Critique : White Bird

 

Un film de Gregg Araki. Avec Shailene Woodley, Eva Green, Christopher Meloni. Sortie le 15 octobre 2014.

 

Gregg Araki retourne dans sa zone de confort dans ce qui pourrait s’apparenter à un best of light de ses œuvres. Décevant.

 

Note : 2/5

 

Gregg Araki est un drôle de gars : sévissant depuis presque trente ans, le réalisateur s’est fait connaitre grâce à des œuvres aussi emblématiques que The Doom Generation, Nowhere ou encore Mysterious Skin. Et alors qu’on le croyait définitivement perdu dans les limbes de la comédie régressive avec le pénible Smiley Face, voilà qu’il parvenait à nous surprendre encore avec l’iconoclaste Kaboom, sorte de croisement improbable entre les univers de David Lynch et de David DeCoteau. C’était en 2010 et on se disait qu’en dépit d’un petit accident de parcours, l’univers d’Araki était encore bien présent, diluant mais vivant au sein d’un univers en perpétuel mutation. A 50 ans, le papa de Splendeur était enfin sorti de sa zone de confort (Mysterious Skin représentant son chant du cygne) était enfin sorti de sa zone de confort sans se renier dévoilant par là même un intéressant champ des possibles. Quatre ans plus tard, le cinéaste se rappelle à notre bon souvenir avec White Bird qui suit le parcours initiatique d’une jeune fille, Kat (Shailene Woodley), son éveil à la sexualité, à la vie, alors même que sa mère (Eva Green) disparait mystérieusement. Devant composer avec des sentiments nouveaux et contradictoires, Kat est alors hantée par des rêves qui l’amèneront à se poser des questions sur les véritables circonstances de la disparition de sa mère. La vie, l’amour, la mort… des thèmes universels qu’Araki traite ici avec retenue, traversant le voyage intérieur de son héroïne de séquences oniriques qui ne sont pas sans rappeler Mysterious Skin. Avec White Bird, Gregg Araki fait ce qu’il sait faire de mieux … mais light. Comprendre par-là que si son film contient tous les ingrédients à sa filmographie (photo ultra léchée, mélancolie ambiante, sur esthétisation de la sexualité et des corps…) c’est pour mieux habiller, voire dissimuler, une intrigue d’une franche banalité. D’aucuns diront que l’intérêt de White Bird ne réside pas là mais dans son exploration de la féminité qu’elle soit en voie d’éclosion (Kat) ou d’extinction (sa mère). Seulement voilà : même sur ce terrain-là le film ne raconte rien de bien nouveau, réduisant les turpitudes de ses deux personnages principaux féminins à une somme de clichés.

 

 

© Why Not Productions
© Bac Films

 

Là où The Doom Generation et Nowhere parvenaient à être percutants dans leur approche du spleen adolescent notamment par le prisme de la sexualité, White Bird est beaucoup plus sage, inconséquent même, préférant marcher bien docilement sur les traces du mélo à la Sirk plutôt que de faire preuve d’une quelconque audace. Araki nous sert ici une sorte de maxi best-of calibré pour la critique en manque de teen movie auteurisant. L’enrobage est joli, l’atmosphère aérienne et confortable à souhait mais l’ensemble demeure beaucoup trop lisse pour n’évoquer qu’un intérêt de posture. Et ce n’est pas le twist final, aussi impromptu que ridicule et n’ayant d’autre utilité que de servir la soupe aux fans du cinéaste, qui inversera la tendance. Restent toutefois de très beaux moments de grâce (les rêves de Kat) et un casting très impliqué. Nouvelle coqueluche d’Hollywood, Shailene Woodley se révèle très convaincante dans le rôle principal. A ses côtés, Shiloh Fernandez (bad boy en mode endive dans Le Chaperon Rouge et Evil Dead) est étonnamment bon en petit copain dépassé et un peu bête. Mais la véritable « révélation » du film reste Eva Green. Sacrée « plus belle caution nanarde » depuis 300, la chute d’un Empire et plus récemment Sin City, j’ai tué pour elle, la comédienne renoue avec le charme et l’excellence de ses premiers rôles en saisissant à la perfection les multiples facettes d’une femme ternie par la vie. Tour à tour vénéneuse et vulnérable, insupportable et touchante, l’actrice est ici extrêmement bien exploitée par un Gregg Araki bien décidé à en faire l’incarnation même de la vraie Desperate Housewife. Et s’il ne fallait au final qu’une raison de s’attarder voir White Bird elle résiderait là, dans ces scènes qu’Eva Green vampirise littéralement insufflant une fascination salutaire au sein d’un ensemble beaucoup trop sage.

 

Parce que l’univers d’Araki reste intéressant même sous Prozac, White Bird devrait attirer son lot d’afficionados. Reste à savoir s’ils seront totalement séduits par ce qui restera une œuvre mineure dans la filmographie du cinéaste.