Critique : Star Wars Episode VII – Le Réveil de la Force

 

Un film de J.J. Abrams. Avec Daisy Ridley, John Boyega, Harrison Ford. En salles depuis le 16 décembre 2015.

 

Critique énamourée et sans spoilers d’un opus aussi frustrant qu’enthousiasmant.

 

Note : 3,5/5

 

Depuis hier, Star Wars Episode VII divise les milliers de spectateurs qui ont marqué la date du 16 décembre au fer rouge depuis des mois. Entre les pro, les antis et les mitigés, la Force risque de connaitre bien des chambardements. En clair : il y a ceux qui voient le verre de Fogblaster à moitié vide et d’autres qui le verront à moitié plein. Sur Cinevibe, on a décidé de le voir aux trois quarts plein, on vous explique pourquoi. Fan service… ce mot vous avez dû le lire et l’entendre une bonne centaine de fois chez ceux qui ont eu la chance de voir le film hier. Oui, en effet Le Réveil de la Force fait dans le fan service à outrance, parfois pour le meilleur, rarement pour le pire. En bon fan qu’il est, J.J. Abrams dissémine ici et là les clins d’œil à la trilogie matricielle au point d’y calquer une partie de son intrigue. A la lisière entre suite et reboot, le film ne SEMBLE pas trop sur quel pied danser. Semble car les apparences sont trompeuses : Le Réveil de la Force est plus qu’un fan film ultra luxueux phagocyté par un studio spécialisé dans la reprise de licence. Pour l’appréhender comme il se doit, ce nouvel opus de Star Wars est autant à considérer comme une œuvre destinée aux jeunes générations n’ayant pas eu la chance de grandir avec l’œuvre matricielle que comme un hommage à l’impact qu’elle a pu avoir sur notre cinéphilie à tous. D’où une impression de déjà-vu camouflé sous les apparats du neuf que pourront avoir les fans, rassurez-vous, l’effet de dissonance est normal, il est même voulu. Pour revenir plus spécifiquement au fan service tant décrié par les aficionados, oui il dessert l’œuvre dans la mesure où celle-ci ne s’autorise aucun risque, aucune audace, préférant marcher docilement sur un chemin déjà balisé il y a presque quarante ans. Des nouveaux personnages, sortes de versions condensés des héros originels, aux nœuds dramatiques en passant par des lieux étrangement déjà vus, chaque scène du Réveil de la Force semble faire écho à un moment clé de la trilogie matricielle. C’est justement ce sentiment de familiarité qui fait tout le charme du Réveil de la Force. Aux prouesses techniques mais sans âme de la prélogie, répondent ici un sens de l’émerveillement certain, un véritable cœur mis à l’ouvrage que n’occultent pas certaines maladresses. Comprendre par-là que même lorsque le film se prend les pieds dans le tapis, il parvient à rebondir sur ses pattes, chancelant, hésitant, mais toujours digne. Le film nous installe dans une zone de confort, celle-là même dans laquelle Un Nouvel Espoir nous avait préalablement établi et que la « nouvelle trilogie » de George Lucas peinait à recréer faute d’ingrédients nécessaires pour recréer cette alchimie, cette magie qui rendaient les aventures de Luke Skywalker si trépidantes. Certes, Abrams en fait parfois trop dans le coté révérencieux, mais étrangement aucun clin d’œil même fortement appuyé ne semble trop ostentatoire ou manquant de spontanéité comme si quelque part cet effet miroir se voulait nécessaire.

© 2014 Lucasfilm Ltd.
© 2014 Lucasfilm Ltd.

 

 

