Interview : James Wan (Insidious)

 

Interviewer James Wan a de quoi effrayer… Au regard du pedigree du monsieur difficile de ne pas s’attendre à voir un réal un peu vicelard sur les bords prêt à nous tendre un petit piège vicieux digne des plus grands méfaits de Jigsaw (au hasard : visionner Paranormal Activity en boucle pendant huit jours d’affilé ou se crever les yeux !). Surprise : le monsieur se révèle adorable et d’une modestie désarmante. Et oui pour ceux qui en douteraient, James Wan est cool !

 

Insidious est- il  un hommage  à Poltergeist de Tobe Hooper ?
Les gens voient une corrélation avec Poltergeist car il a été le premier film de maison hantée important qui se déroule dans une imposante bâtisse en banlieue. Insidious est de la même veine mais aussi parce que dans les deux films on peut voir des enquêteurs du paranormal. Poltergeist est un de mes films d’horreur préféré, donc quand les gens font ce rapprochement je suis très content. Ce n’était pas un hommage mais ça me va.

 

 

Comment avez-vous fait pour que le film ait l’air nouveau, inédit, alors que tant de choses ont été faites à travers les années dans ce genre ?
C’est compliqué, de nos jours, de faire peur à un public. Compliqué mais cool. Je le vois comme un challenge, il faut que je trouve quelque chose d’unique, de différent pour accrocher le public. Ce qu’on a voulu faire avec Insidious, c’était rester assez classique, old school tout en créant des choses uniques. Je pense qu’on y est arrivé.

 

 

Votre boogeyman est un mix entre Freddy Krueger et Darth Maul…
Maintenant que vous le dites ! C’est étrange, sûrement parce qu’il a un visage rouge… Mais je pense que mon démon est plutôt inspiré par David Lynch. Il peint son visage au rouge à lèvres ce qui me semble assez « lynchien ». Je me suis demandé comment Lynch créerait un démon »… En termes de fantômes, j’adore tout ce qui est théâtral, comme le personnage d’Harley Quinn  dans Batman ou encore les clowns, les poupées. L’un de mes films préféré s’appelle Carnival of Souls. Il a des fantômes qui font peurs, vraiment peur, et c’est dû au faible budget du film. Les maquillages étaient mal réalisés mais ça donnait un coté effrayant.

 

 

© Wild Bunch Distribution

 

 

Vous avez travaillé avec le compositeur Charlie Clouser pour Dead Silence, Death Sentence et Saw mais pas sur celui-là. Pourquoi ?
J’aime beaucoup Charlie mais pour Insidious je voulais essayer quelque chose de différent. C’est pourquoi j’ai fait appel à Joseph Bishara [qui a composé la BO d’Insidious] est un grand fan de films d’horreurs. Je ne veux pas dire que Charlie n’aurait pas fait du bon travail, mais Joseph a vraiment apporté quelque chose.  Avec lui je pouvais faire des références à Carnival of Souls, à Dario Argento ainsi qu’à d’autres films obscurs. Sa sensibilité collait bien au film. On s’est inspiré de musiques de films comme celle de Black Christmas, très simple, avec juste du piano. C’est ce que je voulais pour Insidious, que Joe me compose une musique au piano. Je me suis aussi senti obliger de lui confier la musique car il joue le démon dans le film. Il a passé plus de six heures au maquillage à chaque fois. Comme il était sur le plateau, qu’il voyait le tournage, je me suis dit qu’il savait déjà ce que le film sera.

 

 

Le film m’a rappelé La Quatrième Dimension, le film produit par Steven Spielberg. Vous l’avez vu ? Et est-ce que Steven Spielberg a vu Insidious ?
C’est cool pour la Quatrième Dimension… Pour Steven Spielberg, je ne sais pas. Demandez le lui et dites moi (Rires). Je suis fan de Spielberg. C’est difficile pour ceux de notre génération de ne pas grandir avec Steven Spielberg et George Lucas. Il y a aussi les protégés de Spielberg : Joe Dante, John Landis, Chris Colombus, Robert Zemeckis… J’ai grandi avec eux et les deux films qui m’ont le plus marqué étant gamin sont Les Dents de la Mer et Poltergeist. Poltergeist m’a terrifié et m’a donné la peur des poupées et des clowns. Les Dents de la Mer m’a donné peur de la mer. J’aime aussi beaucoup Duel. C’est le genre de film auquel on se réfère quand on est étudiant en cinéma.

 

 

© Wild Bunch Distribution

 

En dehors des films, où allez-vous chercher votre inspiration ? Dans vos propres peurs ?
Pour Insidious, l’inspiration est venue de nombreuses histoires de fantômes que Leigh [Whanell, le scénariste] et moi avons entendus de nos amis, de notre famille. Je voulais faire un film qui capture cette ambiance, un peu comme quand vous êtes avec des potes autour d’un feu de camp à vous raconter des histoires. Souvent les gens me demandent s’il existe une formule pour faire un film qui fait vraiment peur. Je n’ai pas la recette mais j’essaye de faire des films qui me perturbent moi-même. Si ça me fait peur, ça ne peut que fonctionner avec le public.

