Interview Rian Johnson (Looper)

 
Rian Johnson n’est pas seulement talentueux il a aussi la parole facile comme le démontre cette entrevue menée par Alexandre Poncet du magazine Mad Movies. Moments choisis d’une rencontre pas comme les autres !

 
 
Il y a deux histoires en une dans Looper (ATTENTION SPOILERS) laquelle vous est d’abord venu à l’esprit : celle qui ressemble à Akira ou le film de mafia ?
L’idée du film m’est d’abord venue il y a dix ans à l’époque où je pensais en faire un court métrage mais je n’ai jamais eu les fonds nécessaires pour le faire. Au début cela ne devait être qu’un film noir mais après avoir tourné Une arnaque presque parfaite ça a petit à petit pris de l’ampleur avec l’implication d’Emily Blunt et la séquence finale dans la ferme (FIN SPOILERS). Le concept est petit à petit devenu double avec un coté à la fois terrien et urbain.
 
 
Pourquoi ne pas avoir décidé de rajeunir Bruce Willis numériquement comme dans Clones au lieu de maquiller Joseph Gordon-Levitt ?
Je trouve que les effets spéciaux appliqués aux visages ne sont pas concluants pour le moment. Rendre un visage numérique totalement réaliste c’est un peu le saint Graal des effets spéciaux. Aussi étant notre budget j’ai préféré opter directement pour le maquillage.
 
 
Etais ce difficile de tourner un film aussi ambitieux avec un tel budget ? On a une impression de système D qui fait beaucoup penser à Sam Raimi.
Quand j’ai commencé à me lancer dans le cinéma, j’ai commencé par faire des petits films avec mes amis, ma famille.  C’était avant tout  une expérience. Je n’ai jamais envisagé ça sous un angle « professionnel », pour moi il s’agissait de fabriquer des films. Ce qui fait que quand j’écris un film, je ne me contente pas de coucher des idées sur papier, j’essaie de penser à tout ce qui pourrait être associé à chaque scène afin d’avoir une vision beaucoup plus globale. Merci beaucoup pour la référence à Sam Raimi, ça me touche beaucoup car c’est l’un de mes réalisateurs préférés. Pour revenir au film, vous savez  les blockbusters aux budgets moyens sont en train de se développer de plus en plus. Le fossé entre films à gros et petit budget est un mythe. Avoir des noms comme celui de Bruce Willis vous permet de gagner en légitimité sur les marchés étrangers.
 
 
Le design des armes est vraiment particulier, c’était voulu ?
On retrouve avec les armes cette même dichotomie que j’évoquais plus tôt. Ces armes sont l’incarnation de la virilité des protagonistes. Elles sont à la fois très simples et impressionnantes. J’ai pensé mon film comme un tour de montagnes russes.

 

Joseph Gordon Levitt dans Looper de Rian Johnson
©SND

 
 

Cela a été difficile de convaincre Joseph Gordon-Levitt et Bruce Willis ?
Ca n’a pas été difficile de convaincre Jo de participer. Lui et moi sommes restés très amis depuis Brick. Si Jo a pas mal évolué depuis, moi aussi. Mais au delà de tout  ça j’adore travailler avec lui car il me soutient. Je pensais que Bruce au contraire aurait quelques réticences concernant certaines scènes mais au contraire, il n’a jamais remis en cause  le scénario ou ce qu’on attendait de lui.

 
 
Parlez nous du jeune acteur qui donne la réplique à Emily Blunt et Joseph Gordon-Levitt…
Pierce est un garçon extraordinaire. Contrairement à la plupart des enfants acteurs, on avait pas besoin de faire plusieurs prises de la même scène car il parvenait tout ressortir d’un coup. Ce que vous voyez à l’écran est le résultat de trois prises maximum, ce qui est assez incroyable de la part d’un enfant de cinq ans. Quand on le voit regarder fixement dans les yeux les autres acteurs à qui il donne la réplique on sent qu’il y a une volonté d’échange. C’est à ce qu’on reconnaît un grand acteur.
 
 
Il y a une dynamique très intéressante entre ces deux personnages, chacun a raison et tort à la fois…
La tension du film repose à la fois sur l’ambiguïté morale de leurs choix et l’intrigue. Je voulais que le spectateur soit à la fois impliqué dans l’histoire tout en étant tiraillé sur le personnage qu’il aimerait voir gagner.
 
 
Le thème du voyage dans le temps est très périlleux, ça ne vous a pas fait peur ?
Dans Looper, les personnages imposent leurs propres règles, je n’ai pas voulu être trop didactique avec un thème comme le voyage dans le temps. J’ai établi une seule règle. Une fois établie je me suis sentie totalement libre. Le but n’était pas de  convaincre le spectateur de la viabilité du voyage dans le temps qui est avant tout un fantasme et non un concept scientifique. Je trouvais amusant d’aborder autant l’aspect physique que psychologique du voyage dans le temps et comment il affecte les personnages sur ces deux points.

 

Bruce Willis et Joseph Gordon-Levitt dans Looper de Rian Johnson
©SND

 
 
On sent une grosse influence d’Akira dans votre film…
Oui bien sur mais c’est surtout le précédent manga d’Otomo, Domu (Rêves d’enfants/NDR) qui m’a influencé pour Looper.
 
 
Y’a t il eu de grosses différences entre le scénario et le résultat à l’écran ?
Pas tellement car même s’il y a bien quarante cinq minutes de scènes coupées, le résultat est aussi épuré que je le souhaitais.

 

 

Certains mouvements de caméra sont très bien orchestrés, vous pouvez nous en parler ?
Généralement, quand je finis d’écrire le scénario je m’attelle directement au story-board. En retranscrivant les images que j’ai dans la tête, cela me permet d’avoir une nouvelle approche visuelle de mes plans. Par exemple, beaucoup reprochent à Martin Scorsese d’être très empathique avec sa caméra mais pour moi c’est lorsqu’il se lâche qu’il parvient à toucher au mieux le cœur du spectateur. C’est plus intéressant qu’une caméra hystérique qui bouge partout !

 

Bruce Willis dans Looper de Rian Johnson
©SND

 
 
Pourquoi avoir tourné une partie à Shanghai ?
A la base je voulais tourner ici et montrer un Paris futuriste mais on ne pouvait pas se le permettre. A un moment donné j’avais pensé reconstituer Paris numériquement à la Nouvelle Orléans mais comme Paris est une de mes villes préférées je ne pouvais pas me résoudre à faire une fausse Tour Eiffel (rires).  On était dans une impasse et c’est à ce moment là que le distributeur chinois du film nous a sauvé la mise en proposant de payer le déplacement de l’équipe vers Shanghai afin de transposer une partie de l’action là bas. Après avoir murement réfléchi, cela m’a paru logique non seulement à cause des d’Akira mais aussi de Blade Runner. Mais promis je serais à Paris le 21 décembre pour la fin du monde !