Séance de rattrapage : Horns

 

Un film d’Alexandre Aja. Avec Daniel Radcliffe, Juno Temple, Max Minghella. En salles depuis le 1er octobre 2014.

 

 Daniel Radcliffe ne sait plus où donner des cornes dans cette fable allégorique lourdingue mais pas totalement ratée.

 

Note : 2,5/5

 

Cela fait huit ans maintenant, depuis qu’il a rejoint les terres de l’Oncle Sam, qu’Alexandre Aja s’est fait une spécialité de recuisiner à sa sauce le cinéma d’horreur. Trois films américains comme autant de remakes (quatre si l’on compte Maniac, sa production la plus personnelle au point qu’on se demande s’il en est pas le réalisateur officieux) et à chaque fois un talent indéniable pour mettre en scène la peur, styliser l’hémoglobine pour la transformer en symphonie des eaux couleur rouge sang. Un cahier des charges made in Aja qui trouvait son incarnation la plus pure dans Piranha 3D, satire féroce des dictats « springbreakiens » qui dénonçait la marchandisation de la chair en la broyant sous les dents acérés de ses sales bêbêtes. Un exemple de série B intelligente et méchante piratant les codes du genre pour mieux nous renvoyer à notre image de spectateur voyeur le tout boosté par un humour ravageur o combien salutaire. Pour son nouveau film, Aja reste plus ou moins en territoire connu car s’il abandonne les remakes, il se réapproprie l’univers d’un autre. En l’occurrence celui de Joe Hill (fiston de Stephen King) et de son roman éponyme Horns. Nous y suivons donc les mésaventures d’Ignatius (Daniel Radcliffe) accusé à tort du meurtre de sa bien aimé (Juno Temple) et qui se retrouve du jour au lendemain affublé d’étranges cornes. Jusqu’ici tout va mal surtout que ces cornes ont la fâcheuse habitude d’inciter les gens à dévoiler leurs plus sombres secrets. Un pouvoir qu’Igniatus va utiliser pour découvrir qui a tué la femme de sa vie. Un pitch alléchant propice à toutes les folies surtout de la part du fils de Stephen King… à supposer que celui-ci ait le talent de son père. Malheureusement pour nous, Hill n’est pas King et les emprunts à l’univers de son paternel (Stand By Me, Le Bazaar de l’Epouvante…) sont beaucoup trop nombreux pour que l’on puisse s’immerger, dans cet univers qu’on aurait aimé beaucoup plus personnel et moins révérencieux.

 

© Metropolitan Filmexport
© Metropolitan Filmexport

 

A trop jouer la carte de l’allégorie et de la satire, Horns finit par tourner méchamment en rond et cela se ressent à l’image. Aja ne sait visiblement pas quoi faire du pouvoir de son héros et fait l’impasse sur toute les ambivalences induites par le pouvoir de son héros préférant se complaire dans un discours trop moralisateur à peine contrebalancé par une ironie mordante. D’aucuns pourront arguer qu’Horns n’ambitionne pas tant d’être un revenge movie cornu qu’une fable morale sur les responsabilités individuelles, certes mais il faut bien reconnaître ici que l’approche peine à tenir la route sur deux heures. Pour autant Horns n’est pas dénué de qualités et pourrait même représenter le meilleur travail de mise en scène d’Alexandre Aja à défaut d’être son meilleur film. Si sur le fond, Horns se ramasse dans sa volonté de raconter une fable morale convaincante, il réussit davantage lorsqu’il s’aventure sur le terrain du conte de fées sombre dont tous les codes esthétiques sont repris avec talent par un Alexandre Aja au meilleur de sa forme. Comprendre par là qu’Horns perdrait beaucoup de son intérêt sans le savoir faire d’Alexandre Aja qui parvient ici à créer une ambiance fantasmagorique des plus réussis, instillant parfaitement l’étrange dans un quotidien morne. De par sa mise en scène, sa façon d’iconiser un Daniel Radcliffe parfait en ange vengeur romantique, Aja transcende ce qui n’aurait pu être qu’un film d’horreur prêchi prêcha au symbolisme lourdingue, pour en faire quelque chose d’autre, une série B à la croisée de plusieurs chemins malheureusement trop indécis par moments. Il en résulte un objet bizarre, une sorte d’OFNI quelque part entre le cinéma de David Lynch et The Crow. Soit un regard sur l’Americana forcément singulier mais qui aurait gagné à être moins approximatif que ce soit dans l’utilisation de son concept ou dans le comportement parfois très erratique de ses personnages.

 

Ne s’assumant qu’à moitié, Horns aurait gagné à être plus frontal et moins moralisateur. Restent une réalisation particulièrement soignée et des acteurs très convaincants.