 

 

Vous avez l’habitude d’utiliser des acteurs à contre-emploi. Saw était le premier film d’horreur de Danny Glover, c’est à peu près la même chose pour Rose Byrne dans Insidious. Vous aimez donner des rôles inhabituels à vos acteurs ?
Oui. J’aime remplir mes films d’acteurs qu’on n’associe pas avec ce genre de films, qu’il s’agisse de Danny Glover  pour Saw, Donnie Wahlberg dans Dead Silence ou Patrick Wilson dans Insidious. Je trouve ça cool. Ils apportent quelque chose d’unique. Avec Rose et Patrick, j’ai eu de la chance car ils arrivent à nous faire croire qu’ils sont une vraie famille, que la dynamique de couple fonctionne. On y croit et on s’inquiète pour eux. Les avoir étaient une grosse victoire pour moi.

 

 

© Wild Bunch Distribution

 

 

Votre film est construit en deux parties : une 1ère effrayante et une 2e où l’humour est plus présent. Pourquoi ce choix ?
Si on fait un film intense du début à la fin et qu’on n’offre pas au public quelque pour les faires rire, ils rient d’autre chose, et généralement ils se moquent de quelqu’un chose qui n’est pas censé être amusant. Ce n’est pas bon. On a donc voulu faire un film effrayant, avec du suspens mais qui permette aussi au spectateur de respirer. Avec un peu d’humour, suffisamment  pour ne pas en faire une comédie, c’est bon pour le public; un peu comme des montagnes russes avec des hauts et des bas.

 

 

Vous avez un duo de comiques qui  fait un peu penser à Ghostbusters…
A cause de l’équipement ? Leigh et moi, on aime les instruments mécaniques un peu bizarres. Souvenez-vous des pièges dans Saw. J’adore ce genre de trucs. Ce duo de comiques nous a permis de caler ces objets étranges, comme le masque à gaz.

 

 

© Wild Bunch Distribution

 

Quand vous avez réalisé le premier Saw, avez vous pensé que ça deviendrait la franchise qu’on connait actuellement ?
Je mentirai si je disais que j’y avais pensé. J’ai toujours cru que quand, à la fin du film, Jigsaw ferme la porte en disant « Game over », ce serait vraiment la fin ! Mais l’appel du box office a rouvert cette porte avec beaucoup de suites ! Maintenant que la franchise est finie, je peux la regarder dans son ensemble avec un point de vue plus objectif. Vous savez, je n’ai réalisé que le premier et j’ai été impliqué dans les histoires du 2e et du 3e mais c’est à peu près tout. Les crédits sont donc pour les producteurs et le studio qui ont réussi à sortir un film par an et avoir beaucoup de succès. La plupart des suites de films d’horreurs sortent directement en vidéo et Saw a fait beaucoup d’entrées, il y a un vrai public pour cette franchise. Je suis très content et fier. Quel réalisateur d’un film ne le serait pas en voyant que c’est devenu une franchise énorme ?

 

 

Pensez-vous qu’Insidious puisse devenir une franchise aussi ?
Insidious a créé une mythologie, un monde, et des personnages qu’on pourrait revoir dans d’autres histoires. Le film a un potentiel pour des suites. Cela dit, nous n’avons pas fait le film en pensant à des suites éventuelles. Je n’ai jamais réalisé une suite d’ailleurs.

 

 

Qu’est ce qui vous a récemment fait peur au cinéma ?
C’est difficile de trouver un film qui m’effraye de nos jours. Le plus récent, celui que j’aime beaucoup, est un peu ancien. C’est Le Sixième Sens de M. Night Shyamalan. Le remake de Ring aussi, même si j’aime l’original.

 

 

© Wild Bunch Distribution

 

Est-ce que vous réaliseriez un remake ?
J’ai toujours dit que je n’avais rien contre les suites et les remakes. Mais il faut que je puisse y apporter quelque chose de nouveau, de différent.  Certains films n’ont pas besoin de remakes d’ailleurs. D’autres sont meilleurs que les originaux parce que l’histoire y est mieux racontée, que les moyens ont été mieux utilisés. C’est valable pour The Thing de John Carpenter ou La Mouche de David Cronenberg  car les réalisateurs ont réussi à faire quelque chose de nouveau.

 

 

Vous avez travaillé avec Oren Peli, réalisateur de Paranormal Activity. Votre film est beaucoup plus effrayant que le sien. Qu’a-t-il pensé d’Insidious ?
Oren aime beaucoup le film. Un des plus grands compliments qu’il m’ait fait, alors que je faisais le montage de la première version du film, c’est de me dire : « comment ai-je pu avoir peur en le voyant alors que je connaissais le script, que j’étais sur le plateau ? ». Il était terrifié, vraiment. Lui et ses partenaires ont apporté pas mal d’idées. Cela  nous a beaucoup aidé à raconter l’histoire du film.

 

 

Merci à Bossa Nova et Way To Blue…. Et merci à James Wan !