairies ou dans les salles de cinéma, le succès des polars nordiques ne s’est jamais démenti et ce n’est pas Millenium et son million d’entrées France qui dira le contraire. A l’heure où Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander ont définitivement tiré leurs révérences, quel (anti) héros pourrait bien s’engouffrer dans la brèche ? Une orpheline hackeuse ? Un policier dépressif ? Un médecin légiste blasé ? La réponse pourrait bien se situer vers les rivages encore inexplorés de l’inconscient puisque c’est là que s’aventure le héros de L’ Hypnotiseur. Adapté d’une série de huit ouvrages écrits par Lars Kepler (pseudonyme derrière lequel se cache un couple d’écrivains), L’ Hypnotiseur prend pour héros un homme dont les talents d’hypnotiseur l’ont amenés à aider la police sur de nombreuses affaires criminelles. Obligé de raccrocher les gants après avoir procédé à la séance de trop, il va devoir reprendre du service pour faire la lumière sur le massacre d’une famille dont le seul rescapé est plongé dans un mutisme profond. Si les paysages suédois sont d’un blanc immaculés, la tonalité du film, elle, tirerait plutôt vers le noir ébène avec son lot de personnages sur la brèche, irrémédiablement rattrapés par un passé peu glorieux. Leitmotiv de ce polar pas comme les autres, la famille sert ici de point d’ancrage scénaristique et plane telle une ombre lancinante. A l’image de son personnage titre, le film de Lasse Hallström explore et dé stratifie au fur et à mesure pour mieux mettre à jour les démons de ses personnages. Comme poursuivis par la lumière blafarde du ressentiment, ils trainent leurs névroses comme un fardeau avant de les mêler inextricablement aux tenants et aboutissants de l’enquête Il en résulte un thriller dont l’apparent classicisme est camouflé par une ambiance étouffante, comme seuls nos amis nordistes (ou répondant au doux nom de David Fincher) savent les créer.

 

© UGC Distribution
© UGC Distribution

 

Avec son affiche aux teintes rouges et noirs (en référence à l’éditeur Actes Sud) et le label « Adapté d’un best seller », L’Hypnotiseur a de furieux airs de Millénium. Et pourtant, les qualités et défauts des deux films sont inversement proportionnels. Aussi anxiogène et tortueux soit- il, L’Hypnotiseur ne marque cependant pas le retour au polar malsain. La « faute » à une intrigue interrogeant de manière plutôt classique la notion de filiation et la trop fragile séparation entre innée et acquis. A défaut  de créer la surprise, le film se distingue par une forme travaillée palliant les carences d’ un scénario bien trop prévisible. Pour son grand retour en Suède après une escale américaine de 25 ans, Lasse Hallström, capable du meilleur (Gilbert Grape) comme du pire (Casanova), prend son sujet à bras le corps via une mise en scène inspirée et ample. Visiblement heureux de ne plus verser dans la meringue indigeste, le cinéaste fignole ses cadres, sa photo blafarde, et place intelligemment ses personnages au sein d’espaces de plus en plus inquiétants. On est loin des considérations gastronomico-sentimentales d’un Chocolat ! Un retour aux sources qui fait plaisir à voir d’autant qu’on ne s’y attendait pas du tout de la part de ce cinéaste peu habitué à prendre autant de risques.  Pour sa première incursion dans les sentiers noirs du polar, Hallström fait mouche si bien qu’on ne serait pas contre le voir explorer ces rivages plus souvent. Peu de chances que ce soit avec son hypnotiseur puisque le cinéaste a dit ne pas vouloir réaliser la suite de ses aventures car oui, à l’image de Millénium, cet hypnotiseur là devrait faire l’objet d’une trilogie. . En espérant que les prochains opus marqueront l’arrivée DU polar nordique qui saura allier les qualités de ses ainés tout en éludant leurs défauts.

 

Classique mais loin d’être inintéressant, L’Hypnotiseur est une plongée singulière dans les tréfonds de l’inconscient.

 

 



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