Un film de Kenneth Branagh. Avec Chris Pine, Keira Knightley, Kevin Costner. En salles dès le 29 janvier 2014.
Kenneth Branagh laisse au placard ses marottes shakespeariennes pour s’attaquer au plus célèbre analyste de la CIA dans un reboot honnête mais perfectible.
Note : 3/5
Crée par le romancier Tom Clancy en 1986, le personnage de Jack Ryan est apparu la première fois au cinéma sous les traits d’Alec Baldwin dans A la poursuite d’Octobre Rouge avant d’adopter le flegme d’Harrison Ford dans Jeux de Guerre et Danger immédiat. Il faudra attendre 2002 pour que le célèbre analyste ait droit à un petit coup de polish avec La Somme de toutes les peurs où il prend l’apparence de Ben Affleck. Après 12 ans de silence radio cinématographique, Jack Ryan qui, entre temps, n’aura pas chômé en librairies (il apparaît dans pas moins de 13 ouvrages depuis sa création en 1986) on remet les compteurs à zéro. Arborant le regard bleu azur de Chris Pine, ce Jack Ryan 2.0 reste le boy scout droit dans ses bottes que nous avons toujours connu à la différence près qu’il n’a plus la même assurance et maturité. Et pour cause puisque The Ryan Initiative joue la carte, o combien arrangeante, de l’origin story. Si la démarche consistant à faire de Jack Ryan un personnage contemporain au lieu – pourquoi pas – de faire apparaître son fils Jack Ryan Jr lui aussi héros d’une série de livres écrits par Tom Clancy, peut être sujet à caution, nos doutes sont rapidement balayé d’un revers de main par une intrigue plus intelligente qu’elle n’en a l’air. Dans The Ryan Initiative, le célèbre analyste doit contrecarrer les plans d’un oligarque russe bien décidé à faire vaciller l’économie américaine pour qu’elle entraine le monde dans sa chute. Une odieuse machination qui s’accompagne d’une autre encore plus terrifiante.

Un postulat assez simpliste, qui, sous son dehors ultra manichéen, cache un propos finalement pas si bête que ça. En convoquant à la fois les spectres de la crise financière et ceux de la Guerre Froide, les scénaristes David Koepp et Adam Cozad font de ce Ryan Initiative un film symptomatique de son époque où les informations défilent vitesse grand V et dans lequel les menaces, toujours aussi terrifiantes, prennent de nouveaux atours en phase avec les préoccupations actuelles. Et c’est toute l’intelligence d’un script qui érige ainsi la finance en nouveau géant aux pieds d’argile, sorte de cheval de Troie prêt à imploser. Désormais c’est sous la forme d’algorithmes que se présentent les nouvelles armes de destruction massive. Cette dichotomie fascinante entre menace actuelle (le monde de la finance) et passée (les méchants russes) donnent au film un cachet singulier. Malheureusement, passé une première partie efficace, The Ryan Initiative finit par tourner en rond et ne parvient pas à transformer complètement l’essai. Là où des séries comme 24 heures chrono ou encore Homeland avaient su habilement jouer de peurs très contemporaines en leur donnant une réelle ampleur, The Ryan Initiative se contente de rester l’œil vissé sur le petit bout de la lorgnette sans jamais mettre son fascinant propos en perspective. Un manque d’implication (d’ambition serait-on tenté de dire) qu’on serait tenté d’imputer à son réalisateur. Si Kenneth Branagh parvient à insuffler sa patte notamment à travers son personnage de méchant, à mi chemin entre le bad guy bondien et le Gordon Gekko de Wall Street, et une savoureuse scène de briefing conjugale, le cinéaste ne semble pas très à l’aise avec un genre qu’il aborde pour la 1ère fois en tant que metteur en scène. Techniquement, l’homme fait son boulot mais on le sent, une fois n’est pas coutume, davantage mu par les protagonistes que par leur inscription dans l’action. Louable en soi, encore aurait-il fallu qu’un juste dosage entre l’intime et le spectaculaire eut été trouvé. Symptomatique de cet état de fait, les traitements réservés à Kevin Costner et Keira Knightley injustement sous exploités. Plus audacieux, cet énième reboot aurait pu se révéler une réelle surprise, il faudra se contenter ici d’un film d’espionnage correct aux enjeux géopolitiques passionnants mais jamais exploités à fond.
Agréable à suivre, The Ryan Initiative est une tentative louable de revigorer le personnage phare de Tom Clancy.