J-2 avant le retour à Paris et début du compte à rebours final pour cette nouvelle édition aux airs de montagnes russes. Tic, tac,tic, tac….
Jour 7 : Grandes gueules et petites bêtes
Plus que jamais, le réveil a été difficile en ce jeudi matin où se rappellent encore à notre bon souvenir les conversations enflammées dont l’Académie de la bière a été le théâtre. Pas de quoi cependant nous décourager à aller voir le très attendu Nos héros sont morts ce soir. Quelques heures plus tard, verdict quasi unanime : le film de David Perrault est certainement l’un des plus beaux du festival. Nimbé dans un noir et blanc sublime, ce voyage poétique dans un Paris entre fantasmagorie et nostalgie interroge brillamment la notion de mythe, emprunte à différents genres sans tomber dans le trop plein référentiel pour mieux se créer une identité propre. A la fois film noir, poème noir et chronique d’une amitié qui se délite, Nos héros sont morts ce soir intrigue, charme et détonne totalement dans un paysage cinématographique français parfois trop convenu. Un vrai coup de cœur renvoyant à différents pan du 7ème art et dont on ressort avec l’impression d’avoir fait un rêve aussi beau qu’incandescent. Changement de ton et de lieu avec The Station, sorte de version teutonne de The Thing dans lequel des scientifiques allemands découvrent en pleine montagne une race de mutants. Plutôt généreux mais assez foutraque, ce monster movie allemand respecte plutôt bien son cahier des charges. S’il cède parfois trop à l’hystérie, il n’en demeure pas moins très efficace grâce à son impressionnant bestiaire. Le gros morceau de la journée (du moins pour la compétition officielle), ce fut bien entendu Big Bad Wolves d’Aaron Keshales et Navot Papushado à qui l’on devait Rabies présenté il y a déjà deux ans à Strasbourg. Moins abscons que son petit frère, ce vrai/faux torture porn israélien détourne allégrement les codes du genre via un humour glaçant qui pourra en déconcerter plus d’un. Beaucoup plus subversif et intelligent que son sujet ne le laisse présager (un père de famille, ancien soldat posté au Liban, kidnappe et torture le meurtrier présumé de sa petite fille), Big Bad Wolves crée un malaise diffus et se fait le reflet d’une certaine société israélienne. L’intrigue n’est ici qu’un prétexte pour dresser une réflexion sur l’usage même de la torture d’autant plus impactant qu’il s’inscrit dans un contexte géo politique bien précis et dont il a parfaitement conscience. Jamais vraiment complaisant malgré des scènes de torture assez dérangeantes, il est l’anti Saw par excellence, un faux film de torture dressant un état des lieux humain et sociétal cinglant. A coup sur LE coup de cœur de la compétition officielle, voire du festival tout court. Dans le même genre, le dérangeant Cheap Thrills ne détonne pas tellement avec son intrigue à base de « cap pas cap » mortel et fait office de féroce allégorie sur le capitalisme sauvage. Un film coup de poing qui ne tombe quasiment jamais dans son propre piège si ce n’est lors d’un plan final « iconique » mais parfaitement inutile et putassier. Le soir tombe et pour se remettre de toutes ses émotions il fallait bien une tarte flambée…. Ou deux !

