Un film de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett. Avec Melissa Barrera, Jenna Ortega et Courteney Cox. Sortie le 8 mars 2023.
La saga Scream délocalise son action dans la Grande Pomme. Un changement bienvenu ? On en discute le couteau entre les dents… mais le cœur sur la main !
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Un ghostface vaut mieux que deux tu l’auras
Il fallait bien un ghostface pour que Cinevibe renaisse de ses cendres après une longue période de silence agrémentée ici et là par quelques podcasts avec nos amis de Fin de Séance. Alors oui, on aurait pu sortir de notre réserve à l’occasion de Scream V en janvier 2022 mais nous avons préféré la sortie ô combien plus évènementielle de The Batman de Matt Reeves. Mais comme on aime VRAIMENT les films d’horreur, on ne pouvait décemment pas passer à côté de ce nouveau numéro d’équarrissage qu’est Scream VI. De là à dire qu’on aurait mieux fait de jouer à la pinata avec une hache rouillée, il y a un coup de couteau qu’on se gardera bien de donner…enfin pas tout de suite ! Pour mieux comprendre notre sentiment sur Scream VI, une analyse critique de son prédécesseur s’impose. Petit rappel des faits : en 2022, sort Scream qui, derrière son titre trompeur, cachait non pas un remake mais le 5ème chapitre de la saga initiée en 1996 par Kevin Williamson et Wes Craven. Comme pour faire écho au film matriciel, Scream 2022 en reprenait le titre, le décor et le canevas, mettant en scène une nouvelle génération de djeun’s prêts à se faire embrocher menu par un ghostface tout nouveau tout beau. Et comme dans tout bon legacyquel (contraction entre les termes legacy, qui signifie héritage, et sequel/suite) qui se respecte, nos futurs sacs à viande étaient rejoints par le trio historique composé de Sidney Prescott, Gale Weathers et Dewey Riley, ainsi que quelques seconds rôles disséminés ici et là comme autant d’easter eggs. A bien des égards, Scream 2022 avait de furieux airs de Star Wars épisode VII. On y retrouvait cette même structure narrative avec des enjeux dramatiques faussement upgradés mais sensiblement similaires, un personnage principal tiraillé entre un héritage familial honteux et un désir de se ré(inventer), des motifs renvoyant à la saga originelle, et bien entendu [ATTENTION SPOILERS] ce même climax où le père (Han Solo dans Star Wars VII, Dewey Riley dans Scream 2022) est sacrifié pour mieux passer le flambeau à une nouvelle génération [FIN SPOILERS]. Et si au final Star Wars épisode VII était moins une suite qu’une sorte de template pour legacyquels en manque d’inspiration ? Une question que l’on peut légitimement se poser tant la structure narrative du film de J.J.Abrams semble se retrouver dans de plus en plus de productions. La plus évidente étant Scream 2022 qui en serait le pendant horrifique. Mais plutôt que d’évoquer Le Réveil de la Force dont les faiblesses apparaissent de plus en plus évidentes au regard de celles de Scream 2022, concentrons-nous plutôt sur ce dernier. Sous couvert de dénoncer le caractère toxique du fandom, Scream 2022 ne faisait au final que les caresser dans le sens du poil, prétendait désamorcer les attentes pour mieux les combler, bref se voulait disruptif sans jamais casser aucun code. Il y manquait la malice, le ludisme teinté de ludisme (et réciproquement) inhérent aux films originels, lesquels laissent place ici à une forme de roublardise si ce n’est de paresse où le regard ultra distancié et conscient de lui-même annihilait toute implication émotionnelle. Théorisant sans cesse avec une faconde insupportable sur sa pseudo originalité et la nécessité de casser les codes pour satisfaire aux attentes d’un public blasé, le film ne mêlait jamais la pratique à la théorie. D’où l’impression d’assister davantage un fan film de luxe reproduisant bien docilement les motifs de son modèle sans en comprendre la substantifique moelle qu’à une suite qui aurait pris la décision salvatrice de tuer la saga pour mieux la réinventer.