C’est ce qui fait aussi le charme du Réveil de la Force : cette multitude de contradictions à la fois émotionnelles et cinéphiliques qui lui confère une aura particulière, presque à part. Le Réveil de la Force peut ainsi être vu comme un opus presque méta auquel Abrams confère un soin particulier, celui de l’enfant devenu artisan qui aura su faire cohabiter les deux à travers une filmographie où efficacité et ludisme seront toujours allé de pair. Encore une fois le film pourra paraitre bien plat et trop écrasé sous le poids de ses références (ce qu’il est très souvent) mais la sincérité avec lequel il a été réalisé, le soin apporté et l’amour infini pour son modèle qui se ressent au détour de chaque plan le rendent profondément attachant. D’autant qu’en grand stratège qu’il est, Disney a eu l’intelligence de s’adresser au SEUL homme capable de poser les bases d’un univers à la fois si différent et si familier. Différent car les héros de la trilogie originelle portent inlassablement les stigmates du temps qui passe, différent car ils passent le relais à une nouvelle génération portée par des personnages forts que nous évoquerons plus tard. Familier car les enjeux que le film pose sont peu ou prou les mêmes que ceux des films originaux, les antagonismes se répondent, seule manque cette aura opératique, shakespearienne, de L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi, gageons que Rian Johnson et Colin Trevorrow sauront pallier ce manque avec les épisodes VIII et IX. Oui, mille fois oui, Le Réveil de la Force ressemble trop à ses ainés, s’acharne à prouver sa filiation au détriment parfois de la narration. Et pourtant si cet écueil pourtant hautement préjudiciable ne l’est pas tant que ça c’est pour la simple et bonne raison que la notion même de transmission est au cœur de cette nouvelle trilogie, l’occulter en créant un tout autre univers, de nouveaux enjeux, bref en jouant la carte du révisionnisme mythologique comme a pu le faire Lucas en son temps, aurait sonné comme un contre sens total. Ici, parler de copier/coller serait réduire le film qui joue davantage la carte du prolongement que de la copie, prolongement du plaisir que ce soit à l’apparition d’Han Solo, du texte défilant d’introduction, l’effet madeleine proustienne fonctionne à merveille. Mais le film ne capitalise pas que sur ça, au contraire, et enthousiasme aussi par des parti pris couillus parfaitement incarnés par de nouveaux personnages aussi forts que charismatiques.

 

Star Wars: The Force Awakens L to R: Finn (John Boyega) and Rey (Daisy Ridley) Ph: Film Frame © 2014 Lucasfilm Ltd. & TM. All Right Reserved..

© 2014 Lucasfilm Ltd.

 

A commencer par la belle Daisy Ridley qui bouffe littéralement l’écran aux cotés de John Boyega. Deux personnages forts dont les fissures à peine cachées, cristallisent parfaitement les ambitions d’un film qui veut mêler l’intime au grand spectacle. Le cœur du Réveil de la Force c’est eux. Si on regrettera la trop grande absence de Poe Dameron (Oscar Isaac), monstre de charisme, synthèse parfaite entre Han Solo et Luke Skywalker, et la relative platitude de Kylo Ren (Adam Driver), bad guy encore trop brouillon, gageons que les deux prochains opus leur donneront la place qu’ils méritent. C’est aussi ça Le Réveil de la Force : une foule de promesses qui le rendent aussi frustrant dans sa propension à ne jamais sortir de l’ombre qu’enthousiasmant dans sa propension à vouloir insuffler un peu de sang neuf sans jamais trahir l’esprit de départ. A cela s’ajoutent une tripotée de plans d’une beauté ahurissante non pas tant pour leur portée iconique qu’esthétique. Car avant d’être un fan boy, J.J. Abrams est surtout un artisan au sens premier du terme qui a tout compris à l’essence du space opera et de Star Wars. Des bons points qui n’arrivent cependant pas à éclipser les nombreux écueils dont souffrent le film qu’ils soient narratifs (le film aurait gagné à montrer la mise en place de certains enjeux plutôt que leur développement) ou purement artistique comme le prouve la partition absolument anodine de John Williams. La prélogie de Lucas avait bien des défauts mais certainement pas celle d’occulter son aura opératique renforcée par les scores sublimes de Williams. Ainsi on pourra reprocher au Réveil de la Force d’être un peu trop aveuglé par sa révérence à la première trilogie sans tenter de tirer les leçons de la seconde. On terminera en arguant que malgré ses nombreux défauts, Le Réveil de la Force a toutefois eu l’intelligence de redonner ses lettres de noblesse au terme de fan service, gangrénée jusqu’ici par le sentiment de toute puissance d’une certaine communauté geek. Rien que pour ça et pour avoir réussi à nous retomber en enfance durant plus de deux heures, on te remercie J.J. !

 

J.J. Abrams ravive avec autant de talent que de maladresses les flammes d’une Force qu’on croyait éteinte à jamais, sacrifiée pour toujours sur l’autel du tour de force technique.