Séance de rattrapage : critique Tron, l’héritage

 

Un film de Joseph Kosinski. Avec Jeff Bridges, Garrett Hedlund , Olivia Wilde. Sortie le 9 février 2011

Disney réactualise les panoplies du monde virtuel de Tron. Pari réussi ou grosse baudruche ?

Note : 4/5

 

En réactivant la « franchise » Tron, Disney  nous replonge dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre. Peut-être trop en avance sur son temps, la pelloche de Lisberger connu un four retentissant avant de faire l’objet d’un véritable culte auprès d’une communauté geek en pleine émergence. Considéré comme le premier film virtuel utilisant les images de synthèses à des fins purement narratives, il aura inspiré tout un pan de la S.F. (Le cobaye, Matrix) et garde une place prépondérante dans la culture populaire via une multitude de références toujours plus actuelles (Chuck, South Park). Alors que le tsunami Avatar a redéfini notre façon d’appréhender le cinéma, il était temps que l’héritier reprenne ses droits . Pari réussi ? Définitivement oui !

 

Tron Legacy de Joseph Kosinski

 

Si Tron premier du nom continue d’exercer un doux parfum de fascination c’est davantage pour son aspect précurseur que son intrigue trop absconse pour prendre le spectateur aux tripes. D’où la nécessité de réactualiser le mythe via une version 2.0 dont les tenants et aboutissants parleront forcément plus à une génération biberonnée aux OS. Une évolution que le film pointe de manière plus ou moins pertinente avec en ligne de mire l’aliénation technologique. Ce propos, déjà latent dans Tron, prend ici toute son ampleur via une nouvelle grille (The Grid) dont la vertigineuse verticalité fait écho à la diabolisation des nouvelles technologies. Pas très fin certes, surtout quand les personnages se mettent à deviser sur la question, mais force est de reconnaitre que visuellement l’univers updaté de Tron en jette ! A l’image de son prédécesseur, Tron : l’héritage est un film qui se  regarde plus qu’il ne se suit. Pensé pour en mettre plein les mirettes, il s’appréhende avant tout comme un trip sensoriel flirtant avec l’expérimental. Coté casting, si Garrett Hedlund convainc en fils prodigue aux cotés d’une Olivia Wilde à la beauté diaphane, ils se voient immédiatement éclipsés par un Jeff Bridges impérial dont la zenitude n’est pas sans rappeler un certain Dude. Aussi génial dans la peau de Kevin Flynn que dans celui de son diabolique avatar, il apporte au film une touche d’humanité bienvenue. C’est ainsi que, au détour d’un photogramme numérique, l’émotion née avec en point d’orgue, une sublime bande originale.

 

Jeff Bridges dans Tron Legacy de Joseph Kosinski

 

Personnage à part entière, la monumentale musique de Daft Punk contribue en très grande partie au coté très aérien de cette suite indubitablement dans l’air du temps. Mastodonte symphonique aux envoutantes orchestrations, elle assure dès la première note une immersion immédiate dans cet univers relifté et magnétique. A l’instar d’un certain Interstellar 5555, les images semblent ici construites pour illustrer la partition du duo robotique et non l’inverse. Exemple en est avec l’attaque chez Zuse, morceau de bravoure rythmé aux beats du génial Derezzed. Jamais musique et images n’auront été autant en osmose créant par là même un maelstrom d’une incroyable densité. Disons le sans détours : la réussite du film tient essentiellement dans le doux mariage entre l’univers de Tron et celui de Daft Punk, le second puisant invariablement ses inspirations dans le premier. Jamais léthargique face à cette débauche de sons et lumières, le spectateur plonge corps et âme dans cet oppressant univers via une 3D judicieusement utilisée. Un procédé qui accentue le coté montagnes russes du métrage.  Autant de bons points qui nous feraient presque oublier les quelques petits défauts de l’ensemble tel son coté moralisateur où l’apparition d’un Jeff Bridges numérisé au cours d’une séquence d’ouverture se voulant émouvante. Un parti pris qui met en exergue la relative faiblesse dramatique des séquences live. On se consolera avec la présence de Bruce Boxleitner, ex-Tron censée faire le lien entre les deux films avant que Bridges prenne le relais, qui impose une certaine force tranquille à chacune de ses apparitions. La nostalgie surement !

 

 

 

Parfois bancal, souvent magnifique, Tron : l’héritage demeure un fascinant voyage aux confins de l’abstraction digitale.