Start spreading the blood
Et pourtant, force est de reconnaitre que Scream VI démarrait plutôt bien à travers une séquence d’ouverture désamorçant judicieusement nos attentes. Le temps d’un premier quart, le spectateur se laisse prêter au jeu, croyant partiellement à la promesse selon laquelle « ce Ghostface est différent ». Le changement de décor y serait-il pour quelque chose ? Oui et non. Non dans la mesure où les réalisateurs ne semblent jamais intéressés à l’idée d’exploiter la topographie de la ville, utilisée ici comme un simple décor là où par exemple, Scream 3 faisait des studios de cinéma où il situait son action un intéressant palais des glaces faisant resurgir la peur des interstices les plus inattendus. Tout du long, et souvent à son détriment, Scream VI nous rappelle combien New York peut être un terrain de jeu formidable pour peu qu’on l’exploite correctement. Et si ce n’est pas tout à fait le cas ici c’est avant tout du fait d’un refus évident d’embraser totalement le changement d’échelle pourtant inhérent à toute suite qui se respecte. Pas plus bigger, better (mais un peu plus louder) que son prédécesseur, Scream VI tendrait davantage du Scream 5 bis tant les deux semblent quasi interchangeables et ne prend jamais en compte ce changement de paradigme dont il ne cesse pourtant de se faire le chantre. En revanche, là où le choix de New York est intéressant c’est dans la manière dont la ville semble imprégner le caractère du tueur. Alors oui, ce ghostface est différent dans la mesure où il est plus violent, vindicatif, que de ses actes ressortent une hargne inédite, un peu comme s’il semblait contaminé par la fiévreuse effervescence de la ville. Malheureusement, toutes ces belles intentions sont tuées dans l’œuf par un traitement superficiel des personnages pour lesquels on ne ressent aucune empathie, à l’exception d’une Jenna Ortega particulièrement douée et qui insuffle à cette nouvelle fournée, le supplément d’âme qui lui fait méchamment défaut. Faute d’une réelle implication émotionnelle pour les personnages, leurs mises à mort réelles, induites ou mises en scène, ne suscitent rien. Il manque à ce Scream la cruauté inhérente aux slashers de manière générale et autres opus de la franchise en particulier. Et ce n’est pas le retour de Kirby Reed (Hayden Panettiere), survivante de Scream 4 sorti il y a dix ans et aussi crédible en agent du FBI que Patrick Sebastien en présentateur de la Grande Librairie, ou encore la courte apparition d’une Courteney Cox botoxée jusqu’à l’os qui parviendra à nous impliquer davantage. Bien au contraire, la présence de cette dernière mais surtout l’absence de David Arquette ne font qu’appuyer ce qui sonnait comme une évidence depuis le début : le couple Dewey/Gale était VRAIMENT ce qui faisait vibrer le cœur de la saga. Désormais exsangue, quasi orpheline de ses membres éminents, Scream n’a d’autre choix que de se réinventer ou mourir de sa belle mort. Au vu des derniers épisodes, on aurait certainement préféré rester sur cette dernière image de Sidney Prescott en paix et en famille à la fin de Scream 3. Pour filer la comparaison et au risque de fâcher, on pourrait dire que ces nouveaux Scream sont aux slashers ce que Stranger Things est aux années 80 : une opération marketing ultra contrôlée, balisée, caressant dans le sens du poil un public qui ne comprend strictement rien aux motifs qui lui sont montrés (si ce n’est les quelques réflexes pavloviens qu’il engendre) tout en essayant de s’allier un autre public, plus vieux, en titillant sa fibre geeko-nostalgique aux antipodes de ce que moquait Kevin Williamson dans Scream premier du nom.
Le gang des tartes
Ce manque d’implication, on le ressent également dans le traitement très superficiel des personnages. A l’exception d’une Jenna Ortega particulièrement douée et qui insuffle un supplément d’âme à l’ensemble, aucun personnage, vétéran ou nouveau n’arrive à susciter une réelle empathie, rendant ainsi caduques émotionnellement leurs mises à mort réelles, induites ou mises en scène, ne suscitent rien. Il manque à ce Scream la cruauté inhérente aux slashers de manière générale et autres opus de la franchise en particulier. Et ce n’est pas le retour de Kirby Reed (Hayden Panettiere), survivante de Scream 4 sorti il y a dix ans et aussi crédible en agent du FBI que Patrick Sebastien en présentateur de la Grande Librairie, ou encore la courte apparition d’une Courteney Cox botoxée jusqu’à l’os qui parviendra à nous impliquer davantage. Bien au contraire, la présence de cette dernière mais surtout l’absence de David Arquette ne font qu’appuyer ce qui sonnait comme une évidence depuis le début : le couple Dewey/Gale était VRAIMENT ce qui faisait vibrer le cœur de la saga. Désormais exsangue, quasi orpheline de ses membres éminents, Scream n’a d’autre choix que de se réinventer ou mourir de sa belle mort. Au vu des derniers épisodes, on aurait certainement préféré rester sur cette dernière image de Sidney Prescott en paix et en famille à la fin de Scream 3. Pour filer la comparaison et au risque de fâcher, on pourrait dire que ces nouveaux Scream sont aux slashers ce que Stranger Things est aux années 80 : une opération marketing ultra contrôlée, balisée, caressant dans le sens du poil un public qui ne comprend strictement rien aux motifs qui lui sont montrés (si ce n’est les quelques réflexes pavloviens qu’il engendre) tout en essayant de s’allier un autre public, plus vieux, en titillant sa fibre geeko-nostalgique aux antipodes de ce que moquait Kevin Williamson dans Scream premier du nom.
Le ludisme teinté de cynisme qui animait la saga matricielle laisse ici place à une paresse tendant un peu trop à devenir la norme. Dommage.