Critique : Tango Libre

 

Un film de Frédéric Fonteyne avec François Damiens, Sergi Lopez, Jan Hammenecker, Anne Paulicevich. Sortie le 28 novembre 2012.

 

Bonnie and Clyde and… Sergi Lopez and François l’Embrouille ? Non, vous ne rêvez pas, le réalisateur Frédéric Fonteyne l’a fait !

 

Note : 3,5/5

 

Des têtes d’affiches intéressantes, un « bal » des acteurs inédit et insolite : à première vue, Tango Libre a tout pour plaire. Sauf que… Le trio qui se transforme en quatuor soudé autour d’une figure féminine emblématique, c’est un peu du déjà vu. Fort heureusement, Frédéric Fonteyne, qui voue à travers ce film un hymne à sa danseuse, actrice et scénariste de compagne, se dépatouille des lieux communs et se dépêtre de la caricature facile. Ses personnages en deviennent atypiques et attachants, quoiqu’éloignés de nous. Les codétenus et meilleurs amis Fernand et Dominic se partagent en effet Alice, épouse de l’un et maîtresse de l’autre. La situation se complique encore davantage lorsque JC, le surveillant pénitentiaire des deux braqueurs – interprété par le magistral François Damiens, tenant ici un rôle tragi-comique aux antipodes des « embrouilles » absurdes qui l’ont fait connaître – tombe sous le charme de la belle, qui n’est autre que sa partenaire de tango.

 

Sergi Lopez dans Tango Libre
© Tous droits réservés

 

Le tango, le véritable protagoniste du film et le symbole assumé de l’amour fou, va ainsi sonder les relations ambigües entre les personnages, du mari qui entend reconquérir sa femme en appréhendant en prison les pas de base à la jalousie qui ronge peu à peu l’amant dépressif. Comme le yin et le yang, le feu et la glace, ces copains que tout oppose se complètent, tels les deux faces – rigueur et passion – d’une danse extrêmement complexe. Fonteyne emprunte alors à Bonnie and Clyde la liberté de ton et des personnages mais la comparaison s’arrête ici. Derrière le comportement libertin d’Alice se dissimule une femme qui n’est jamais parvenue à choisir, au point d’impliquer son fils, la paternité des deux hommes de sa vie et de libérer (une fois de plus) des chaines invisibles qui l’entravaient un gars coincé.  Le cinéaste se concentre tout au long du récit sur le regard de ce gardien de prison solitaire, à mi-chemin entre voyeurisme distant et implication concrète, et filme sa progressive mouvance en un « character » (puisque le terme anglo-saxon s’y prête particulièrement bien) à part entière, jusqu’au dénouement, assez cocasse.

 

A travers Tango Libre, un long métrage plutôt original attaché à ses protagonistes maladroits et égoïstes, Fonteyne nous fait partager avec une certaine lucidité une tranche de vie et d’humanité, sans avoir la prétention d’imprégner les mémoires.