Critique : Venom

Un film de Ruben Fleischer. Avec Tom Hardy, Riz Ahmed, Michelle Williams. Sortie le 10 octobre 2018.

 

Tom Hardy ne sait plus où donner de la tête dans un film d’anti-héros méchant mais pas t(r)op.

 

Note : 2/5

 

« Quand je sortirais, ce sera un carnage ! » cette phrase issue de l’une des séquences post-génériques de Venom résume plutôt bien ce qui attend le film à sa sortie mercredi prochain. A l’heure où la MCU nous abreuve de super-héros interchangeables, que DC navigue à vue au point de frôler le naufrage à chaque fois, voir arriver dans nos salles un anti-héros plus enclin à bouffer des têtes qu’à virevolter dans tous les sens au rythme d’un montage syncopé et totalement inepte, sonnait comme un doux répit pour nos yeux et nos cerveaux de spectateurs gavés. En s’attaquant à Venom, l’un des anti-héros les plus charismatiques de l’univers Marvel, Sony semblait vouloir faire sonner une voix dissonante. Et quel meilleur interprète que le « chien fou » Tom Hardy pour donner corps à cet anti-héros, meilleur ennemi et miroir déformant de Spiderman ?  Une idée d’autant plus riche que le comédien est habitué à camper des personnages borderline tendus comme un arc aussi bien capable de vous décocher une droite massive qu’un sourire enjôleur la seconde d’après. Un certain temps, Venom suscite de vagues espoirs, intrigue même lorsque sort Life, film de SF horrifique présentant une bestiole ressemblant étrangement au symbiote de Venom. Sony serait-il en train de créer son propre univers au nez et à la barbe de Marvel ? Que nenni, cette théorie de fan aussi grisante que logique ne dépassera jamais ce stade, le studio n’ayant à priori pas le même esprit corporatiste que son associé Marvel. A priori Venom partait sous de bons auspices malgré la présence derrière la caméra de Ruben Fleischer, jeune espoir s’étant fait remarquer avec l’ultra hypé Bienvenue à Zombieland avant de se ratatiner avec le très mauvais Gangster Squad. Jusqu’ici tout allait plutôt bien… du moins jusqu’à ce que la bande annonce déboule, que la classification PG-13 se confirme et qu’en pleine promo l’ami Hardy avoue que 40 minutes de film ont été coupées parmi lesquelles se trouvent ses scènes favorites. Et on comprend mieux le désarroi du bonhomme tant Venom se révèle être tout ce que sa poussive bande-annonce laissait augurer : un produit fade, formaté, expurgeant toute la noirceur de son personnage titre pour ne pas choquer les têtes blondes auxquelles il s’adresse sans jamais vraiment l’assumer. Aussi imparfait fût-il, le Spiderman 3 de Sam Raimi avait au moins le mérite de faire de son Venom un antagoniste suffisamment intéressant pour qu’on s’y intéresse.

 

Sony Pictures
 
 

Dans le comics original, Venom est un personnage ambigu né de la rencontre (ou plutôt fusion) entre Eddie Brock, journaliste tombé en désuétude après avoir bidonné un article, se réfugiant dans le sport et la colère pour échapper à un cancer qui le ronge et une entité extra-terrestre ayant la fâcheuse habitude de se coller à ses hôtes pour mieux les consumer. Ici, Brock est un émule tatoué et costaud d’Eddie Lucet, soucieux d’aider son prochain aussi courageux devant une caméra que lâche derrière, et qui trouvera dans le symbiote le courage nécessaire pour rendre justice sans toutefois renier son humanité. En faisant fi de toute l’ambigüité morale inhérente au matériau d’origine, Venom loupe le coche transformant ce qui s’annonçait comme une origin story dark en une sorte de comédie horrifique où un Tom Hardy cabotin doit composer avec un parasite alien qui ne sait pas trop se tenir. Et Venom de se transformer alors en comédie horrifico-schyzo se situant quelque part entre La personne aux deux personnes et le nanar interstellaire Mac&Moi saupoudré d’un soupçon de The Mask pour les grimaces en CGI ! Brouillon aussi bien dans son écriture que dans sa mise en scène, Venom ne procure aucun réel plaisir, se laisse suivre sans passion ni intérêt malgré de très rares séquences efficaces (dont une plaisante course poursuite) pour s’achever sur un bougliboulga numérique qui atteste du caractère schizophrène (dans tous les sens du terme) de la chose. Et quand on se rend compte que le meilleur moment du film est [ATTENTION SPOILER] une séquence du film d’animation Spider-Man : New Generation qui sortira en décembre prochain et présenté ici en post-générique, on ne peut que constater combien Venom est à côté de la plaque ! [FIN SPOILER], juste un pion de plus dans l’immense échiquier Marvel. En l’état mieux vaut se jeter sur Upgrade ( en salles depuis le 3 octobre), petite série B racontant elle aussi l’histoire d’un homme infecté par une entité (électronique celle-ci) lui conférant de super-pouvoirs mais mise en scène de manière beaucoup plus frontale et ludique avec un budget vingt fois inférieur.

 

Plus que de la colère, Venom suscite une indifférence polie tant son manque d’identité, de tonalité propre, peinent à le faire sortir du lot. Reste l’implication d’un Tom Hardy cabotin mais pro.