Ponctuellement, Cinevibe vous proposera des critiques de films inédits ayant fait le tour des festivals sans toutefois atterrir dans nos salles obscures. Pour ce premier numéro, Elli Mastorou vous parle de Trust, nouveau film du friend David Schwimmer, récemment présenté au dernier Festival du Cinéma américain de Deauville.
Un film de David Schwimmer. Avec Clive Owen, Catherine Keener et Viola Davis. INEDIT
Quand une figure emblématique de la télé US des années 90 passe derrière la caméra, le résultat mérite qu’on lui fasse confiance.
NOTE : 4/5
Annie a des longs cheveux bruns qui lui arrivent jusqu’à la taille, des yeux bleus qui pétillent, et des doigts qui maîtrisent la discussion par clavier d’ordinateur interposé à la perfection. Annie vient de fêter ses quatorze ans en famille, et ses problèmes sont typiquement ceux d’une adolescente vivant dans la banlieue de Chicago en 2011 : être invitée à la soirée de la fille cool du lycée, apprendre à embrasser, intégrer l’équipe de volleyball. En bonne enfant du siècle, son principal outil de communication est son nouvel ordinateur. Chat, poke, LOL, BRB et autres <3 constituent la terminologie d’un univers que ses parents, malgré leur bonne volonté et leur enthousiasme, ne comprennent pas et dont ils ne font pas partie. Ils ne se méfient pas conséquent pas de l’ampleur que peuvent prendre des mots virtuels apparaissant sur une fenêtre de conversation…ni du piège qui attend Annie au détour d’un téléphone qui vibre dans le creux de sa poche.
Loin des clichés alarmistes sur les prédateurs anonymes et du téléfilm basé sur des faits divers glauques, David Schwimmer conte avec Trust l’histoire d’une famille terrassée par un événement douloureux qui l’affectera à jamais. Autour d’Annie gravitent son père (Clive Owen), un publicitaire dont le travail prend parfois le pas sur sa vie personnelle, sa mère (Catherine Keener), son grand frère en partance pour l’université, sa petite sœur… mais aussi les copines, la tante, les enseignants du lycée, la psy… Le réalisateur prend le temps de s’attarder sur chacune de ces entités qui, à leur manière, ont leur rôle à jouer et seront affectées par le drame que va vivre la jeune fille, et sont autant de piliers portant l’histoire. Ils permettent à Schwimmer d’explorer la palette du comportement humain face au tragique, de la colère du père au déni de sa fille en passant par le désespoir et l’incompréhension des proches.
Un émoi contrastant avec la douceur familière du foyer suburbain au papier peint défraîchi dont l’ambiance fait penser aux films de Noah Baumbach, dont le premier long Les Bergman se séparent avait une façon similaire de dépeindre un drame familial dans des maisons aux rideaux baroques et aux étagères pleines de livres sur les murs. Le réalisateur, qui n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il a commencé sa carrière derrière la caméra en réalisant une dizaine d’épisodes de Friends dont il était un des protagonistes (dois-je le préciser ?), fait preuve d’une certaine ingéniosité dans ses choix de mise en scène (les conversations du chat font parfois irruption à l’écran) et joue sur la dimension méta-filmique de l’œuvre par l’insertion brève mais efficace du point de vue d’une seconde caméra insoupçonnée.Prenant et efficace pendant ses deux premiers tiers, le film s’essouffle un peu dans sa troisième partie en s’embourbant quelque peu dans des dérives narratives aux limites du mélodrame. Heureusement, la justesse des dialogues et l’efficacité d’une mise en scène fluide et maîtrisée sauvent les meubles, et concluent vers une impression globalement positive. Au final, Trust , c’est l’histoire d’une fille qui n’avait peur de rien, pour reprendre les mots de son père. Comme son titre l’indique, l’excès de confiance peut être malencontreusement pris pour de l’amour, mais il faut être vigilant : les deux sont parfois aveugles.