Critique : Transcendance

 

Un film de Wally Pfister. Avec Johnny Depp, Rebecca Hall, Paul Bettany. Sortie le 25 juin 2014.
 
Le chef op’ de The Dark Knight Rises s’essaye à la réalisation mais accouche d’une œuvre manquant singulièrement d’ampleur au regard de son ambitieux sujet.
 

Note : 1,5/5

 

Véritable classique dans lequel le cinéma de S.F. – et avant lui la littérature – puise quand il est manque d’inspiration, le transhumanisme (mouvement prônant l’usage des sciences et techniques pour améliorer les capacités physiques et intellectuelles de l’Homme) a toutefois donné naissance à quelques exemples parmi lesquels le cultissime Ghost in the shell. Avec son intrigue digne d’un épisode d’Au delà du réel voyant un scientifique (Johnny Depp) transférer son esprit dans l’ordinateur super intelligent qu’il a lui même créé afin d’échapper à une mort inévitable, Transcendance avait de quoi exciter le cinéphile en manque de récit utopique bien flippant ! D’autant qu’on voyait bien ce qui a pu pousser Wally Pfister, chef op’ attitré de Christopher Nolan, à en faire son premier film en tant que réalisateur, lui qui a toujours défendu l’usage de la pellicule à l’heure où l’industrie cinématographique ne jure que par le sacro saint numérique. Artisan de l’image dans sa forme la plus élémentaire, ce lauréat d’un Oscar pour son travail sur Inception avait enfin trouvé le sujet adéquat pour cristalliser ses craintes sur la vampirisation de l’homme par la technologie et l’abandon de l’authentique au profit d’une certaine forme d’artificialité. Pour toutes ces raisons et bien d’autres, Transcendance et son pitch aux accents fortement asimoviens s’annonçaient sous les meilleurs auspices. Mais alors pourquoi ce premier essai – somme toute courageux et ambitieux- de Wally Pfister, a-t-il finalement buggé pour ses perdre dans les méandres de l’abstraction 2.0. ? La réponse est PRESQUE dans la question. En effet, la première chose qu’on pourrait reprocher à Transcendance est son manque flagrant de ligne directrice.

 

 

© SND
© SND

 

Peu aidé par un script truffé de trous narratifs béants, Pfister hésite constamment entre diabolisation et déification de la technologie pour finalement se perdre dans un message final écolo crétin enfonçant des portes ouvertes, ne parviendra pas à rehausser. Naviguant à vue sans jamais s’assumer un point d’ancrage, le film multiplie les pistes intéressantes sans jamais les explorer. Pire, en jouant la carte du discours consensuel (ni pour ni contre la technologie pour peu que ça rende les arbres plus verts), le long métrage finit par désamorcer tous ses enjeux dramatiques rendant l’ensemble bien terne. On se souvient qu’en 1992, Brett Leonard avait déjà pointé les dangers de l’alchimie virtuelle en se basant sur un canevas presque similaire avec le plutôt efficace Le Cobaye. Mais alors que ce dernier, outre ses effets spéciaux révolutionnaires pour l’époque, avait l’intelligence de montrer son personnage titre changer graduellement pour devenir un dieu numérique ne faisant plus qu’un avec la machine grâce à un programme de réalité virtuelle, Transcendance, lui, ne prend jamais le temps de développer ses protagonistes ne cultivant l’ambiguïté que de façon timide et très superficielle. Ainsi, difficile de s’attacher au couple Rebecca Hall/Johnny Depp tant les personnages qu’ils incarnent apparaissent opaques et totalement à la merci d’un scénario qui ne sait clairement pas quoi faire d’eux. Idem pour Paul Bettany et Kate Mara, injustement réduit au stade de pantins sans aucune épaisseur. Dommage, car nanti d’une véritable personnalité, Pfister subissant l’influence encore bien écrasante de Christopher Nolan, Transcendance aurait pu devenir un bon petit film de S.F. parano. Malheureusement à trop hésiter entre ça et la romance 2.0., il finit par se perdre dans le tapis et rend aussi son « twist » final théoriquement beau très inepte. Reste un sujet passionnant et quelques fulgurances malheureusement annihilées par un rythme en dents de scie. Pour leurs baptême du feu, force est de reconnaître que Wally Pfister et le scénariste Jack Palgen se sont attaqués à un sujet bien trop ambitieux et effrayant pour eux.

 

Abscons et approximatif, Transcendance roule de façon beaucoup trop pépère sur des rails vacillants. Dommage.

 

 



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