Critique : Super 8

 

Un film de J.J. Abrams. Avec Kyle Chandler, Joel Courtney, Ellen Fanning. Sortie le 3 aout 2011.

 

J.J. Abrams et Steven Spielberg s’associent pour nous conter un récit initiatique fleurant bon les 80’s. Super 8, le E.T . des années 2000 ? Pas encore mais presque !

 

Note : 4/5

 

Fin 2007, J.J. Abrams, teasait à mort sur un énigmatique projet nommé Cloverfield. Quelques mois et une grosse claque plus tard, le geek aguerri ressort ravi mais jure qu’on ne l’y reprendra plus. Les bonnes surprises ça commence à bien faire ! C’était oublier la prédilection du père Abrams pour les mystères bien entretenus. A peine a-t-on le temps de se remettre de l’inévitable fin de Lost, qu’il se rappelle déjà à notre bon souvenir via un nouveau projet poussant encore plus loin le principe de film rébus. Sauf que là les noms de J.J. Abrams et Steven Spielberg cote à cote au sein d’une même œuvre suffisent à intriguer les cinéphages de tous poils. Une séquence choc, un chiffre, on n’en saura pas plus mais l’excitation est à son comble. Il faudra attendre une très belle bande annonce pour entrevoir les tenants et aboutissants de ce Super 8 cryptique. Et encore vous n’avez rien à vu !  Car, vous ne le savez pas encore mais le duo Abrams/Spielberg va  vous embarquer pour un voyage dans le temps. Attachez vos ceintures et allumez vos convecteurs temporels, la balade risque d’être mouvementée !

 

© Paramount Pictures France

 

Situé durant l’été 1979, Super 8 suit les aventures d’un groupe d’ados témoin d’un incroyable carambolage  ayant libéré une force mystérieuse. Un pitch simplissime nous renvoyant directement aux doux enfantillages auxquels des grands adulescents comme Joe Dante, Robert Zemeckis, Richard Donner ou encore Spielberg himself nous avaient habitués il y a de cela vingt ans. Fers de lance de cette mouvance où les turpitudes de l’enfance étaient disséquées sous le microscope du grand spectacle, ils hantent ce Super 8 à la manière de spectres bienveillants, Abrams ayant la très bonne idée de les citer régulièrement au détour de clins d’œil forcément symboliques. D’où l’impression d’assister à un film d’un autre âge à la lisière entre Les Goonies et Explorers. Une filiation loin d’être fortuite tant Super 8 apparaît comme un hommage au sacro saint système D par le prisme du fameux film tourné par nos jeunes héros. A les voir s’agiter et inventer milles artifices pour tenir la dragée haute à Ed Wood, on ne peut s’empêcher de penser aux gadgets extravagants inventés par Data dans les Goonies tandis que le regard empli de tendresse porté ici sur la série B au sens noble du terme renvoie directement à la cinéphilie des héros de Panic sur Florida Beach. L’art de la débrouille et un cœur gros comme ça : voilà comment on pourrait définir Super 8 qui apparaît comme l’un des derniers vestiges d’un cinéma à la fois populaire et intime. En cristallisant son œuvre dans une époque  pas encore gangrénée par l’instantanéité, le réalisateur questionne de manière originale notre rapport au médium et au passé. Abrams, jeune vieux con ? Que nenni. Car si le réalisateur porte un regard rétrospectif que d’aucuns pourront qualifier de dépassé, il se montre diablement moderne dans sa mise en scène comme en témoigne une incroyable séquence de carambolage où le réalisateur parvient à nous impliquer corps et âmes sans jamais quitter ses personnages.

 

© Paramount Pictures France

 

Certes, on pourra aisément dire qu’Abrams prend peu de risques en jouant la carte de la madeleine proustienne. Et c’est en partie vrai tant le charme agit dès l’apparition du logo d’Amblin. Une lune, une bicyclette, un petit garçon et un alien, il n’en faut pas plus pour qu’une espèce de frisson nous traverse pour s’imprimer sur notre rétine, comme un sceau qui ne nous quittera pas durant près de deux heures. Faut-il pour autant en conclure que les dès sont pipés ? Non, car si Super 8 a parfois tendance à se reposer sur ses acquis et à fonctionner en pilote automatique, il ne faut pas oublier qu’Abrams n’ambitionne en aucune manière d’innover mais plutôt de nous embarquer dans une balade nostalgique, une sorte de dimension magique que l’on avait pas atteinte depuis les sacro saintes séances VHS après l’école ! De mémoire, seul Small Soldiers avait partiellement réussi à renouer avec cette candeur malgré une arrivée tardive à l’aune du 2.0. Depuis, l’enfant biberonné aux films de Spielberg fait la gueule attendant que ce dernier veuille bien lui adresser de nouveau la parole. Reste que son influence demeure ici tellement prégnante qu’on vient à se demander qui de J.J. ou de Steven a le plus contaminé le film. A cela, on pourrait répondre que Super 8 est un film d’auteurs au pluriel, nourri des influences et du regard de ses deux papas. Leitmotiv « abramsiens » et « spielbergiens » s’imbriquent avec une belle harmonie, un peu comme si le film représentait un passage de témoin entre le maitre et son élève à l’heure où le premier irrigue chacune de ses œuvres d’une vision toujours plus sombre (adulte ?) du monde et que le second prône plus que jamais le retour à un entertainment ludique. Pas étonnant que ces deux là se soient rencontrés, ils partagent plus d’un chromosome filmique en commun  comme le prouve un final crève cœur, référence directe à E.T. ! J.J. Abrams, fils spirituel de Spielberg ? Définitivement oui !

 

© Paramount Pictures France

 

Enfin, impossible de conclure cette chronique sans évoquer le magnifique cast réuni par Abrams. A commencer par le jeune Joel Courtney, parfait en garçon meurtri par la mort de sa mère. D’une vulnérabilité absolument bouleversante, il porte magnifiquement le film sur ses épaules sans jamais se faire écraser par ses imposants camarades. Un mélange de maturité et d’innocence qui n’est pas sans rappeler un certain Henry Thomas en 1982 ! A ses cotés, Elle Fanning (Somewhere) se montre toute aussi touchante en girl next door juvénile mais néanmoins très mature. Le reste de la petite bande se montre tout aussi truculent, entre le génial Charles (Riley Griffiths), cinéaste en herbe et grande gueule à qui on ne la fait pas, et le rigolo Cary (Ryan Lee) expert ès feux d’artifices foireux, c’est toute une galerie de portraits extrêmement proches de nous qui nous est dévoilé ici. La bande de potes de tous les mauvais coups pour rire c’est eux et qu’est ce que ça fait du bien de retomber en enfance ! Enfin, chapeau bas à Kyle Chandler (Friday Night Lights) personnification même de la classe dans le difficile rôle d’un père ayant du mal à se reconnecter avec son fils. Autant d’éléments qui font de Super 8 un grand divertissement au sens noble du terme et dont les thèmes ne pourront que parler à l’enfant qui sommeille encore en nous. Le Blockbuster avec du cœur existe et il débarque  en salles le 3 aout ! Merci J.J. !

 

A mi chemin entre Cloverfield et un long épisode d’Histoires Fantastiques, Super 8 pourrait bien être l’une des plus belles surprises de l’été doublée d’une très belle parabole sur l’enfance.

 
 

Super 8 – bande annonce 2 (VOST) par Paramount_Pictures_France