Critique : The Prodigies

 

Un film d’Antoine Charreyron. Avec les voix de Matthieu Kassovitz, Féodor Atkine, Thomas Sagols. Sortie le 8 juin 2011.

 

Les enfants rois débarquent en salles pour en découdre avec une société inhumaine. Ca va charcler !

 

Note : 3/5

Plutôt discret depuis l’excellent Renaissance en 2006, le film d’animation français tendance vener’ revient en force avec The Prodigies, projet ultra ambitieux s’il en est et détonnant forcément dans un paysage cinématographique national peu coutumier de la chose. Adapté du célèbre roman de Bernard Lentéric,  La nuit des enfants rois, le film s’axe autour de cinq ados pourvus de pouvoirs extraordinaires. Réunis par  Jimbo, congénère adulte au sombre passé, ils vont enfin prendre conscience de leurs aptitudes et former une alliance peu commune. Une nouvelle race de héros est née ? Pas tout à fait tant ces chères têtes blondes ont plus à cœur de prendre leur revanche sur une société qui leur a méchamment marché sur les pieds. Nihilistes les Prodigies ? On le serait à moins !  Plus proche de Scanners que de Watchmen (faut pas déconner non plus !), le film d’Antoine Charreyron n’est clairement pas à mettre sous tous les yeux. A la question « The Prodigies est-il dérangeant ? », le film répond par un oui franc et massif via des séquences d’une violence rare que les quelques envolées fantasmagoriques n’arrivent pas à tempérer. Un aspect qui ne devrait pas choquer les fans du livre original (même si certains passages ont été édulcorés dixit le réalisateur) mais qui pourrait surprendre quiconque s’attendrait à une version cell shading et teen de X-Men. En cela, The Prodigies fait plaisir à voir dans la mesure où il renoue avec une certaine maturité du film d’animation, peu exploité dans le giron du cinéma de genre.

 

 

© Warner Bros Pictures France

 

C’est peu dire que le film se montre visuellement très impressionnant, brassant ici et là moult influences graphiques puisées un peu partout, du jeu vidéo à la peinture contemporaine en passant par les films du Nouvel Hollywood. Esthétiquement, l’univers crée par Charreyron et Viktor Antonov (designer sur Half Life 2) est d’une densité étourdissante avec en tête de gondole un New-York criant de vérité. Chaque détail y est scruté au pixel près( le placement de produit y est roi !)  si bien qu’on en vient à regretter que certains personnages se montrent totalement figés dès lors qu’ils figurent au second plan. Un détail, certes dérangeant mais pas assez pour nous sortir d’un film qui mise avant tout sur l’immersion. Cela grâce à une 3D fort bien utilisée (la séquence d’ouverture est juste incroyable !) qui marque très certainement la meilleure utilisation du procédé depuis Avatar et le vertigineux Dragons. C’est l’un des gros points forts du film qui capitalise avant tout sur une forte identité visuelle à laquelle on est en droit d’adhérer ou pas. A l’image de Renaissance, il est question d’embarquer le spectateur pour une expérience graphiquement atypique et donc forcément plus exigeante que nombre de ses prédécesseurs. Une fois ce constat intégré on ne peut que se rendre à l’évidence : The Prodigies est une pure claque visuelle !

 

 

© Warner Bros Pictures France

 

Reste qu’en dépit de ses nombreuses qualités et d’un cahier des charges dument rempli, le film n’en demeure pas moins prisonnier de son concept d’animé hardcore blockbusterisant. Issu de l’univers du jeu vidéo, le réalisateur  Antoine Charreyron reproduit certains tics agaçants au point de faire ressembler certaines ses séquences à de véritables cinématiques où l’absence de pad se fait douloureusement ressentir.  De même, les quelques raccourcis scénaristiques –parfois gênants- dont usent les scénaristes Alexandre de la Pattelière et Matthieu Delaporte annihilent partiellement toute implication émotionnelle. Dommage tant certaines intrigues parallèles étaient plus qu’intéressantes et déroulaient des enjeux à la limite du franchement malsain. On en vient dès lors à regretter que le film se focalise un peu trop sur Jimbo (interprété par un Matthieu Kassovitz à l’interprétation vocale trop monocorde) dont les turpitudes de mentor fucked up font pâle figure au regard de celles de ses protégés. Tout de haine retenue (du moins jusqu’au flamboyant climax final) ils nous renvoient à nos propres frustrations adolescentes renforçant ainsi un malaise ambiant. Quand on vous disait que The Prodigies c’est pas du Disney !
 

Aussi beau visuellement que narrativement imparfait, The Prodigies est une belle expérience qui aurait toutefois gagnée à être moins unilatérale en termes d’émotions.