Un film d’Alejandro González Iñárritu. Avec Leonardo Di Caprio, Tom Hardy, Domnhall Gleeson. Sortie le 24 février 2016.
Un an tout juste après Birdman, Alejandro González Iñárritu revient avec un nouveau film frappé du sceau de la performance.
Note : 4/5
On l’avoue : sur Cinevibe, on n’aime pas trop Inarritu. Tour à tour misérabiliste (Babel), racoleur (Biutiful) ou tout simplement moralisateur (le récent Birdman), ses films se sont toujours planqués derrière l’apparat d’une forme brillante pour dissimuler un fond qui l’était beaucoup moins. Avec son pitch à base de trappeur défiant la mort et les éléments pour se venger de l’homme qui a tué son fils, The Revenant sentait bon le condensé de tout ce que l’on pouvait à la fois adorer et détester chez Inarritu : la platitude du discours alliée à la maestria de la mise en scène. Contre toutes attentes, The Revenant se révèle être – et de loin- le meilleur film du réalisateur de 21 grammes. Pur revenge flick contemplatif et naturaliste, The Revenant marque un tournant dans la filmographie du cinéaste, un moment charnière durant lequel il aura décidé de mettre de côté ses velléités moralisatrices pour se mettre au service du récit. De là à dire que la mise en scène sert la narration, il y a un pas de grizzly que nous nous garderons bien de franchir tant la forme a ici un rôle primordial, voire unique. Car s’il y a bien une notion qui sert ici de leitmotiv à Inarritu c’est l’immersion. Bien décidé à nous immerger totalement dans cet univers brut et aride, le cinéaste multiplie tours de force filmiques et plages plus contemplatives avec une régularité métronomique tout sauf vaine. A bien des égards, The Revenant est un film qui existe pour et par ses performances aussi bien devant que derrière la caméra mais ceci dans l’unique but d’offrir une véritable expérience au spectateur, de le faire ressentir plutôt que voir pour mieux l’embarquer dans une odyssée de laquelle il ressortira à la fois exsangue et euphorique. The Revenant est un film qui se vit plus qu’autre chose et qui invite à regarder au-delà de la simple performance même si celle-ci nous est assenée de façon ostentatoire pendant deux heures trente. Car au-delà de la performance, il y a l’histoire de cet homme à qui l’on a tout pris et que l’amour qu’il porte à son fils assassiné, dernier ancrage à ce qui lui restait d’humanité, ressuscite métaphoriquement. The Revenant est l’histoire d’un homme qui ne pouvait accepter la mort car il n’y trouvait pas la paix, une histoire d’amour et de haine, de mort et de résurrection, une histoire de vengeance en somme dans le sens le plus viscéral du terme.

Ce besoin quasi animal de revenir aux sentiments et besoins les plus fondamentaux se ressent tout du long et c’est qui en fait sa beauté. Alors oui, que ce soit devant ou derrière la caméra, chacun fait dans la performance à outrance, qu’il s’agisse d’un Di Caprio investi corps et âme avec supplément de bave et autres astuces de survie à faire passer Man vs Wild pour un épisode des Teletubbies, ou d’un Inarritu multipliant plans séquences et autres tours de forces vertigineux. Mais voilà : rien de cela ne parait superflu, au contraire. Si l’o pourra reprocher au film, un certain nombre de longueurs, une propension à trop jouer la carte contemplative, substantifiquement rien ne parait ici artificiel. Oui, The Revenant est une machine à Oscars qui carbure à plein régime mais qui – o miracle – fonctionne parfaitement sur le plan émotionnel et narratif couplés à une mise en scène vertigineuse, parfaite dans son versant ostentatoire. Comprendre par-là que le récit et les thématiques qu’elles charrient justifient parfaitement cette forme et ce ton. The Revenant se devait ainsi de correspondre à une certaine forme de minéralité à laquelle metteur en scène et acteurs répondent parfaitement. Ici chacun est à sa place : l’obsession tyrannique d’Inarritu pour la perfection ou les acteurs Di Caprio, Hardy, Gleeson, tous parfaits. Mais The Revenant, bien que se revendiquant tel quel, n’est pas parfait. Outre ses multiples longueurs, le film gène par ses œillades un peu trop appuyées à Jeremiah Johnson ou Le Nouveau Monde auquel il emprunte d’ailleurs le chef opérateur Emmanuel Lubezki dont le travail très spécifique sur l’image relève ici du travail d’orfèvre. Parfois trop prisonnier de ses références, le film peine parfois à se forger une identité propre et si d’artificialité il faut parler ici elle ne réside ni dans la mise en scène ni dans le jeu des acteurs mais dans ce jeu des 7 différences avec les films précités. Dommage, car s’il avait davantage revendiqué sa singularité The Revenant aurait facilement pu se hisser au panthéon des grands classiques du cinéma. On retiendra au final, un travail très appliqué aussi beau formellement qu’ultra référencé.
Une fois encore Inarritu ne fait pas dans la demi-mesure et pond une œuvre totale que l’on adulera ou détestera mais n’a pas cédé à la facilité du discours moralisateur et racoleur dont il était coutumier jusque-là.