Un film de Christopher McQuarrie. Avec Tom Cruise, Henry Cavill, Ving Rhames. Sortie le 1er aout 2018.
Un impressionnant opus entièrement voué au spectacle et à l’ego de sa star. Une mauvaise chose ? Pas sûr…
Note : 3,5/5
Depuis 1996, la franchise Mission Impossible se plait à redéfinir tous les 4/5 ans les standards du blockbuster moderne avec pour ambition de repousser à chaque fois les limites du spectaculaire. Tel un Dorian Gray dopé à l’adrénaline, Tom Cruise défie les limites de l’espace et du temps avec une ténacité qui force le respect. Et lorsque l’on se dit que ça y est l’acteur a enfin atteint ses limites, que sa course effrénée arrive à terme, son alter ego Ethan Hunt surgit tel un diable de sa boite nous prouver le contraire. Mission : Impossible – Fallout ne fait pas exception à la règle, il aurait même tendance à la marquer au fer rouge de l’impossible en poussant tous les curseurs au maximum au point de rendre encore plus évidente cette question qui nous taraude tous depuis plus de vingt ans maintenant : « Tom Cruise est-il humain ? ». Au terme des deux heures qui composent le film, la réponse n’en demeure que plus opaque, le comédien étant passé par tous les états possibles et imaginables avec à la clé un brushing toujours aussi impeccable mais un botox qui commence à fissurer. Si ce n’étaient certains gros plans un peu traitres, rien ne pourrait laisser supposer que le temps est en train de faire son œuvre sur l’icône Cruise tant le ride auquel il nous a convié auparavant ne semble en aucun cas destiné à ceux que la vieillesse approche d’un peu trop près. En l’état, le film de Christopher McQuarrie tient toutes ses promesses et bien plus, les diverses bandes annonces et autres images de tournage glanées aux quatre coins de Paris n’étant que la face émergée d’un iceberg que Tom Cruise ne semble pas prêt à vouloir couler. C’est à la fois la plus grande force et la pire faiblesse de cette franchise entièrement vouée à sa superstar/producteur exécutif. En refusant farouchement de raccrocher les gants, Cruise finit par prendre une place telle qu’il en éclipse totalement ses petits camarades (on s’en souviendra de Jeremy Renner, LE grand sacrifié de la saga pourtant promis à un bel avenir). D’un autre côté, c’est cette détermination qui fait que la saga ne s’est jamais reposée sur ses acquis, érigeant le « bigger, better & louder » au rang de philosophie entièrement mue par la volonté de Cruise à (se) prouver qu’il est encore une action star totalement vouée à son art et à la célébration de sa personne.
Et c’est bien ce paradoxe, cette impression constante de marcher sur un fil toujours plus ténu qui fait la grande force de la franchise. Plus encore ici alors qu’elle s’aventure sur des terrains plus sinueux et laisse planer une sorte d’aura spectrale tour à tour déconcertante et ébouriffante. Car oui, plus que jamais ce sixième opus traite de la duplicité comme avait pu le faire le premier film signé De Palma, la maestria de la mise en scène en moins, l’ultra spectaculaire en plus. La première partie du film est à l’image du personnage d’August Walker interprété par Henry Cavill : brute de décoffrage, d’une violence sèche, frondeuse et destructrice. Tout y est montré de manière directe, minérale, le film s’autorisant même des séquences de pure violence sans son ou musique pour contrebalancer la brutalité qui se déroule sous nos yeux. Aux antipodes des précédents opus à la tonalité plus « romanesque », Mission : Impossible – Fallout ferait presque office d’OVNI ou plutôt d’anomalie. Plus encore que dans Rogue Nation, McQuarrie monte clairement en gamme dans sa manière de mettre en scène les corps en action sans jamais occulter ce ludisme qui fait la force de la franchise depuis plus de vingt ans. Aussi bien le réalisateur que sa star semblent s’amuser comme des petits fous, redoublent d’ambition dans leurs domaines de prédilection respectif en particulier lors d’une très longue escale parisienne où ils prennent la capitale comme immense de terrain de jeu à ciel ouvert prétexte aux séquences les plus funs de la saga dont une incroyable poursuite automobile destinée à rester longtemps dans les annales. Oui, durant ce laps de temps, Mission : Impossible – Fallout apparait comme un film totalement fou où tout et en particulier l’impensable est possible. En termes d’exécution pure Mission : Impossible – Fallout est une machine d’une redoutable efficacité ne laissant rien au hasard et gardant toujours en tête le plaisir du spectateur via une pelleté de morceaux de bravoure tous plus incroyables les uns que les autres.
Mais aussi réussit soit-il, le film n’est pas exempt de défauts pour autant et a souvent tendance à se perdre dans les méandres d’une intrigue tarabiscotée, artificiellement montée en épingle pour dissimuler une certaine simplicité, voire paresse, qu’elle n’assume pas. En creusant l’exact même sillon que Rogue Nation, le film prend le risque de laisser au spectateur un, voire deux coups d’avance. D’où l’impression parfois de se retrouver devant une œuvre brouillonne qui fait feu de tout bois sans trop savoir pourquoi pourvu que l’ivresse de l’adrénaline soit là pour gonfler Cruise et le public à bloc. Gênant certes mais pas handicapant, car si l’intrigue n’est pas d’une franche originalité, son côté prévisible ne phagocyte jamais vraiment le film qui trouve toujours le moyen de nous surprendre d’une manière ou d’une autre. D’aucuns pourront être lassé par ce jusqu’au boutisme qui a cela de morbide qu’il crée une forme de fascination quelque peu malsaine devant un Tom Cruise qui frôle littéralement la mort un nombre incalculable de fois. D’autres seront plus admiratifs devant cette volonté – certes très égocentrique- de vouloir impressionner le spectateur à tout prix. Une approche à double tranchant mais qui a au moins le mérite d’être efficace car que l’on apprécie Tom Cruise ou non on ne peut qu’être bluffé par ce constant numéro d’équilibre dont le point d’orgue est un final vertigineux qui ne laisse aucun doute sur le degré d’implication de sa star. Oui on peut aisément penser que l’acteur est complètement dingue et que cette propension à vouloir aller toujours plus loin pourrait bien le mettre définitivement sur le tapis un jour. En attendant, Tom Cruise est toujours vivant et bien décidé à (se) faire plaisir quitte à devenir le pire cauchemar des assureurs !
Malgré des défauts évidents de narration, Mission : Impossible-Fallout est un spectacle total, un modèle de blockbuster généreux et galvanisant qui du début à la fin, tient le spectateur en haleine quitte à le laisser totalement lessivé !