Jour 8 : Get Lucky !
Et voilà il fallait s’y attendre : Strasbourg 2013 c’est terminé pour Cinevibe qui s’en va rejoindre Paris histoire de fêter les trente printemps de son rédacteur en chef lors d’une soirée Scrabble/Boogle qu’on annonce déjà mythique ! Alors quitte à partir autant le faire en beauté avec une poignée d’interviews. Mais avant de donner dans la face, jetons un petit coup d’œil sur Dark Touch de Marina de Van. Si le film tend à se répéter souvent et rate totalement son final, il s’en dégage une espèce de charme qui le rend attachant. Pour son nouveau film, il faut bien reconnaitre que la réalisatrice du décrié Ne te retourne pas a soigné sa réalisation et nous offre des plans de toute beauté. Il en résulte une œuvre narrativement faiblarde mais esthétiquement très belle, la cinéaste ayant tiré le meilleur parti de son décor, la campagne irlandaise, pour créer une atmosphère oppressante. Très efficace d’un point de vue technique, le film assez brouillon, ne transcende jamais vraiment sa fonction d’alléchante note d’intention. Paradoxalement, il s’agit peut-être du meilleur film de la compétition internationale dans la mesure où il aborde le genre de manière éminemment plus frontale et premier degré que ses concurrents. A peine sorti de la salle il est l’heure de partir à la rencontre du premier interviewé. Et devinez qui est l’heureux élu ? Bingo : Lucky McKee, venu non seulement en qualité de réalisateur du très fun All Cheerleaders Die mais aussi en tant que président du jury. A peine la dernière question posée, le réalisateur conclut notre entrevue par un très complice « Glad your recorder worked this time !». Car non, ce n’est pas la première fois que les routes de Cinevibe et Lucky McKee se croisent. La première fois c’était il y a deux ans lorsque le cinéaste était venu présenter The Woman. Ce jour là, les 30 minutes qui nous étaient dédiées ont été interrompus à mi-parcours par un « incident de dictaphone » dont nous vous épargnerons les détails mais qui la foutait bien mal pour l’intervieweur. Mais rassurez-vous cette fois tout a fonctionné sur des roulettes et vous pourrez bientôt vous en rendre compte en parcourant le site. Cool, hein ? Mais vous savez ce qui est encore plus cool qu’un dictaphone qui marche ? Un dictaphone qui marche lors d’un entretien avec David Perrault, réalisateur de l’hypnotique Nos héros sont morts ce soir. Une interview passionnante d’une demi-heure durant laquelle le cinéaste parle de ses influences, des difficultés de faire exister un projet aussi singulier, et autres petites choses que vous pourraient découvrir bientôt en détails sur notre site. L’affaire rondement menée, votre serviteur profite de ces dernières heures à Strasbourg pour gouter une dernière fois aux joies de la cuisine locale tout en discutant avec David Huriot, l’un des nombreux bénévoles du festival. Car le festival ne se limite pas à une rasade de films de genre engloutis en quelques jours, c’est aussi des rencontres, toutes plus sympathiques les unes que les autres, une ambiance conviviale aux cotés de gens souvent aussi passionnants que passionnés (mais y a des exceptions hein !) et qu’ils nous tardent de revoir l’année suivante pour des débats toujours aussi enflammés autour de tartes flambées à point !

Refermons la parenthèse nostalgique pour revenir au point noir de la journée : Love Eternal. Noir par le sujet convoquant tendances suicidaires et nécrophiles (mais sur un ton « léger » qu’on cherche encore) et son ambiance sinistre où le glauque prend constamment le pas sur l’aspect romantique. On y voit un jeune homme au teint blafard assister aux suicides de femmes visiblement déprimées avant de prendre leurs corps pour y simuler une vie de couples entre conversations futiles et galipettes au lit. Est-ce que ça se finit bien ? Impossible de le dire car l’auteur de ses lignes, fatigué par une telle redondance macabre, a quitté la salle au bout d’une heure. Oui, on sait c’est pas bien et Love Eternal pourrait être une petite perle qui dévoile tous ses trésors cachés dans sa dernière minute, mais franchement la vision du héros relookant un cadavre façon Sophie Marceau dans La Disparue de Deauville a eu raison de notre patience. Love Eternal ou le film qui fait dire que la vie est trop courte ! Un dernier adieu à l’équipe du festival et nous voilà déjà à bord du train à destination de Paris. Gageons que dans 358 jours nous serons de retour pour une nouvelle plongée au cœur des mystères de Strasbourg.
Tableau de notes
Big Bad Wolves : 4/5
Nos héros sont morts ce soir : 4/5The Station : 3/5
Cheap Thrills : 3,5/5
Dark touch : 3,5/5
Nos favoris du FEFFS 2013
Compétition internationale
– Big Bad Wolves
– Dark Touch
– Bad Milo

Crossovers
– Nos héros sont morts ce soir
– Cheap Thrills

Midnight Movies
– Big Ass Spider
– The Battery
– V/H/S/2

Documentaires
– Rewind This !

Séances spéciales
– All Cheerleaders Die

Les ratés
Compétition internationale
– Kiss of the Damned
– App

Crossovers
– Proxy

Enfin, nous aimerions dédier cet article, ainsi que tous les autres comptes rendus du FEFFS 2013, à la mémoire de Vincent Garreau, collègue journaliste travaillant à Chronic’art et qui nous a quitté au mois de février. Rencontré l’année dernière à Strasbourg, Vincent a laissé le souvenir d’un homme d’une extrême gentillesse et d’un très grand talent. Adieu cher ami, cette édition n’a pas été la même sans toi.
Merci à Lucie Mottier de Dark Star Presse, Daniel Cohen, Nathalie Flesch ainsi qu’à tous les bénévoles du festival.