Test Blu-ray : Watchmen, la série

Projet casse-gueule, l’itération télévisuelle du monumental Watchmen est un véritable bijou.
Note:5 out of 5 stars (5,0 / 5)
Série:5 out of 5 stars (5,0 / 5)
Image:4 out of 5 stars (4,0 / 5)
"Son:4 out of 5 stars (4,0 / 5)
Bonus :3 out of 5 stars (3,0 / 5)

 

Diamant brut
Véritable casse-tête en termes d’adaptation, Watchmen, le pensum d’Alan Moore et Dave Gibbons aura découragé bien des cinéastes (Terry Gilliam, Darren Aronofsky, Paul Greengrass pour ne citer qu’eux) avant que Zack Snyder n’en fasse une version très (trop ?) littérale. Mais étais-ce le seul moyen de rendre hommage à ce chef d’œuvre de la pop culture ? Une question délicate à laquelle la version télévisée imaginée par Damon Lindelof (Lost, The Leftovers) répond par la négative. Situé trente ans après les tragiques évènements qui ont conclu le comics, la série se sert de la mythologie Watchmen comme prétexte davantage que comme moteur narratif. En prenant comme toile de fond le massacre raciste de Tulsa en 1921 (évènement malheureusement peu évoqué dans les livres d’Histoire), la série dresse un terrifiant miroir de l’Amérique d’aujourd’hui gangrenée par la peur et la xénophobie. Se servant clairement de Watchmen comme d’un astucieux cheval de Troie, Lindelof en extrait la substantifique moelle pour mieux y injecter ses obsessions propres (le deuil, la peur de l’autre, la transmission…) et offrir une nouvelle lecture tour à tour cryptique et mélancolique.  Bien que bardé de références astucieusement disséminées (dans cet univers Robert Redford est devenu président des États-Unis, clin d’œil d’autant plus croustillant qu’il a servi de modèle avoue à Gibbons et Moore pour le personnage d’Ozymandias), les deux œuvres sont totalement indépendantes l’une de l’autre. Pas de quoi crier à la trahison tant elles se rejoignent dans leurs propos.

Regina King dans Watchmen. Copyright : HBO

Et c’est bien là que se situe l’intelligence de la série qui s’éloigne de son matériau d’origine pour mieux le rejoindre thématiquement et ainsi mettre en exergue son caractère intemporel. Ainsi la série Watchmen et son modèle littéraire se rejoignent dans leur démystification de la figure du super-héros, sa valeur à la fois métaphorique et son ancrage sociétal, faisant de celui-ci, le spectateur plus que l’acteur d’une Histoire amenée à se répéter encore et encore. Par ce subtil effet de manche, le papa de The Leftovers démontre que parfois, le plus beau des hommages doit passer par une apparente trahison.Car il y a dans cette version de Lindeloff quelque chose de profondément malaisant. Par sa propension à déconstruire l’american way of life par l’entremise de ses icônes pop, Watchmen tout comme le roman graphique, en interroge la place ainsi que la manière dont elles s’inscrivent dans l’Histoire et l’inconscient collectif. Série mémorielle, sensitive, ce one shot de Lindeloff est un bijou d’intelligence et de construction essaimant ses indices au fil d’un impressionnant patchwork formant un ensemble cohérent avec son modèle. Véritable coup de pied dans la fourmilière, il arrive à point nommé pour nous rappeler combien l’Histoire tend à se répéter. Nécessitant tout de même une réelle connaissance du matériau d’origine pour en connaitre tous les tenants et aboutissants, la série reste suffisamment accessible pour servir de belle porte d’entrée au chef d’œuvre de Moore et Gibbons.

Une image ciselée
Tourné en 3.2K avec la Alexa Mini, Watchmen répond techniquement à tous les standards techniques actuels inhérents aux shows TV américains. Sa copie HD, à l’avenant, nous offre un très beau rendu. Les noirs sont profonds, les teintes allant du sépia à la grisaille en passant par la verdure entourant la cage dorée d’Ozymandias sont parfaitement retranscrites. Tour à tour (faussement) chatoyant et glacée, cette saison nous offre une palette d’ambiances tour à tour bigarrées et oppressantes. De la très belle ouvrage. On en attendait pas moins d’une production de ce standing.

Regina King voit la vie en noir et blanc. Copyright : HBO


Son partout, justice nulle part !

Dès la séquence d’ouverture se situant durant la tuerie de Tulsa en 1921, le ton est donné : les balles fusent, le caisson de basse accuse une belle profondeur. D’une belle richesse, la piste anglaise DTS-HD Master Audio 5.1 donne la part belle aux effets et à la musique tout en laissant le soin au dialogues de se détacher quand il le faut. Dense et généreuse, elle donnera pleine satisfaction aux amateurs. Attention à la pluie de poulpes ! Naturellement moins dense, le mixage français Dolby Digital 5.1 ne manque pas non plus d’attraits. Elle est surtout l’occasion d’entendre une dernière fois le regretté Patrick Poivey (doubleur officiel de Bruce Willis, pour ne citer que lui, nous ayant quitté cet été) qui prête ici sa voix à Don Johnson comme il l’avait déjà fait notamment sur Deux flics à Miami et Nash Bridges. Un travail d’adaptation tout ce qu’il y a de plus honorable.

Don Johnson doublé en français par le regretté Patrick Poivey. Copyright : HBO

 

A la surface
Comme c’est souvent le cas pour les séries TV, Watchmen bénéficie en guise de bonus d’une pelleté de featurettes, courts modules promotionnels revenant brièvement sur divers aspects du show. D’une durée oscillant entre deux et cinq minutes, ces derniers présentent peu d’intérêt. On retiendra toutefois les documentaires inédits Le premier justicier – le juge masqué (HD, 11min 47s) et Adrian Veidt : Le Roi Colossal (HD, 12 min 36s) qui reviennent sur ces deux personnages emblématiques. Une manière original d’approfondir davantage les fascinantes thématiques de la série à travers ces deux faces d’une même Amérique. Si on ne peut qu’apprécier l’apparente profusion de suppléments, on aurait toutefois aimé que ces derniers soient plus long et moins promotionnels. Ainsi, un commentaire audio de Damon Lindeloff sur un ou plusieurs épisodes n’aurait pas été de trop.

Les icônes ont la vie dure ! Copyright : HBO
Si vous êtes passé à côté ou si le regard incandescent de Regina King continue de vous trotter dans la tête, ce coffret est l’occasion idéale pour (re)découvrir ce fascinant OVNI télévisuel dans des conditions optimales.

Watchmen de Damon Lindeloff. Disponible en DVD et Blu-ray chez Warner Home Vidéo depuis le 19 août 2020.