Critique : Quartet

 

Un film de Dustin Hoffman. Avec Maggie Smith, Tom Courtenay, Billy Connolly. Sortie le 3 avril 2013.

 

Dustin Hoffman en jeune réalisateur appliqué se frotte aux divas pour une comédie sans surprises mais sereinement assumée.

 

Note : 2,5/5

La prestigieuse pension de Beecham House, réputée pour accueillir musiciens et chanteurs d’opéra de renoms, est frappée par la crise. Le gala annuel pourrait permettre de renflouer les caisses et la rumeur court dans la tranquille campagne anglaise qu’une nouvelle pensionnaire doit rapidement intégrer les lieux. Pour le trio de vieux amis Reginald, Wilfried et Cissy, la surprise est à son comble lorsqu’ils voient débarquer la star Jean Horton, avec laquelle ils ont triomphé dans le passé. Les vieux amis vont tout mettre en oeuvre pour persuader Jean de reformer le quatuor de leur jeunesse.  Parce qu’il n’est jamais trop tard, Dustin Hoffman se lance dans le défi la réalisation. Fort de son expérience d’acteur, tant devant la caméra que sur les planches, il propose avec Quartet  un hommage pétillant aux artistes dans la force de l’âge, questionnant l’Art,  la vie face à la mort, dans le huit clôt de la salle d’attente… La pension de retraite.  Avant le film, Quartet est d’abord la pièce éponyme de l’auteur et scénariste Ronald Harwood ( Le pianiste, Le scaphandre et le papillon, Australia ), lui même inspiré par le documentaire de Daniel Schmid, Le baiser de Tosca. La pièce comme le documentaire avaient su trouver leur public de part leurs propos universels. Assez pour convaincre Harwood d’adapter un scénario pour le grand écran. Dustin Hoffman, l’acteur septuagénaire, s’affirmant homme de la situation pour diriger ses semblables. Un univers  » so british  » envahie pour notre plus grand plaisir la pellicule de la première à la dernière seconde. Bien que nous soyons plus proche du rythme d’un thé dansant que d’un bon vieux tempo rock des bas fonds, la myriade d’acteurs ne manquent pas de se jouer de la désinvolture et d’une certaine excentricité, donnant le coup de fouet nécessaire à une mise en scène d’un classicisme tiré à quatre épingles. Pour ce qui est du propos, le scénario se montre un poil décousu. Parfois trop bavard, notamment dans la première partie du film, parfois trop flottant. Le tout étant sans grandes surprises car on comprend bien rapidement quels seront les enjeux des retrouvailles entre ce quatuor d’acteurs formidables. Hoffman a eu l’intelligence de la distribution. La Master class rassemble de véritables professionnels du spectacle ou de la musique, rendant la frontière entre le réel et la fiction quasi nulle quand il s’agit de questionner la carrière de ces artistes. Le quatuor jovial composé par Maggie Smith, Tom Courtenay, Billy Connolly et Pauline Collins, évolue dans une fourmilière de talents. On croise dans les couloirs de la maison Michael Gambon ou Patricia Loveland, la cantatrice Dame Gwyneth Jones, le trompettiste Ronnie Hughes, ou encore Jumayn Hunter.

 

© Pyramide Distribution
© Pyramide Distribution

 

Un casting éclectique qui met justement en perspective les différentes dimensions de l’Art, notamment dans ce qu’il peut avoir de transgénérationnel, tel une passerelle à la communication. Quartet soulève avec humour et légèreté des questions majeures sur la vieillesse. On comprend rapidement que nous ne sommes pas dans une maison de repos comme les autres mais bien dans un lieu drôlement habité et surtout très privilégié. Le cadre de vie en soi, ressemble davantage à un hôtel de luxe qu’à une maison de retraite médicalisée telle que nous pourrions l’imaginer. Il est ouvert sur la nature et permet à chaque résident de conserver une certaine indépendance, au delà de l’empêchement physique. Le lieu est un élément majeur de la narration tant il est évident que sous une autre forme, il ne permettrait pas l’épanouissement du propos. Au delà du lieu, il est aussi question du vivre ensemble. Hoffman nous présente un trio déjà bien installé, avec ses codes et ses repères. Le personnage de Jean ( Maggie Smith ), est arraché à la solitude de sa vie et malgré sa popularité, doit faire un effort d’intégration nécessaire. Il y a les visites des proches inexistantes, et ces gens qui dans cet environnement au préalable hostile, semblent constituer peu à peu, une nouvelle famille. La maladie est aussi mise en avant mais la comédie remporte toujours la partie, notamment avec le personnage de Cissy ( Pauline Collins ). Ainsi, Hoffman parvient à rendre ces vieux gâteux attachants, sans ne jamais être complaisant. De cette première réalisation ennoblie par la mise en lumière de John de Borman, on retient un propos intègre, relevé par une caméra dignement maitrisée. On regrette un manque de prise de risques en ajoutant en conséquence un manque d’affirmation personnelle du réalisateur dans l’ensemble. A moins que le style Hoffman se place précisément du coté de la sobriété.  Dustin Hoffman nous démontre avec justesse la nécessité chez ces artistes de poursuivre un travail de création pour continuer à exister, plus précisément ici, à travers la musique comme forme d’exaltation. Si Hoffman a souhaité rendre hommage à ces acteurs et à ces musiciens, le pari est réussi. Car au delà des étiquettes et des noms qui tombent du haut de l’affiche, il met en perspective la passion et le savoir faire, transcendant les stigmates de la vieillesse,  comme une gifle aux préjugés. Et c’est ici sans doute, la plus belle réussite du film.

 

Le chic de la révérence. Des plus grandes scènes à la scène finale: La musique à la vie à la mort!